Il y a 100 ans s’ouvrait le procès de Landru, l’escroc devenu Barbe-Bleue
« Montrez-moi les corps ! » Accusé de 11 assassinats, considéré comme le premier tueur en série français, Henri-Désiré Landru n’avouera jamais. Il y a 100 ans, le 7 novembre 1921, s’ouvrait son procès à grand spectacle près de Paris.
Horrifiés et fascinés à la fois, anonymes et gens du monde se ruent pendant trois semaines à la cour d’assises de Versailles, en région parisienne, pour apercevoir ce petit homme chauve à la longue barbe noire et au regard perçant, escroc et séducteur devenu Barbe-bleue. Et se régaler de ses répliques.
Tous sont captivés par le mode opératoire diabolique de cet homme d’apparence si ordinaire dont on n’a jamais retrouvé les victimes et qui sera condamné le 30 novembre à la peine capitale.
Dix femmes (et le fils de l’une) appâtées, entre 1915 et 1919, par petites annonces dans les journaux, promesse de mariage à l’appui. Puis tuées dans la maison isolée qu’il loue à Gambais, à l’ouest de Paris.
L’arrestation de Landru, la tenue du procès-fleuve et le verdict doivent beaucoup à l’opiniâtreté de l’inspecteur de police Belin. En l’absence de preuves matérielles et d’aveux, il accumule un faisceau d’indices qui convaincront le jury de la culpabilité d’un homme méthodique jusqu’à la maniaquerie.
Celui-ci consigne tout dans son carnet: détails physiques sur ses proies, achat de scies à métaux par dizaines ou horaire devant le prénom des victimes, macabre indication du moment précis des crimes…
Annonces matrimoniales
Né en 1869 à Paris, marié et père de quatre enfants, Henri-Désiré Landru a longtemps vécu de petits boulots. Autoproclamé ingénieur, il invente au tournant du siècle une motocyclette qu’il fait breveter. Elle n’est jamais commercialisée mais sera le point de départ de ses nombreuses escroqueries.
L’ex-enfant de choeur séjourne trois fois en prison avant une nouvelle carambouille pour laquelle il est condamné par contumace en 1914, peine assortie d’une relégation au bagne de Cayenne.
Mais la guerre éclate et la désorganisation qu’elle entraîne sert le fuyard. Dans la clandestinité, il utilise jusqu’à 96 identités, déménage une quinzaine de fois.
Les hommes sont au front, les femmes seules; il publie des annonces matrimoniales où il se fait passer pour un veuf aisé cherchant l’âme soeur.
C’est un séducteur sans grande envergure mais il présente bien. Beau parleur et plein d’humour. En contact avec 283 prétendantes, il ne retient que des célibataires isolées ou des veuves. Avec pécule.
A Vernouillet, puis à Gambais, de 1915 à 1919, il reproduit le même scénario: il « recrute » une fiancée, la séduit, lui fait signer une procuration, fait main basse sur ses économies avant de la tuer et de faire disparaître son corps.
Vraisemblablement brûlé, en partie, dans la cuisinière: les voisins diront avoir senti des odeurs nauséabondes s’échapper de la cheminée.
Elément accablant produit au procès: Landru achète un billet de train aller-retour pour lui-même mais un aller simple pour ces dames. Prénommées Jeanne, Berthe ou encore Anna… Le doute subsiste sur une douzième victime.
« Mon petit bagage »
Le 12 avril 1919, l’homme le plus recherché de France et qui se fait alors appeler « Lucien Guillet » est finalement arrêté chez lui, à Paris. La soeur d’une victime l’a reconnu dans la rue et a alerté la police.
« L’affaire Landru » fait la Une des journaux et la légende du criminel est solidement forgée quand s’ouvre, deux ans et demi plus tard, son procès.
L’engouement est considérable. Chaque matin, à la gare Saint-Lazare, le train pour Versailles, surnommé le « train Landru », est bondé.
Colette couvre le procès pour « Le Matin ». Un vrai spectacle, avec bons mots -réels ou apocryphes- de l’accusé et effets d’audience. Comme quand son avocat, le ténor du barreau Vincent de Moro-Giafferi, note que tout le monde a tourné la tête quand il annonce l’entrée d’une des disparues, preuve qu’il existe un doute sur ces morts.
Un argument qui n’émeut pas l’avocat général: Landru, lui, n’a pas bougé, réplique-t-il.
L’accusé et son numéro d’acteur finissent par lasser. Et le jury suit l’accusation qui demande la peine de mort pour cet « assassin dégouttant du sang de ses victimes ».
Le 25 février 1922 au petit matin, Landru est conduit sur le parvis de la prison de Versailles. Le président français Alexandre Millerand vient de lui refuser la grâce.
Juste avant l’exécution, son avocat lui demande s’il veut libérer sa conscience. « Cela, maître, c’est mon petit bagage », lâche-t-il, sibyllin. A 06H04, la lame de la guillotine tombe. Landru est parti avec ses secrets.
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