Allocution de Léopold II lors d'un dîner au Royal Literary Fund de Londres. © GETTY IMAGES

Discours de Léopold II à la conférence géographique de Bruxelles

 » Ouvrons à la civilisation la seule partie de notre globe où elle n’ait point encore pénétré « 

 » Messieurs,

Permettez-moi de vous remercier chaleureusement de l’aimable empressement avec lequel vous avez bien voulu vous rendre à mon invitation. Outre la satisfaction que j’aurai à entendre discuter ici les problèmes à la solution desquels nous nous intéressons, j’éprouve le plus vif plaisir à me rencontrer avec les hommes distingués dont j’ai suivi depuis des années les travaux et les valeureux efforts en faveur de la civilisation.

Le sujet qui nous réunit aujourd’hui est de ceux qui méritent au premier chef d’occuper les amis de l’humanité. Ouvrir à la civilisation la seule partie de notre globe où elle n’ait point encore pénétré, percer les ténèbres qui enveloppent des populations entières, c’est, j’ose le dire, une croisade digne de ce siècle de progrès ; et je suis heureux de constater combien le sentiment public est favorable à son accomplissement ; le courant est avec nous.

Messieurs,

Parmi ceux qui ont le plus étudié l’Afrique, bon nombre ont été amenés à penser qu’il y aurait avantage pour le but commun qu’ils poursuivent à ce que l’on pût se réunir et conférer en vue de régler la marche, de combiner les efforts, de tirer parti de toutes les ressources, d’éviter les doubles emplois.

Il m’a paru que la Belgique, Etat central et neutre, serait un terrain bien choisi pour une semblable réunion, et c’est ce qui m’a enhardi à vous appeler tous, ici, chez moi, dans la petite Conférence que j’ai la grande satisfaction d’ouvrir aujourd’hui. Ai-je besoin de dire qu’en vous conviant à Bruxelles, je n’ai pas été guidé par des vues égoïstes. Non, Messieurs, si la Belgique est petite, elle est heureuse et satisfaite de son sort ; je n’ai d’autre ambition que de la bien servir. Mais je n’irai pas jusqu’à affirmer que je serais insensible à l’honneur qui résulterait pour mon pays de ce qu’un progrès important dans une question qui marquera dans notre époque fût daté de Bruxelles. Je serais heureux que Bruxelles devînt en quelque sorte le quartier général de ce mouvement civilisateur.

Léopold II
Léopold II  » Je serais heureux que Bruxelles devînt le quartier général de ce mouvement civilisateur. « © GETTY IMAGES

Je me suis donc laissé aller à croire qu’il pourrait entrer dans vos convenances de venir discuter et préciser en commun, avec l’autorité qui vous appartient, les voies à suivre, les moyens à employer pour planter définitivement l’étendard de la civilisation sur le sol de l’Afrique centrale ; de convenir de ce qu’il y aurait à faire pour intéresser le public à votre noble entreprise et pour l’amener à y apporter son obole.

Car, Messieurs, dans les oeuvres de ce genre, c’est le concours du grand nombre qui fait le succès, c’est la sympathie des masses qu’il faut solliciter et savoir obtenir.

De quelles ressources ne disposerait-on pas, en effet, si tous ceux pour lesquels un franc n’est rien ou peu de choses consentaient à le verser à la caisse destinée à supprimer la traite dans l’intérieur de l’Afrique ?

De grands progrès ont déjà été accomplis, l’inconnu a été attaqué de bien des côtés ; et si ceux ici présents qui ont enrichi la science de si importantes découvertes voulaient nous en retracer points principaux, leur exposé serait pour tous un puissant encouragement.

Parmi les questions qui seraient encore à examiner, on a cité les suivantes :

1° Désignation précise des bases d’opération à acquérir, entre autres, sur la côte de Zanzibar et près de l’embouchure du Congo, soit par conventions avec les chefs, soit par achats ou locations à régler avec les particuliers ;

2° Désignation des routes à ouvrir successivement vers l’intérieur et des stations hospitalières, scientifiques et pacificatrices à organiser comme moyen d’abolir l’esclavage, d’établir la concorde entre les chefs, de leur procurer des arbitres justes, désintéressés, etc. ;

3° Création, l’oeuvre étant bien définie, d’un comité international et central et de comités nationaux pour en poursuivre l’exécution, chacun en ce qui le concernera, en exposer le but au public de tous les pays et faire au sentiment charitable un appel qu’aucune bonne cause ne lui a jamais adressé en vain.

Tels sont, Messieurs, divers points qui semblent mériter votre attention ; s’il en est d’autres, ils se dégageront de vos discussions et vous ne manquerez pas de les éclaircir.

Mon voeu est de servir comme vous me l’indiquerez la grande cause pour laquelle vous avez déjà tant fait. Je me mets à votre disposition dans ce but et je vous souhaite cordialement la bienvenue. « 

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