De Caligula à Donald Trump
Que Caligula, qui avait voulu nommer consul son cheval, fût complètement fou, peu de gens en doutent. Pourtant, à la lumière des dernières études, on n’en est plus aussi sûr. En fait, il se serait agi d’un coup politique visant l’institution avec laquelle il était en conflit. Mais cette action allait entacher spectaculairement l’image léguée à la postérité.
La reine Marie-Antoinette, décapitée lors de la Révolution française, à qui l’on affirmait « Majesté, le peuple n’a plus de pain », aurait répondu : « Qu’ils mangent de la brioche! ». Il n’est pas certain qu’elle ait vraiment prononcé cette phrase, mais c’est avec celle-ci qu’elle est entrée dans l’histoire. Pourtant, l’épouse de Louis XVI n’était certainement pas cette créature ignoble et stupide.
De nombreux exemples démontrent que la réputation des dirigeants est souvent façonnée par leurs opposants politiques. Et la postérité de les déclarer fous. Il est clair aujourd’hui la vérité nous échappe, tout au moins partiellement. La cage dorée dans laquelle de nombreuses têtes couronnées ont passé leur vie les a déconnectées du monde et, dans de nombreux cas, elle a aussi déterminé leur comportement. On sait, par exemple, que du fait de la consanguinité, plusieurs souverains de la maison des Habsbourg souffraient d’anomalies aussi bien physiques que mentales.
Tous ces dirigeants étaient-ils déments? Dans de nombreux cas, ils ont usé de violence pour obtenir, conserver ou accroître leur pouvoir. Or, un tyran violent n’est pas impérativement fou. Comme le cite Barbara Tuchman, historienne américaine, le pouvoir cultive parfois la folie et peut affecter la capacité à écouter convenablement l’opinion d’autrui. En effet, il est essentiel que les leaders puissent être contestés comme le démontre, en décembre 2018, la démission du ministre de la Défense américain James Mattis. Si l’on en croit les observateurs de la Maison-Blanche, il était alors » le seul adulte » dans l’entourage de Donald Trump. Le seul à oser contredire le président. C’est par ailleurs un phénomène bien connu – y compris chez nous – qu’au fil du temps, les hauts responsables politiques tendent à ne plus s’entourer que de personnes totalement dépendantes, incapables d’énoncer toute idée autre que celles que le patron veut entendre.
C’est un phénomène bien connu qu’au fil du temps, les hauts responsables politiques tendent à ne plus s’entourer que de personnes totalement dépendantes, incapables d’énoncer toute idée autre.
Depuis la publication, en 1976, du best-seller Ces malades qui nous gouvernent (1) par le journaliste et historien français Pierre Accoce et le docteur Pierre Rentchnick, le sujet suscite toujours beaucoup d’intérêt. Ceux dont dépend notre destinée ont-ils l’aptitude physique et mentale requise ? Les portraits des leaders politiques brossés au fil des pages suivantes mènent souvent à la conclusion que les grands de ce monde souffrent, ou souffraient, de paranoïa, d’une forme plus ou moins excessive de narcissisme ou simplement de démesure. Bertrand Russell, philosophe britannique de la fin du XIXe, affirmait déjà que le pouvoir conduit à l’excès et qu’il empoisonne l’esprit. Un exemple frappant en est aujourd’hui donné par Donald Trump. Encore lui!
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait jamais eu de dirigeants vraiment fous. Pensons au tsar russe Ivan le Terrible ou, plus récemment, au colonel libyen Mouammar Kadhafi. D’autres, au fil de l’histoire, ont souvent été mis rapidement hors d’état de nuire par leur entourage. On peut citer ici aussi Winston Churchill, coutumier des bons mots, pour qui la démocratie est le pire des systèmes politiques, à l’exception de tous les autres, et qui souffrait de troubles bipolaires…
(1) Ces malades qui nous gouvernent (Stock, Paris, 1976, Prix Littré 1977) sera suivi en 1988 par Ces nouveaux malades qui nous gouvernent (même éditeur).
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