Crise migratoire, réalité en 2040 ?
Les conséquences du manque d’intérêt de l’expertise occidentale, européenne et belge sont largement sous-estimées. L’avenir du monde se joue aussi, et peut être surtout, en Afrique centrale.
Il est certain que les retombées d’une crise majeure, liée à ce processus de destruction des forêts, des écosystèmes, des espèces fortement braconnées, en Afrique se répercuteront de façon massive sur l’Europe. La crise du Covid-19 démontre les besoins de stratégie d’anticipation, au sein de l’Union européenne, et entre l’Europe et l’Afrique.
Si on ne pratique pas une bonne prévention par des appuis intelligents et concertés en faveur de la sédentarisation agricole, le processus de destruction de la forêt primaire à haute valeur carbonée (et de biodiversité), qui se fait aujourd’hui a raison de 1 à 1,5 % de la surface totale chaque année, va s’accentuer, et la pluviométrie du pays et de tout le continent va s’en trouver impactée avec des baisses de rendements agricoles qui atteindront 40 % et plus ( voir carte page suivante).
Si on ne fait pas le nécessaire, une émigration massive s’en suivra inévitablement. Concrètement, des dizaines de millions et, ensuite, sans doute des centaines de millions de réfugiés climatiques, se mettront en mouvement de l’Afrique vers l’Europe. En cas de crise profonde, voire irréversible, la RDC constitue un » risque » migratoire majeur vers les pays francophones d’Europe.
Avec la désertification du Sahel, accentuée par la disparition de la forêt du bassin du fleuve Congo, la perte de fertilité des sols et la baisse de rendements agricoles vont affamer les populations. Les études du GIEC, comme tant d’autres, tirent la sonnette d’alarme depuis des années.
Vers de nouveaux exodes
A l’horizon 2050, l’Asie et l’Afrique, ensemble, rassembleront près des deux tiers de l’humanité. L’Afrique subsaharienne comptera 2,2 milliards d’habitants, soit 22 % de la population mondiale. A partir de 2060, elle figurera parmi les régions les plus peuplées au monde. Le basculement démographique au profit du monde afro-asiatique sera un fait accompli. La planète sera divisée en un monde de personnes âgées (Europe, Etats-Unis, Japon et des parties de l’Amérique latine) et un monde émergent, qui abritera les populations les plus jeunes et les plus nombreuses de la Terre. Le déclin démographique de l’Europe et de l’Amérique du Nord se poursuivra inexorablement. Les migrations ne s’arrêteront pas.
Si, fuyant leurs pays d’origine, de nombreux Africains se précipitent vers des lieux où nul ne les attend ni ne veut d’eux, tel est le cas de ressortissants d’autres régions du monde qui, aussi curieux que cela paraisse, espèrent refaire leur vie en Afrique. Mine de rien, le continent est lui aussi en passe de devenir le centre de gravité d’un cycle nouveau de migrations planétaires. Les Chinois s’installent au coeur de ses grandes métropoles et jusque dans ses bourgades les plus reculées, tandis que des colonies commerçantes africaines s’établissent dans plusieurs mégalopoles d’Asie. Dubaï, Hong Kong, Istanbul, Guangdong et Shanghai au détriment des grandes destinations euroaméricaines. Des dizaines de milliers d’étudiants s’en vont en Chine, alors que le Brésil, l’Inde, la Turquie et d’autres puissances émergentes frappent à la porte.
Nécessaire recentrage sur le monde rural en Afrique
On constate de fortes densités humaines dans les grandes villes et Kinshasa connaît le plus haut taux de croissance urbaine au monde, tout en étant dans l’incapacité d’offrir suffisamment d’emplois. Il y a donc effectivement un problème de viabilité des campagnes africaines. Pour inverser ce flux, il faut prioriser à tout prix le fait d’aider les hommes à vivre mieux là où ils vivent. Il faut redorer le blason de la ruralité africaine, lutter massivement contre cet exode destructeur.
A la spirale dévastatrice du réchauffement climatique, aux Etats-Unis, en Europe, au Japon, s’ajoutent la Chine et les pays émergents où la colonisation des terres et les destructions des forêts devient un système d’Etat (comme au Brésil). L’explosion du droit au développement (et à consommer) pour tous fait exploser l’impact humain sur la planète que le GIEC dénonce depuis longtemps. La ruralité est donc un mode de vie qui requiert notre plus grande attention, car ce sont les laboratoires de notre vie » équilibrée » de demain sur la planète. Les confinements provoqués par le Covid-19 nous montrent comment nos espaces urbains en zone industrialisée deviennent des mouroirs quand la ruralité devient un havre.
L’Afrique a beaucoup à apprendre au monde. Les Africains sont des » peuples natifs « , ils défendent leur terroir depuis l’origine des temps. Ils ont cette capacité d’accueil, et de prise de conscience des réalités de la planète. Ils ont la faculté de nous apprendre de nouveaux équilibres de vie avec la nature notamment avec une agriculture paysanne qui évolue et qui peut devenir l’avenir du monde.
Un programme européen en faveur des aires protégées en Afrique
Les succès acquis par les projets environnementaux du Fonds européen de développement en partenariat avec l’institut congolais de conservation de la nature ICCN, au cours de ces trois dernières années, justifient une collaboration accrue entre les parties prenantes sur base de partages d’expériences concrètes. L’objectif est aussi de contribuer au système d’aide à la décision et d’orientation du processus de stratégie à longue échéance des autorités nationales, locales, provinciales… et des partenaires techniques et financiers, outils pour la formation de journalistes qui mènent le plaidoyer sur les priorités de développement et d’attitudes citoyennes efficaces pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Pour sauvegarder une aire protégée ou un espace de la forêt, il faut non seulement un bon système de surveillance, mais aussi et surtout un accompagnement des populations locales. La Fondation Virunga, avec le prince de Mérode, le chevalier François-Xavier de Donnea mène une action modèle dans le parc national des Virunga avec la construction de barrages hydroélectriques, la fourniture d’électricité pour le développement, agricole et industriel. Au parc de la Salonga, on a compris que pour protéger cet espace forestier unique au monde (de la taille de la Belgique) il faut installer une ceinture de forêts autour de la réserve et dont la gestion est confiée aux collectivités sous le nouveau statut de concession forestière de communautés locales.
Les cultures pérennes telles que café, cacao, hévéa et même le palmier à huile sont excellentes pour sédentariser les paysans et créer des revenus. Les contrats de paiements pour services environnementaux payés aux résultats (reboisement, protection effective de forêts ou d’espaces de régénération) sont devenus depuis plusieurs années une façon efficace, transparente et appréciée, qui récompense les communautés et leur octroie des rémunérations au prorata des efforts faits pour sauvegarder la forêt, y compris pour des forêts de régénération naturelle suscitées par l’homme dans un processus de mise en défens des feux (réserve de biosphère de Luki, Kongo-Central). Il est donc urgent d’élargir le cadre d’échange d’expériences permanent dans le sens de l’harmonisation, l’alignement entre les projets REDD, CAFI, ceux de la Banque mondiale et des agences spécialisées des Nations unies afin de renforcer l’appropriation d’une stratégie intégrée conservation-développement par tous les acteurs/organes impliqués dans la gouvernance, le développement et la gestion des ressources naturelles.
En raison de l’histoire, de la proximité et des intérêts partagés, les liens qui unissent l’Afrique à l’Union européenne sont vastes et profonds. Il est temps de faire passer cette relation à un niveau supérieur. 2020 est une année charnière pour concrétiser l’ambition de développer un partenariat encore plus solide et relever les défis communs du XXIe siècle avec nécessité de prendre pleinement en considération les jeunes et les femmes ainsi que leur potentiel en tant que vecteurs de changement.
Il s’agit notamment de développer un modèle de croissance verte, d’améliorer l’environnement des entreprises et le climat d’investissement, d’encourager l’éducation, la recherche, l’innovation et la création d’emplois décents grâce à des financements durables, de maximiser les bienfaits de l’intégration économique régionale et des échanges commerciaux, de lutter contre le changement climatique, de garantir l’accès à l’énergie durable, de protéger la biodiversité et les ressources naturelles, ainsi que de promouvoir la paix et la sécurité, de garantir la bonne gestion de la migration et de la mobilité et d’oeuvrer ensemble au renforcement d’un ordre multilatéral fondé sur des règles qui véhiculent les valeurs universelles, les droits de l’homme, la démocratie et l’égalité entre les hommes et les femmes.
Coopération multilatérale
Une coopération renforcée sur les questions mondiales et multilatérales doit être au coeur de notre action commune. L’Union européenne propose de soutenir les capacités africaines en matière de défense et de sécurité et de se concentrer sur une approche intégrée des conflits et des crises, en agissant à tous les stades du cycle ; déployer des efforts de prévention, de résolution et de stabilisation au moyen d’actions bien ciblées sur le plan humanitaire, du développement, de la paix et de la sécurité. L’Union propose, dans la stratégie, de soutenir les efforts consentis par les partenaires africains pour s’attaquer à l’ensemble des défis et accroître leur résilience globale.
Le Covid-19 aura-t-il moins frappé l’Afrique ?
Environ 60 % de la population africaine est âgée de moins de 25 ans. » En Afrique, il y a moins de vieux à tuer « , résume l’écrivain ivoirien Gauz. L’Afrique présente aussi un très faible taux d’obésité, qui est un facteur de risque majeur de mortalité au Covid-19. Le continent est également mieux paré pour affronter les épidémies, avec peu de ressources.
Un nouveau pacte vert pour l’Europe
Cinq domaines clés de la future coopération approfondie entre l’Europe et l’Afrique : transition écologique et accès à l’énergie, transformation numérique, croissance et emplois durables, paix et gouvernance, migration et mobilité.
Le Congo, premier producteur d’électricité africain?
Le Congo, un fleuve colossal. Long de près de cinq mille kilomètres, le Congo est le plus long cours d’eau d’Afrique, après le Nil. A son embouchure, il se jette dans l’océan Atlantique avec une force telle qu’il poursuit sa course sous l’eau sur 150 kilomètres, formant un flux d’eau douce dans la masse de l’eau de mer salée. Aux chutes d’Inga, à quelques centaines de kilomètres en amont, cette énergie hydraulique représente le plus grand potentiel d’hydroélectricité du monde. » Dans un pays dont les compagnies étrangères exportent en masse les matières. Aux chutes d’Inga, à quelques centaines de kilomètres en amont, cette énergie hydraulique représente le plus grand potentiel d’hydroélectricité du monde. « Dans un pays dont les compagnies étrangères exportent en masse les matières premières, c’est l’une des rares ressources naturelles qui ne seront jamais volées « , constate Kris Pannecoucke, le photographe belge qui a descendu le fleuve Congo en vue de la publication de son livre Fleuve Congo River.
L’administration coloniale avait conscience de l’énorme potentiel de l’eau, mais ce n’est qu’en 1972, sous Mobutu, que le premier barrage sera réalisé sur le Congo. Le barrage d’Inga, connu aujourd’hui sous le nom d’Inga 1, acquiert d’emblée une grande valeur symbolique. Il incarne le nouvel élan du pays, stimulé par un Mobutu Sese Seko jeune et dynamique. En 1982, Mobutu réalise un second barrage, Inga 2, et rêve déjà d’un mégabarrage qui pourvoirait l’ensemble du continent africain en électricité.
Aujourd’hui, nombre d’experts considèrent que le concept du mégabarrage est dépassé. L’avenir, estiment-ils, est aux sources d’énergie décentralisées, telles que le photovoltaïque.
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