Chez les Kogis, je est un autre
Ils ont conservé les traditions des anciens, celles des civilisations maya et aztèque, et vivent en totale autarcie économique et spirituelle, au coeur du monde. Tout là-haut sur les plateaux de la sierra Nevada colombienne, chez les Amérindiens Kogis, l’argent n’existe pas: on s’échange les services: « Tu m’aides et je t’aide »… bien qu’en langue kogi, le « je » n’existe pas.
Ici, le féminin règne en reine. Les femmes portent la responsabilité de la vie spirituelle de la communauté tandis que les hommes incarnent cette parole. Toutes les décisions se prennent cependant dans un processus qui associe les deux regards. Puisque, dans la nature, rien n’existe seul, les Kogis misent sur l’altérité et la constante recherche d’équilibre entre les forces opposées et interdépendantes: le féminin et le masculin, la nature et l’homme.
L’éducation repose essentiellement sur les deux piliers principaux régissant l’organisation de la communauté: vivre en paix ensemble et prendre soin de la Terre-Mère. Alors, les Kogis s’écoutent les uns les autres. Ils privilégient tellement le dialogue que le mot « ennemi » n’existe pas non plus. Ils écoutent la voix de la Terre. C’est elle qui sait, elle qui dicte les lois. Celles, immuables et incontournables, qui leur permettent de vivre dans la sérénité, bien au-delà des intérêts individuels. Là-haut, la nature est un sujet qu’on écoute, un corps territorial que l’on apprend à connaître. En toute logique puisque, selon eux, les éléments qui composent la Terre se retrouvent dans le corps humain. Les Kogis sont convaincus que notre corps et elle fonctionnent à l’identique: l’un comme l’autre se fâchent dès qu’on leur manque de respect. La nature est l’expression du vivant, ce ne sont pas les phénomènes extérieurs – arbres, vent, nuages – qui les intéressent, mais comment le vivant permet ces phénomènes. Ils voient des étoiles que nos télescopes géants n’aperçoivent pas et ont cette humilité qui les fait sourire, inlassablement.
Ils sont convaincus que notre corps et la Terre fonctionnent à l’identique.
A l’arrivée des conquistadors en 1524, les Kogis étaient 1,5 million. Ils ne sont plus aujourd’hui que 25 000, constamment persécutés par ceux qui convoitent leur territoire. Mais toujours prêts à accueillir les étrangers et à dialoguer pour partager leurs savoirs. L’association Tchendukua – Ici et Ailleurs, fondée en 1997 par Eric Julien et parrainée par le comédien Pierre Richard, le philosophe Edgar Morin et l’auteur et psychothérapeute Thierry Janssen, accompagne les Indiens Kogis dans la récupération de leurs terres ancestrales. « Nous avons besoin de développer les qualités humaines nécessaires pour les accompagner, car ce sont elles qui nous sauveront, analyse Eric Julien. Plus de 1 700 hectares leur ont déjà été restitués, sur lesquels cinquante familles se sont installées et où la forêt tropicale est régénérée.
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