BÂTIR UNE ËRE NOUVELLE ?
Née sur les cendres de la Grande Guerre, la Société des Nations a incarné les espoirs puis les désillusions des partisans de la sécurité collective. Membre fondateur, la Belgique y a joué un rôle non négligeable, notamment grâce à Paul Hymans.
Si l’idée d’assurer une paix durable par la négociation est présente dès le XVIIIe siècle, notamment chez Kant, il faut attendre les conférences de La Haye sur le désarmement et la prévention de la guerre (1899 et 1907) pour en voir les premiers effets concrets, telle la Cour permanente d’arbitrage. Pendant la Première Guerre mondiale, les réflexions s’intensifient et, le 8 janvier 1918, le président américain Wilson fait de la Société des Nations (SDN) l’un de ses 14 points (NDLR : Les » quatorze points de Wilson « , nom donné au programme du président américain pour mettre fin à la Grande Guerre et reconstruire l’Europe). Imprégné de religiosité mais peu au fait des réalités européennes, Wilson veut que le Pacte de cette SDN soit un instrument de rédemption. Il veut aussi, en lui consacrant la première phase de la Conférence de Paris (janvier-février 1919), battre le fer tant qu’il est chaud : les élections américaines de mi-mandat ont renforcé ses opposants républicains, partisans d’une politique d’isolationnisme, et les Français comme les Britanniques sont peu désireux d’écorner leur souveraineté nationale ou d’envisager un désarmement généralisé.
UNE DÉCISION UNANIME
Le 28 avril 1919, le Pacte de la SDN est adopté à l’unanimité par la Conférence de Paris et devient bientôt la Partie I des traités de paix, ce qui semble en faire un instrument punitif plus que de réconciliation. Autre symbole : parmi les 32 fondateurs et les 13 Etats neutres invités, qui garantissent mutuellement leur indépendance et leur intégrité territoriale, ne figurent ni les pays vaincus, ni la Russie soviétique. L’élaboration du Pacte a frustré les petites puissances : si chaque Etat dispose d’une voix à l’Assemblée, au Conseil, c’est la règle de l’unanimité avec les 5 » principales puissances alliées et associées (France, Royaume-Uni, Italie, Japon, Etats-Unis, ces derniers n’intégrant finalement pas l’institution faute de ratification du texte) comme membres permanents. Ils se voient adjoindre, par élection, des membres non permanents parmi les » puissances à intérêts particuliers « . Le représentant belge à la commission de la SDN, le ministre des Affaires étrangères Paul Hymans, plaide avec vigueur la cause des » petits » et contribue à leur obtenir 4 voix. Il échoue cependant à faire de Bruxelles le siège de la SDN : avoir été occupée par les Allemands la dessert et Genève l’emporte pour sa réputation de ville neutre. La Belgique se console en siégeant au Conseil jusqu’en 1927 et en voyant Paul Hymans le présider à plusieurs reprises. Il préside en effet la première Assemblée en 1920. Par ailleurs, il est rapporteur dans plusieurs dossiers soumis à la SDN, tels le différend polono-lituanien ou le plébiscite en Haute Silésie.
LA BELGIQUE TRÈS IMPLIQUÉE
Mais la Belgique est également présente dans d’autres domaines dont se saisit la Société des Nations. Citons l’investissement des juristes belges à la Cour permanente de justice internationale, la participation de Jules Destrée à la Commission internationale de coopération intellectuelle ou l’implication d’Emile Vandervelde et du professeur Ernest Mahaim dans la mise sur pied de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui s’emploie à construire une législation internationale en la matière. Enfin, c’est à la SDN que revient la responsabilité de contrôler la gestion des ex-territoires coloniaux allemands, attribués à diverses puissances sous forme de mandats. La Belgique reçoit ainsi le Ruanda et l’Urundi, voisins du Congo.
L’échec incontestable de la SDN, sur fond d’impuissance à prendre des sanctions militaires contraignantes, conduit à occulter un certain nombre de réussites ou d’avancées, acquises avant la grande crise économique. Le recours à une procédure d’arbitrage pour régler pacifiquement les conflits et l’atmosphère d’apaisement qui culmine avec les accords de Locarno (1925) en font partie. La SDN s’est également illustrée dans le soutien financier aux Etats en difficulté, dans l’aide aux réfugiés – la création du » passeport Nansen » pour les apatrides, par exemple -, dans la protection des minorités ou dans le respect des droits de l’homme (protection de l’enfance, lutte contre l’esclavage ou contre l’usage des drogues). Si ses concepteurs voulaient bâtir une ère nouvelle, les pesanteurs de la diplomatie traditionnelle et des intérêts nationaux ont vite eu raison de leur idéalisme.
Préambule du Pacte et Etats membres
Pacte de la Société des Nations
Les hautes parties contractantes,
Considérant que, pour développer la coopération entre les nations et pour leur garantir la paix et la sûreté, il importe
D’accepter certaines obligations de ne pas recourir à la guerre,
D’entretenir au grand jour des relations internationales fondées sur la justice et l’honneur,
D’observer rigoureusement les prescriptions du droit international, reconnues désormais comme règle de conduite effective des gouvernements,
De faire régner la justice et de respecter scrupuleusement toutes les obligations des traités dans les rapports mutuels des peuples organisés,
Adoptent le présent pacte qui institue la Société des Nations.
[…]
Membres originaires de la Société des Nations signataires du traité de paix
Etats-Unis d’Amérique, Belgique, Bolivie, Brésil, Empire britannique, Canada, Australie, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Inde, Chine, Cuba, Equateur, France, Grèce, Guatemala, Haïti, Hedjaz, Honduras, Italie, Japon, Liberia, Nicaragua, Panama, Pérou, Pologne, Portugal, Roumanie, Etat serbe-croate-slovène, Siam, Tchéco-Slovaquie, Uruguay
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