1968, année névrotique
Qui était numéro un dans les hit-parades en mai 1968 ? Où étaient les hippies ? Qu’entendait-on dans les auditoires ? Retour sur quelques titres qui ont parsemé les mois de contestation. A défaut de l’enflammer.
WILLIAM DÉJÀ SHELLER
Au début de l’année 1968, le jeune William Sheller connaît le succès grâce au morceau My Year Is A Day écrit pour Les Irrésistibles, groupe d’Américains vivant à Paris. C’est toutefois grâce à la musique d’une bande originale qu’il affichera pour la première fois son nom. Réalisé par Gérard Pirès, Erotissimo est une farce dans laquelle on retrouve Annie Girardot, Francis Blanche et Jean Yanne. C’est aussi l’occasion de moquer gentiment la révolution sexuelle entamée ces années-là…
SHEILA PETITE FILLE DE FRANÇAIS MOYEN
Action, réaction. Après l’affrontement sur les barricades, le retour au calme. Voire le retour de bâton. Aux élections législatives de juin, les gaullistes remportent le scrutin avec une écrasante majorité. Dans les hitparades, Sheila est de nouveau numéro un, en chantant Petite fille de Français moyen. Hymne très travail-famille-patrie, son côté guilleret cache mal son agacement face aux » caprices » et aux grands discours des » jeunes oisifs » qui ont tenté la révolution. Morceau choisi : » Elles vont voir toutes seules des films étranges/Auxquels personne ne comprend jamais rien/Elles abordent gaiement car rien ne les dérange/La dialectique, la politique et l’art ancien/Tandis que moi qui ne suis rien/Qu’une petite fille de Français moyen/J’apprends chaque jour en m’amusant/Que l’expérience vient avec le temps. «
APHRODITE’S CHILD RAIN & TEARS
Au mois de mai 1968, deux futurs poids lourds de la chanson française sortent leur premier disque : Julien Clerc ( La Cavalerie) et Gérard Manset ( Animal on est mal). Alors que l’ORTF part en grève, les deux morceaux trouveront une place, chacun à sa manière, sur des ondes quasi à l’arrêt. Nul n’en profitera toutefois autant qu’Aphrodite’s Child. Le trio grec formé par Vangelis, Demis Roussos et Lucas Sideras, a fui la dictature des colonels pour tenter de rejoindre Londres. Bloqués à Paris, à cause des événements, ils se débrouillent pour sortir Rain & Tears, malgré la fermeture de la plupart des usines de pressage. C’est l’une des dernières nouveautés à entrer en radio, où le morceau passe en boucle. Il terminera numéro un…
LA PREMIÈRE DE RENAUD
En 1968, Renaud a 16 ans. Il est forcément emporté par le tourbillon du mois de mai. Encouragé par Evariste, qui lui fait connaître le comité révolutionnaire d’agitation culturelle (où il croise aussi Coluche), il écrit sa première chanson. Trois accords de guitare, quelques mots griffonnés à l’arrière d’un tract. Devant les étudiants de la Sorbonne, Crève salope fait un tabac. » Je distribue les paroles et quelques jours plus tard, j’apprends que Crève salope est reprise dans les lycées occupés et dans plusieurs universités. D’une outrance affligeante, ma chansonnette n’en devient pas moins un des hymnes de Mai 68 « , explique-t-il dans son autobiographie.
GAINSBOURG À LONDRES
Mais où est passé Gainsbourg ? Dans une France assoupie, il est parti faire sa propre révolution, à Londres, au coeur du tourbillon pop. Il y enregistre notamment Initials BB et fait la rencontre d’une jeune actrice, Jane Birkin. Quand Paris s’embrase, ils sont amoureux. En 2013, Birkin expliquait ainsi au Monde: » Aujourd’hui, on plaque beaucoup de sensations sur cette époque. Pourtant, Mai 68, nous n’y pensions pas, et lui encore moins. Il ne prenait pas ça au sérieux. C’était un Russe ! Cela lui semblait anecdotique par rapport à la révolution d’Octobre… «
BERETTA FUMEUX
Mais combien de vies Daniel Beretta a-t-il connu ? Voix française d’Arnold Schwarzenegger, il a incarné le Messie dans la comédie musicale Jésus-Christ Superstar, et écrit des chansons aussi sublimes que La rua madureira pour Nino Ferrer. En 1968, il forme un duo avec Richard de Bordeaux (Richard Rigamonti), dont Barclay produit un premier 45-tours. Arrangé en partie par Jean-Claude Vannier (qui posera plus tard son empreinte sur le Melody Nelson de Gainsbourg), Psychose fait un carton. Dans la foulée, le binôme Beretta-de Bordeaux se retrouve à jouer dans le film Un été sauvage, histoire de hippie sur fond de Côte d’Azur. Ils y interprètent le morceau La Drogue, aux paroles enfumées – » oùùùùùù est ma drogue ? où est mon haschich ? « . » La Drogue sort en disque et le titre est aussitôt interdit à la radio « , note le label Born Bad qui l’incluera en 2006 dans sa compilation rétrospective, Wizzz French Psychorama 1966-1970, volume 1. » C’est à notre connaissance l’un des très rares morceaux français qui aborde de façon aussi explicite le thème de la drogue. » De fait.
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