«Feuilles volantes» d’Alexandre Clérisse: un cri d’amour à la bande dessinée
A travers les récits entrecroisés, tel un ruban de Moebius, de trois auteurs à trois époques différentes, Alexandre Clérisse lance un formidable cri d’amour à la bande dessinée. Et lui offre, avec Feuilles volantes, un petit bijou.
D’abord, il y a Max. Max a 10 ans, vit en 1990 et ne pense qu’à une chose: faire de la bande dessinée. Son imagination débordante atteindra des sommets lorsque, accompagnant son père sur un chantier, la réfection de la toiture d’une ancienne abbaye qui disposait, paraît-il, «d’un des plus grands scriptoriums de la fin du Moyen Age», il découvre, cachés sous le plancher, des caractères de plomb avec «des petits dessins en relief dessus».
Ensuite, il y a Raoul. Raoul est moine copiste, et se sent très à l’étroit dans son Moyen Age: «Il se sentait étriqué dans ces parchemins bibliques et les marges ne suffisaient pas à combler sa soif de créativité.» Jusqu’au jour où il rencontre un imprimeur – une nouvelle technologie! – et ses feuilles volantes, vendues à la sauvette sur les marchés, et qui lui vaudront bientôt le bûcher pour hérétisme. Des feuilles volantes que Raoul se mettra lui-même à produire.
Enfin, il y a Suzie. Elle vit dans un futur proche – et pour une fois non apocalyptique – et a réalisé son rêve: devenir dessinatrice, faire de sa passion son métier. Sauf que Suzie n’éprouve plus aucun plaisir à dessiner les histoires et les récits à succès qu’elle a repris de son père, Max. Elle avance, au contraire, en improvisant, sur un récit beaucoup plus personnel et a priori, mais a priori seulement, moins «mainstream». Le sujet? L’histoire d’un jeune garçon qui dessine dans sa chambre l’histoire d’un moine copiste qui dessine l’histoire d’une dessinatrice du futur! Bienvenue, avec ces trois-là, dans l’univers fantastique d’ Alexandre Clérisse, qui atteint avec Feuilles volantes (1) des sommets de narration, de graphisme et de plaisir partagé.
Ode au métier
«Il y a évidemment de moi dans ces trois personnages, à trois étapes différentes dans leur rapport au dessin, à la création et à la bande dessinée», avoue l’auteur passé par l’autoédition, l’histoire de l’art et la communication visuelle – sources qui se retrouvent à chaque étage de ce roman graphique atypique, érudit sans ostentation, riche en compositions graphiques qui n’appartiennent qu’à lui, capable d’embrasser dans un même dessin enluminures ancestrales, techniques de vectorisation et émotions fortes.
«Je voulais parler du dessin, des dessinateurs et de la fascination de nos propres métiers, pour tous liés à l’enfance. Ce besoin très enfantin de dessiner, mais que l’on doit être capable d’adapter à d’autres paradigmes pour en faire un métier. Ce cap, entre le plaisir d’enfant et le professionnel, que beaucoup n’arrivent pas à passer.» Un cap que Clérisse a plus que dépassé dans ce Feuilles volantes à lire et à offrir.
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