
Le chocolat sans cacao, un produit d’avenir? Moins cher, peut-être, mais «il n’apporte pas grand-chose»
Pour faire face à la crise du cacao, certains industriels se sont lancé le défi de fabriquer du chocolat sans cacao. A la place, des graines et des légumineuses telles que le tournesol ou le souchet comestible. Présentée comme moins chère et meilleure pour l’environnement, cette confiserie est-elle, pour le consommateur, plus intéressante que le chocolat conventionnel?
Le prix du chocolat a fortement augmenté ces dernières années. Selon Testachats, celui-ci a fait un bond de 70% en treize ans à peine. La cause? Un effet boule de neige qui prend son origine en Afrique de l’Ouest, où les conditions climatiques trop sèches ont mis à mal des cultures de cacaoyers. L’offre de cacao n’est plus suffisante, pourtant, la demande mondiale ne baisse pas. Résultat: sur les marchés boursiers, la matière première du chocolat se négocie à prix d’or. Début 2024, à New York, la tonne de cacao s’arrachait à 10.000 dollars (9.100 euros environ), alors qu’en 2005, à Londres, elle se vendait seulement 800 livres sterling (plus ou moins 935 euros).
Face à cette augmentation, les industriels n’ont pas beaucoup d’options: soit ils augmentent les prix de leurs produits finis, soit ils modifient leurs recettes pour mettre moins de cacao dans leurs chocolats. Ou les deux à la fois. Quelques très rares fabricants ont misé sur une alternative plutôt surprenante: le chocolat sans cacao.
Récemment, la start-up allemande Planet a Foods a beaucoup fait parler d’elle en lançant ChoViva sur le marché des confiseries, avec des barres, friandises et autres figurines en chocolat qui n’en est pas vraiment. Si elle est la première à avoir commercialisé des chocolats sans cacao, elle n’est pas la seule. Depuis, d’autres entreprises ont lancé leurs propres alternatives, à l’instar des Britanniques de WinWin, des Finlandais de Frazer ou des Américains de Voyage Foods.
Du chocolat bon pour la planète?
Si rien n’était précisé de la nature des produits, avec les seuls visuels disponibles sur les sites et les réseaux sociaux de ces marques, il serait aisé de se méprendre et de croire qu’il s’agit de chocolats normaux. Il n’en est pourtant rien. Outre qu’ils sont sans cacao, ils partagent tous un autre point commun: ils sont fabriqués à base de graines ou de légumineuses… entre autres. Essentiellement du tournesol pour les Allemands, auquel les Américains ajoutent les pépins de raisin. De la caroube et du souchet comestible pour l’entreprise britannique.
Des matières premières qui ont une empreinte carbone moins haute que le cacao, avancent les marques. «Environ 80% inférieure», peut-on lire sur le site de ChoViva. Cela grâce à une matière première qui pousse très bien localement. Les graines de tournesol sont notamment récoltées dans les pays de l’Ouest européen. Idem pour les pépins de raisin. Quant à la caroube et au souchet comestible, leur culture est très implantée dans les pays du bassin méditerranéen.
L’empreinte écologique réduite de ces alternatives sucrées est aussi le résultat d’une utilisation de l’eau bien moindre par rapport au chocolat conventionnel. En tout cas, dans le chef de l’entreprise WinWin, qui utiliserait 80% d’eau en moins pour confectionner ses produits.
Aussi, voire plus, gras que le chocolat
Toute alternative écologique qu’elle soit, cette nouvelle lubie plutôt niche de l’agroalimentaire est-elle saine? Les graines précédemment citées ne sont naturellement pas les seuls ingrédients composant ces chocolats sans cacao. Celles-ci se retrouvent d’ailleurs systématiquement reléguées en troisième, voire quatrième position. Après –dans l’ordre– le sucre, les matières grasses végétales (de palme et de karité) et le lait en poudre pour ChoViva, et après les matières grasses végétales (de palme et parfois de karité) et le sucre pour WinWin et Voyage Foods. Les Allemands et les Américains précisent que l’huile de palme utilisée est durable (label RSPO), tandis que les Britanniques se contentent d’indiquer qu’elle est «non hydrogénée», autrement dit non transformée.
«On retrouve des matières grasses en quantités plus importantes que dans le chocolat classique, avec une proportion d’acide gras saturé aussi mauvaise.»
Vincent Leroy
Diététicien nutritionniste
Face aux listes d’ingrédients et aux valeurs nutritionnelles de trois produits commercialisés par ces trois marques, le diététicien nutritionniste Vincent Leroy répond d’emblée que les compositions de ces chocolats sans cacao ne sont pas plus intéressantes que celles des chocolats conventionnels. A part peut-être les antioxydants que l’on retrouve dans le chocolat, et, en moindre quantité, dans ces confiseries à base de graines ou de légumineuses.
En revanche, «on retrouve des matières grasses en quantités plus importantes que dans le chocolat classique, avec une proportion d’acide gras saturé aussi mauvaise, note le diététicien. En fonction de la composition, avec les graines de tournesol, par exemple, on pourrait avoir plus d’acides gras polyinsaturés (NDLR: Oméga-6, bon pour la santé), mais ce n’est pas significatif.» Pour ce qui est du sucre, ces «faux» chocolats en contiennent presque autant que du chocolat blanc ou du chocolat au lait. Même ceux présentés comme noirs.
Pour Vincent Leroy, ce type de produit peut prendre sa place dans l’alimentation, mais de la même manière que son pendant conventionnel, à savoir «par moment, et certainement pas avec une consommation excessive». «A part les antioxydants, ils n’apportent pas grand-chose. C’est plutôt un petit plaisir», conclut le nutritionniste.
Le pari du prix
Et le prix alors? Comme indiqué plus avant, l’idée de ces «faux chocolats» est aussi pour les industriels une façon de réagir au coût galopant du cacao. Seule la start-up allemande affiche clairement ses prix. Pour une figurine au «chocolat» au lait de 120 grammes, il faut compter 3,40 euros, soit 28,33 euros au kilo. Un produit semblable fabriqué par la chocolaterie belge Libeert est, quant à lui, affiché autour des 33 euros le kilo sur le site de Colruyt, et même jusqu’à 48 euros chez Delhaize. Toujours du côté de la marque au lion, un sachet de figurines au chocolat au lait de la marque distributeur est vendu plus de 36 euros du kilo.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici