Yvan Mayeur, apprenti sorcier hospitalier ?
Faire du CHU de Bruxelles une pièce maîtresse sur l’échiquier européen… sans consulter les médecins. Voilà caricaturée la démarche d’Yvan Mayeur dans le projet du PHUB, le Pôle hospitalier universitaire bruxellois. Projet dont le bourgmestre a » activement exclu » les conseils médicaux. Ces derniers viennent alors d’adresser un pied de nez aux instances politiques. Ambiance.
Comme un vélo sans roue, un moulin sans pale, voilà un projet hospitalier sans médecins. Après avoir adopté il y a deux semaines le texte fondateur, l’Université libre de Bruxelles et Bruxelles-Ville s’étaient félicitées d’avancer dans l’élaboration du PHUB. Ce fameux pôle réunissant cinq hôpitaux de la Capitale, à savoir l’institut d’oncologie Julet Bordet, l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (Huderf), le CHU Brugmann, le CHU Saint-Pierre et l’Hôpital académique Erasme. Une « association ambitieuse au service du patient », pour reprendre les termes du communiqué de presse.
Une belle image d’unité que de récents événements sont venus écorner. La convention d’association entre l’ULB et la Ville a été rejetée par la majorité des conseils médicaux de Brugmann, de l’Huderf et de Saint-Pierre. Soit trois institutions sur cinq, tout en sachant que le quatrième, Bordet, a émis des réserves.
Ce refus par les conseils, plus symbolique que contraignant, dénonce un projet visiblement fantasmé par les politiques, sans stratégie médicale. « Il y a une tactique que j’appelle tactique du saucissonnage, où on va discuter un peu de la pneumo par exemple mais on ne sait pas si on va faire de Brugmann un hôpital de revalidation, de Saint-Pierre un hôpital aigu. Il manque une portée médicale globale », sanctionne le Pr Vincent Ninane, président du conseil médical au CHU Saint-Pierre.
Faute avouée…
Les rejets exprimés en nombre par les représentants des médecins ont alors donné lieu à une réunion de crise à l’Hôtel de Ville, à l’initiative du bourgmestre. Lors de cette entrevue dite « constructive » par les différentes parties, Yvan Mayeur a reconnu que les conseils médicaux étaient « activement exclus ».
« Il le dit et ne le motive qu’au travers d’histoires corses. Le conseil médical de l’époque, quand je suis arrivé à Saint-Pierre il y a 25 ans, s’occupait de la gestion et les comptes étaient négatifs. Ce sont des reproches très anciens que Mayeur garde à l’esprit », relate avec une pointe d’amertume le Pr Ninane.
Des circonstances d’ordre plus pratique auraient également joué, nuance de son côté le Pr Jacques Devriendt, président du conseil médical du CHU Brugmann.
« Yvan Mayeur nous a expliqué que la convention devait passer comme ça, que le texte ne pouvait plus changer parce qu’il avait déjà fait l’objet de discussions et que si on voulait le modifier, cela allait tout retarder », remet en contexte le Pr Devriendt.
À l’issue de ce vif échange de vues, il a été proposé aux conseils médicaux qu’ils soient inclus au processus de construction d’ici le mois de septembre. « On ne sait pas encore sous quelle forme mais nous serons impliqués dans la politique médicale », indique le président du conseil médical du CHU Saint-Pierre.
Le comble
Toute cette situation relèverait au final d’un improbable manque de dialogue. Concédons que ne pas consulter les médecins bruxellois pour faire de la Capitale un centre d’excellence hospitalière semble paradoxal.
« C’est d’autant plus ridicule que dans la technique du saucissonnage, une fois qu’on aura traité une rondelle, un projet dans l’activité médicale, il faudra que ça passe par les conseils médicaux. À chaque fois. Si on se passe de l’avis des conseils médicaux, il faut alors une négociation avec la direction générale de l’hôpital, il faut prendre une tierce personne venant réconcilier le directeur avec le conseil médical », croit halluciner le Pr Vincent Ninane, qui dit entretenir pourtant d’excellents rapports avec la direction médicale ou générale de l’hôpital.
À l’avenir, les présidents de conseils veulent simplement que projets médicaux soient pensés en collaboration avec les médecins.
« Pas seulement pour donner l’aval et entériner quelque chose de tout fait ailleurs. Les médecins, ce ne sont pas les directions médicales, c’est le conseil médical notamment mais aussi tous les spécialistes des institutions. Les choses peuvent s’arranger si tout le monde est de bonne volonté, et notamment du côté de Monsieur Mayeur », espère le Pr Jacques Devriendt.
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