Workipity, l’Airbnb belge du coworking

Bastien Pechon Journaliste

Pour beaucoup de freelances, travailler dans un espace de coworking reste un luxe. Grâce à la startup Workipity, travailler chez un inconnu n’est plus une aventure, mais une bonne occasion pour « réseauter ».

Trois amis papotent dans un coin. Un immense arbre fait de l’ombre aux transats, aux chaises et aux tables disposées de manière disparate dans le jardin. En ce début d’après-midi de septembre, une des plus chaudes de l’année, cette terrasse est une vraie oasis. Idéal pour écrire, lire, surfer sur le web, passer des coups de fil, travailler. Nous sommes à « La Récré », un café un peu particulier, situé au 118 de la rue de Stassart, à Ixelles, à deux pas de la station de métro « Louise ». C’est en réalité un espace de coworking où l’utilisateur paie à la minute : 4 euros la première heure, puis 50 cents les 10 minutes supplémentaires. Voire maximum 16 euros la journée ou 200 euros par mois. WiFi compris. Sur une assiette, la tasse de café et le cookie à moitié dévoré sont inclus. Jus, sodas, biscuits, bonbons et gâteaux posés près du bar aussi. L’utilisateur peut également opter pour un pack à 95 euros pour avoir accès à cet espace de coworking durant dix journées complètes valables pendant deux mois.

Un concept qui éclot un peu partout. Comme à Liège où « L’Office café » fonctionne sur le même principe. Ou dans les grandes capitales comme Paris ou Londres. Ces espaces sont dédiés aux travailleurs nomades. Ces étudiants, doctorants, indépendants qui travaillent souvent seuls, à la maison. Mettre le pied dans un espace de coworking permet de travailler dans un lieu nouveau, entouré d’autres personnes qui tentent, eux aussi, d’avancer sur leur propre projet. Le site « utalkbrussels.com » a épinglé plus d’une vingtaine d’autres espaces de coworking à Bruxelles : Molengeek à Molenbeek, Mo ka à Forest, Silversquare à Ixelles, Seed Factory à Auderghem,… En fonction du lieu, les prix peuvent varier de 5 à 30 euros par jour et de 50 à 950 euros par mois. Voir plus. Des prix trop élevés pour la plupart des indépendants. Les bibliothèques publiques ou universitaires sont des « spots » plus abordables et tout aussi confortables. Sauf en période d’examens où elles sont bondées. Et pas question de passer des coups de téléphone. Entre les rayons des étagères, le silence est roi.

Travailler chez un inconnu

En juin dernier, nous avons eu l’occasion de tester un nouveau concept qui pourrait s’avérer gagnant pour une partie de ces nomades en manque de motivation et à la trésorerie limitée. Antonello Di Muro et Emanuela Garau ont lancé la page Facebook « Workipity » pour permettre à ces travailleurs indépendants d’organiser des séances de coworking à la maison. Ce vendredi-là, c’était Julien, 38 ans, qui organisait la session dans son appartement, près de la place Saint-Job, à Uccle. Larges baies vitrées donnant sur un petit jardin, guitares posées dans un coin, un chat endormi sur le canapé, une grande table de travail, un réseau WiFi performant. Un espace agréable où se poser et travailler. Cette séance a rassemblé ce jour-là quatre personnes de 9h à 18h. Dans la moyenne des autres sessions. Le concept s’adresse surtout aux travailleurs indépendants ou à des salariés qui font du télétravail. Les profils sont assez variés. « C’est un travail de nomade. Un travail que l’on peut faire un peu partout du moment que l’on a un PC. Ça peut-être un photographe qui travaille sur ses photos, un designer qui travaille sur son projet, un architecte, un doctorant,… », explique Emanuela. « L’objectif c’est de lutter contre la solitude professionnelle et d’augmenter son réseau », poursuit la cofondatrice de Workipity. Un networking qui commence dès le petit déjeuner. Un café ou un thé, quelques couques au chocolat et déjà les premiers liens se créent. Des connexions qui se renforcent sur le temps de midi autour d’un sandwich. Les inconnus rencontrés le matin même deviennent rapidement des collègues voire des associés, des clients ou des amis. À la fin de la journée, Julien recevra une compensation de 8 euros de la part de chaque participant. Le prix peut parfois s’élever à 12 euros voire plus si un repas chaud est livré sur le temps de midi par une société extérieure, par exemple. Voire à 5 ou 6 euros si la séance est programmée sur une demi-journée.

Une communauté de freelances

Antonello et Emanuela développent leur concept depuis fin mars. Ils ont déjà organisé une quinzaine de séances grâce au bouche-à-oreille. Environ 460 personnes ont déjà « liké » leur page Facebook. Conscients de la demande de cette génération de freelances, ils ont lancé une nouvelle plate-forme le 3 octobre dernier. Comme sur Airbnb, il est possible de réserver une séance de coworking chez un particulier et de payer directement sur le site. À terme, les utilisateurs paieront une commission sur chaque transaction pour le service rendu. À la différence du célèbre site de location de maisons et d’appartements, l’hôte est bel et bien présent et participe à la séance de coworking.

Un concept similaire a pris beaucoup plus d’ampleur en France depuis quelques mois. « Je me suis lancé en freelance en janvier 2015. Être seul chez moi, au début, c’était génial. Mais au bout d’un moment, je commençais à perdre de la motivation et de la créativité », raconte Laura Choisy, la fondatrice de Cohome. Elle a commencé à travailler sur son projet de coworking entre particuliers en mai 2015. Environ 1.000 journées ont déjà été organisées. Cohome est maintenant présent dans plusieurs villes de France comme Paris, Marseille, Lille, Lyon, Bordeaux,… Comme Workipity, sa communauté a d’abord grandi sur des pages Facebook dédiées à chaque ville. Aujourd’hui, ces pages rassemblent au total plus de 3.000 personnes. Laura Choisy et son associée, Madhu Desbois, ont finalisé une plate-forme similaire à celle de Workipity. En ligne depuis ce 29 septembre, le site perçoit une commission d’un euro sur le prix de chaque séance. Elles espèrent ensuite lancer leur concept à Bruxelles dans les prochains mois.

Laura, Antonello et Emanuela ont déjà été en contact via les réseaux sociaux. Un partenariat serait-il possible ? Deviendront-ils de futurs concurrents ? Rien n’est exclu. Mais grâce à ce concept, de plus en plus de travailleurs nomades pourraient se rassembler en tribu. Et ainsi avancer plus vite et plus loin.

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