Entre 2017 et 2023, le lancement de plusieurs lignes Express du TEC a permis d’améliorer l’offre en transports en commun dans les communes concernées. © BELGAIMAGE

Wallonie: votre commune est-elle mieux ou moins bien desservie qu’avant en transports en commun? (cartes interactives)

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Entre 2017 et 2023, la proportion d’habitants wallons desservis par au moins une ligne régulière de transport en commun a progressé de 3%, atteignant 68%, révèle une récente note de recherche de l’Iweps. Mais la situation varie fortement d’une commune à l’autre.

Dans sa stratégie régionale de mobilité, baptisée «Vision Fast», la Wallonie ambitionne de faire passer la part modale de la voiture, en kilomètres parcourus, de 83% en 2017 à 60% en 2030. A côté d’une réduction de la demande de déplacements de 5%, elle mise logiquement sur la marche et le vélo, mais aussi sur les transports en commun. La part modale du bus est censée atteindre 10% en 2030 (contre 4% aujourd’hui) et celle du train, 15% (contre 9%). Un défi majeur pour la Wallonie, compte tenu du désinvestissement dans le rail pendant des décennies, de la domination de la voiture dès les années 1960 et de la tendance persistante à l’étalement urbain, à savoir l’augmentation des superficies construites hors des centres-villes et des villages.

14 bus par sens et par jour ouvrable non scolaire

La Région est-elle en bonne voie pour atteindre ses ambitions? En 2023, près d’un Wallon sur trois ne vivait pas à proximité d’un arrêt régulièrement desservi. Le taux de couverture de la population wallonne en transports en commun réguliers s’élève en effet à 67,8%, révèle une récente publication de l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps). Il s’agit d’une progression d’exactement 3% par rapport à 2017. Les experts ont circonscrit ce taux de couverture aux zones suffisamment desservies. «La stratégie régionale de mobilité définit ce qui doit constituer le service de base pour un arrêt de transport en commun, expose Julien Charlier, chargé de recherches à l’Iweps et coauteur de l’étude. Il est question de quatorze bus par sens et par jour ouvrable non scolaire (NDLR: pour les trains, ce nombre peut être plus faible). Il s’agit donc d’une offre disponible toute l’année pour le travailleur, indépendamment des renforcements de lignes lors des périodes scolaires.» Après 2030, la fréquence sera même doublée.

Le taux de couverture évoqué plus haut n’intègre donc pas les zones où ne passeraient que deux ou trois bus par jour, ce qui constitue un premier filtre qualitatif. Les chercheurs ont en outre chiffré la distance acceptable d’un arrêt en fonction de ses caractéristiques: 500 mètres pour un arrêt de bus classique, un kilomètre pour les gares intermédiaires et les arrêts d’une ligne de bus express et 1.500 mètres pour les gares les plus grandes. «Nous avons fait ce choix méthodologique parce qu’en principe, un citoyen est prêt à marcher un peu plus vers un arrêt si celui-ci propose un mode de déplacement plus confortable ou plus rapide.»

«L’accessibilité en transport en commun du lieu de destination est un facteur plus crucial encore que celle du lieu de domicile.»

En revanche, le taux de couverture ne tient pas compte du nombre de lignes différentes disponibles, ni de leur adéquation avec les flux réels de mobilité. De même, «l’accessibilité en transport en commun du lieu de destination est un facteur plus crucial que celle du lieu de domicile», reconnaissent les auteurs. S’il est en effet facile de se rendre en voiture ou à vélo à l’arrêt le plus proche, cette multimodalité individuelle est moins évidente une fois sorti du bus ou du train. L’attractivité des transports en commun comparé à la voiture dépend en outre de biens d’autres facteurs: temps de trajet, points desservis, confort, fiabilité… Toutefois, la disponibilité d’une offre de transport en commun à proximité du domicile constitue certainement une condition sine qua non au renforcement de leur part modale.

La progression du taux de couverture serait due, pour 75%, à un renforcement de l’offre, et pour 25% à l’évolution démographique. Plus une commune parvient à gagner de nouveaux habitants dans une zone déjà bien desservie, plus cela augmente le taux de couverture. Inversement, les ménages choisissant d’emménager dans des zones faiblement desservies, principalement en périphérie, contribuent à le réduire. Compte tenu de la dispersion de l’habitat, il ne serait pas rentable économiquement de déployer des lignes de bus jusqu’à chaque maison dans les entités plus rurales. «Pour être efficace sur le plan environnemental, on considère qu’un bus doit transporter au minimum onze personnes», poursuit Julien Charlier. Ces deux facteurs excluent de ce fait la création de lignes régulières dans des zones faiblement peuplées, où d’autres options comme le TEC à la demande ou le covoiturage peuvent s’avérer plus pertinentes.

22% des arrêts du TEC régulièrement desservis

Pour ce qui concerne l’offre, la progression est principalement le fait de la création de lignes express du TEC telles que Bastogne-Namur, Bastogne-Liège, Marche-en-Famenne-Liège, Namur-Couvin, Namur-Jodoigne, Jodoigne-Louvain-la-Neuve… En outre, depuis 2017, quelque 543 arrêts ordinaires supplémentaires du TEC répondent aux critères du service de base, qui s’applique désormais à 5.761 arrêts. Les arrêts conformes au service de base représentent désormais 22% de l’ensemble du réseau TEC. Concernant le train, 264 gares remplissent les critères en 2023, soit deux de plus qu’en 2017.

Derrière les chiffres globaux se cachent d’importantes disparités. Les communes affichant la meilleure progression sont globalement celles qui se voient désormais desservies par une ligne express, notamment au sud de la province de Namur, à l’ouest du Brabant wallon et sur l’axe de la Nationale 4, en province de Luxembourg. A l’inverse, le taux de couverture stagne ou se détériore dans la botte du Hainaut, dans certaines communes rurales du sud-Namurois et dans la périphérie liégeoise. «L’un des grands enseignements de ce working paper, c’est qu’il démontre que la population continue à augmenter plus fortement dans les territoires plus faiblement desservis en transports en commun.»

Une tendance qui, outre des prix de l’immobilier parfois plus faibles, s’explique aussi par la disponibilité foncière plus importante dans ces zones. A l’échelle de la Wallonie, 30% des zones d’habitat au plan de secteur ne sont pas encore construites, selon les données de l’Iweps. La proportion de terrains théoriquement disponibles grimpe à 41% et dépasse même 55% dans la commune germanophone d’Amblève.

Le ralentissement, puis l’arrêt de l’étalement urbain constitue l’une des priorités de la Wallonie, vu la nécessité de minéraliser les sols avec parcimonie, que ce soit pour préserver des zones agricoles ou pour permettre la restauration de la biodiversité. Adopté fin avril, le Schéma de développement du territoire de la Wallonie préconise en effet de densifier les lieux de vie existants, afin de mettre progressivement fin au gaspillage des sols. Cette approche permet par ailleurs de proposer des services qualitatifs de proximité (écoles, crèches, égouttage, routes, connectivité…) sans une explosion démesurée de leurs coûts –déjà importants aujourd’hui, notamment en raison de la dispersion de l’habitat. C’est exactement la même logique pour les transports en commun.

Au-delà de ce premier état des lieux, les experts envisagent de comparer les indicateurs de concentration de population avec la fréquence de passage des bus, afin que le TEC dispose de données utiles pour renforcer son offre dans les zones les plus pertinentes. Si le taux de couverture a donc progressé en l’espace de six ans, la proximité d’une offre de transports en commun ne semble toujours pas constituer un critère indispensable pour l’acquisition ou la construction d’un logement, comme le prouvent les tendances démographiques dans les zones faiblement desservies. Malgré les actions entreprises pour rendre les arrêts plus attractifs (selon la logique des «mobipôles» et «mobipoints», en cours de déploiement) et favoriser la transition entre différents modes de transport, il ne sera résolument pas facile de réduire significativement le règne de la voiture.

11 personnes, au minimum, doivent utiliser un bus pour qu’il soit efficace sur le plan environnemental.

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