Joyce Azar
Vues du nord : Pierre, Paul et Mohamed
On a connu l’interminable débat sur le port du voile à l’école et le » scandale » des cantines halal. Voici venu le temps du ramadan, qui s’invite à son tour sur les bancs scolaires.
Plus un jour ne passe sans que la religion musulmane ne fasse polémique dans nos journaux, au plus grand bonheur des islamo-sceptiques qui cherchent inlassablement à conforter leurs thèses. Il y a quelques jours encore, l’ensemble des médias flamands s’est emparé des propos du directeur de l’enseignement néerlandophone à Bruxelles. « Criminel » : tel est, ni plus ni moins, l’adjectif utilisé par Jacky Goris pour qualifier un phénomène concernant une poignée d’enfants dans certains établissements d’Anderlecht, Schaerbeek et Molenbeek. Ces mômes, âgés de 11 et 12 ans, auraient refusé de participer au cours de natation par peur d’avaler de l’eau, ou encore de suivre le cours de musique par crainte de voir apparaître le diable. Tous arrivent sans tartines à l’école pour respecter le jeûne.
« Du jamais-vu ! », s’insurge le patron des écoliers flamands de la capitale, confronté à ce qu’il considère comme des enfants musulmans « qui se radicalisent ». Pourtant, de nombreux témoignages recueillis par la presse démontrent que certaines écoles connaissent cette situation depuis une dizaine d’années, mais toujours de façon limitée et avec, au bout du compte, une solution à l’amiable. Comme à Anvers, où l’échevin de l’Enseignement, Claude Marinower (Open VLD), a choisi de prendre les devants en appelant les parents concernés à donner à leurs enfants à boire et à manger, ne fût-ce que pour remédier à un éventuel malaise. Cette année, parole d’élu, aucun souci n’a été signalé dans la ville de Bart De Wever.
Alors qu’ils n’ont pas encore atteint leur puberté, soit l’âge recommandé par l’islam pour pratiquer le ramadan, quelques-uns ont donc décidé de jeûner. Par amour pour Dieu, pour faire comme le reste de la famille, pour impressionner les copains, voire pour sécher des cours. Rien d’alarmant, en somme. La situation est toutefois plus inquiétante si, comme l’avance Jacky Goris, l’inspiration de ces jeunes provient de certaines écoles coraniques, responsables d’un endoctrinement malsain, et épargnées par toute forme de contrôle. Une inspection régulière de ces cours est envisageable. Elle est d’ailleurs soutenue par les libéraux flamands, même si la logique voudrait qu’elle soit dès lors également appliquée au catéchèse, pour ne citer qu’un exemple. Une alternative pourrait aussi provenir de l’enseignement catholique flamand : il a récemment heurté les âmes sensibles en annonçant vouloir offrir davantage d’espace à l’islam, initiative suggérant une ouverture de ses établissements – baptisés « écoles du dialogue » – au port du voile, à des lieux de prière et à des cours de religion extrascolaires.
En Flandre, le « problème » des jeunes élèves qui respectent le ramadan ne concernerait qu’une dizaine d’élèves. D’aucuns se demandent s’il était vraiment nécessaire de médiatiser le sujet, dans une région où les derniers sondages voient l’extrême droite revenir en force. Un règlement au cas par cas et un dialogue avec tous les acteurs concernés auraient sans doute été plus constructifs. Car, comme le constate l’imam gantois et chercheur à l’université d’Anvers Brahim Laytouss, les messages négatifs sur l’islam poussent de nombreux jeunes à s’attacher davantage à leur croyance, tel un réflexe de fierté envers leur identité. Une réaction appropriée pourrait briser une spirale déjà bien amorcée.
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