Votez femmes ? Pas assez !
Verre à moitié plein : la présence des femmes dans les assemblées va progresser, à la suite des élections du 26 mai. Verre à moitié vide : sauf en Flandre, où elle régresse. Le Vlaams Belang n’y est sans doute pas étranger. La parité politique reste encore très loin d’être atteinte.
Une porteuse d’eau. Séverine de Laveleye était censée l’être, en théorie. Avec une septième place sur la liste bruxelloise Ecolo pour la Chambre, être élue, fallait pas rêver. » Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait « , citait cette candidate en guise de citation préférée dans sa présentation sur le Web. Prémonitoire : la quadragénaire siègera. Ses 8 175 voix de préférence lui ont permis de dépasser trois colistiers et lui ont offert un mandat. Un exploit électoral de s’imposer lorsqu’on ne se présente pas en » ordre utile « , doux euphémisme pour qualifier une place de m****. Qu’une petite dizaine de candidats, à tout casser, peuvent se targuer d’avoir réussi. Dont très (très) peu de femmes.
Aucun niveau de pouvoir ne peut se vanter d’avoir atteint 51 % d’élues.
Ce ne seront pas encore celles-ci, ces élections où la parité politique deviendra une réalité. Après analyse des résultats de ce 26 mai, aucun niveau de pouvoir ne peut se vanter d’avoir atteint 51 % d’élues, soit le pourcentage que représente la gent féminine dans notre société. Mais les statistiques progressent positivement partout. Sauf en Flandre.
Le parlement bruxellois s’offre le record, soit 43,8 % de femmes élues (+ 3,4 % par rapport à 2014), même si cela reste en dessous du niveau de 2004 (46,1 %), jamais plus atteint depuis. Le Parlement fédéral progresse de la même manière pour arriver à 42,7 % (contre 39,3 % en 2014). Le parlement de Wallonie, pour sa part, obtient 41,3 % (+ 1,3 %). Paradoxal : la hausse la plus faible, alors qu’il s’agissait du seul niveau de pouvoir où la tirette (aussi surnommé » système chabada « , soit l’alternance obligatoire des sexes) était pour la première fois obligatoirement d’application. Une mesure précisément prônée pour favoriser la parité. Peut mieux faire.
Reste la Flandre avec son recul féminin : 42,7 % d’élues, contre 44,4 % cinq ans plus tôt. La percée du Vlaams Belang n’y est sans doute pas étrangère. Le parti d’extrême droite n’était déjà pas le plus woman friendly durant la campagne, avec seulement deux têtes de liste féminines sur quatorze (aucun autre ne faisait pire). Il est de ceux qui enverront le moins de candidates siéger, soit 38,5 %.
D’autres ont fait pire : le PS, le PTB et son pendant flamand le PVDA, en toute fin de classement avec 25 % (voir tableau ci-dessous). Pas vraiment surprenant, pour les socialistes et les pétébistes, qui se l’étaient jouée machiste dans l’élaboration de leurs listes, avec respectivement trois et cinq femmes tête de liste sur dix-neuf. Or, selon les politologues, favoriser la parité tout en haut de l’affiche favorise l’élection de candidates. Plus étonnant, dès lors, pour le PVDA et ses huit têtes de liste féminines sur quatorze. Cette exception confirme la règle : Ecolo, Groen et le SP.A étaient les trois partis à (quasi) atteindre la parité en haut de leurs listes ; ce sont ceux qui ont généré le plus d’élues (50 % voire un peu plus). Le CD&V, l’Open VLD et le MR se distinguent également.
PTB/PVDA, les hommes savent pourquoi ?
La proportion féminine au sein de chaque parti pourrait également donner des indications sur son électorat. Après le scrutin de 2014, l’équipe du politologue Jean-Benoit Pilet (ULB) avait réalisé une étude sur le vote en fonction du genre, montrant que les hommes ont généralement tendance à plébisciter les candidats. Quant aux femmes, elles panachent davantage. Le vote 100 % féminin, revendicatif, était rare et, lorsqu’il survenait, se constatait plutôt chez Ecolo. La parité atteinte chez les verts, des deux côtés de la frontière linguistique, pourrait à nouveau le confirmer. Selon le même raisonnement, les mauvaises performances paritaires du PTB et du PVDA pourraient révéler un électorat principalement masculin.
Ces chiffres pourraient toutefois évoluer, lorsque les coalitions se seront constituées et les gouvernements formés. Le jeu des suppléances s’ouvrira alors, pour les élus montant dans un exécutif. Leurs remplaçantes pourraient davantage féminiser les statistiques. Ou l’inverse : les têtes de liste suppléants, qui récoltent traditionnellement le plus de voix, sont majoritairement des hommes.
Ces résultats 2019 démontrent finalement que les mesures actuelles pour atteindre la parité politique, par exemple les quotas en vigueur depuis les années 1990, atteignent leurs limites, comme différents experts le constataient dans notre dossier » Votez femmes ! « , publié dans notre numéro du 16 mai. Et que l’étape suivante devrait désormais venir des partis et des règles qu’ils accepteront de se donner. Comme introniser davantage de têtes de liste féminines, instaurer la tirette à tous les niveaux de pouvoir, prévoir un financement des partis basé sur la diversité (entre autres de genre), nommer plus de femmes à des postes à responsabilités, de ministres, voire de Première ministre…
Ça aurait de l’allure. Puis, ça serait un sacré symbole. Car la parité n’est pas qu’une question de représentativité de ces fameux 51 %, ni de mettre à l’agenda politique des thématiques spécifiques, auxquelles certains hommes seraient moins sensibles. Elle offre également des modèles à suivre, pour toutes. » Elles ne savaient pas que c’était impossible, alors elles l’ont fait « . Aux élections de 2024 ?
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