Vivaldi : « Le PS mine la position du Premier ministre »
La semaine dernière, le politologue Carl Devos (Université de Gand) déclarait lors d’une interview à notre confrère de Knack que le président du PS Paul Magnette avait tendance à jouer le rôle de Premier ministre de l’ombre au sein du gouvernement De Croo, à l’instar de Bart De Wever dans le gouvernement Michel. Il revient sur ces propos pour Le Vif.
Le rôle de Paul Magnette dans ce gouvernement est-il comparable à celui de Bart De Wever?
Carl Devos : Cette image de Premier ministre de l’ombre est née sous le gouvernement Michel, lorsque Bart De Wever, le président du plus grand parti de ce gouvernement (NDLR : la N-VA), se comportait un peu comme le « patron » et se mêlait de la politique du gouvernement. La N-VA n’avait pas « livré » le Premier ministre de ce gouvernement, mais avait « laissé » le poste à Charles Michel, notamment pour permettre au MR d’entrer dans ce gouvernement comme seul parti francophone.
Aujourd’hui, le PS est plus grand parti du gouvernement, et c’est Paul Magnette qui a laissé le poste de Premier ministre à Alexander De Croo (Open VLD). Si Magnette avait voulu, il aurait été Premier ministre de ce gouvernement. Tout comme Bart De Wever à l’époque, Paul Magnette donne l’impression d’être parfois irrité par ce qui se passe au sein de la coalition Vivaldi.
Y a-t-il des différences entre leurs rôles ?
Paul Magnette a évidemment choisi de rester président du PS. En Belgique francophone, les socialistes subissent la pression de la FGTB, du PTB, d’Ecolo, et du MR. Les sondages pour le PS ne sont pas très positifs. Pour ces raisons, Paul Magnette s’est senti obligé à plusieurs reprises de revenir sur un accord conclu au sein de la Vivaldi. La dernière fois c’était à l’occasion de l’accord budgétaire, lorsqu’on a annoncé un accord sur la flexibilisation du travail dans le e-commerce et sur les sanctions pour les malades de longue durée. Quelques jours plus tard, Magnette a décrété qu’il n’y avait pas d’accord.
La semaine dernière, il est également revenu sur l’accord au sujet de l’obligation vaccinale pour le personnel soignant. Cela indique que le président du plus grand parti francophone de ce gouvernement souhaite exercer une grande influence sur le gouvernement De Croo. Et c’est ce n’est guère surprenant, parce que c’est ce qu’il avait annoncé. L’été dernier, Paul Magnette et Pierre-Yves Dermagne soulignaient que pour eux, la Vivaldi était un gouvernement de gauche et qu’ils voulaient peser sur la politique du gouvernement. C’était une chronique d’une politique annoncée : l’imposition des idées de la gauche.
Paul Magnette sape-t-il la position du Premier ministre Alexander De Croo ?
Au fond, le président du plus grand parti dit au chef du gouvernement : ‘Non, non, cher Premier ministre, ce n’est pas ce que nous avons convenu’. Et le ministre de l’Economie et du Travail Pierre-Yves Dermagne, doit alors confirmer les propos de son président. Ainsi, mardi, ce dernier, Dermagne a nuancé l’accord de la Vivaldi sur l’obligation vaccinale. A nouveau le PS est donc revenu sur un accord du Premier ministre. Chaque fois, il mine un peu la position du Premier ministre. J’ai le sentiment que le PS est un peu mal à l’aise dans ce gouvernement dans le sens qu’il est le plus grand parti, et qu’il y a trop peu de politique PS. Et il faut que le Premier ministre en tienne compte.
Craignez-vous que ces crises mènent à une chute du gouvernement ?
Rappelez-vous ce qu’a fait la N-VA en 2018. Le problème principal, c’était un clash entre Charles Michel et Bart De Wever. Charles Michel n’était pas suffisamment Premier ministre. Il représentait le MR, et la N-VA cherchait une raison pour faire tomber le gouvernement. Personne n’aurait cru que la coalition de rêve de Bart De Wever allait tomber sur une question telle que le pacte de Marrakech.
Aujourd’hui, je ne pense pas que le gouvernement De Croo tombera, cela me semble très improbable, et ce serait terrible, mais cela s’est déjà produit dans le passé. Mais il ne faut pas qu’il continue comme aujourd’hui. Qu’est-ce qu’il attend pour aborder tous les grands thèmes : les pensions, la réforme de la fiscalité, le marché de l’emploi, le marché de l’énergie, etc. Il faudra en discuter tôt ou tard, et là la situation risque de se corser. C’est l’avant-dernière année politique où ce gouvernement peut agir, car l’année 2023-2024 est perdue (NLDR : il y aura des élections fédérales en 2024).
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