Vivaldi: Alexander De Croo, un an à rester en mouvement sans bouger
Il est en suspension depuis un an. Le Premier ministre Alexander De Croo, à la tête d’une équipe très divisée qu’il présente comme le gouvernement de la dernière chance, veut montrer que « la Belgique peut fonctionner ». Quitte à faire passer l’immobilisme pour un mouvement vertueux.
Michael Jordan a-t-il jamais eu peur? Le shooting guard des Chicago Bulls fut, jeune, l’arrogant cauchemar de ses entraîneurs. Mature, il serait l’invincible leader du royal tacticien Phil Jackson. Retraité, il deviendrait le héros de documentaires à succès autant que l’égérie des coaches en développement personnel, toujours très heureux de pouvoir associer sur un tableau de conférence inspirant une citation bien vide à des muscles bien pleins.
C’est à ces nombreux titres, mais sans doute tout de même beaucoup au dernier, qu’Alexander De Croo, perché sur l’escalier monumental du palais d’Egmont comme MJ pouvait s’accrocher fièrement à un anneau, se prit, au matin du 30 septembre 2020, de citer Michael « Air » Jordan. « Talent wins games, teamwork wins championships », avait-il conclu, le costume un peu fripé par une dernière nuit de négociations, semant sa ronronnante allocution de roulements de R un peu fatigués. Rrrr De Croo était flanqué de son coéquipier du moment, Paul Magnette, avec qui il se promettait de remporter quelques titres au prix de plusieurs années de travail d’équipe, à la demande tactique du roi Philippe, qui les avait faits coformateurs après un an et demi de tumultueuses discussions politiques.
Son équipe était une des plus faibles de toutes. Avec ses douze sièges à la Chambre, l’Open VLD est le cinquième parti des sept de la Vivaldi, il n’en était même pas officiellement le patron, et il a, pendant tous ces mois, beaucoup temporisé, dribblé de droite et de gauche, feinté, fait quelques tours sur lui-même ainsi que sur les autres, marché sur le pied d’une ancienne présidente libérale, Gwendolyn Rutten, qui avait voulu gouverner sans la N-VA, et passé un assist à un nouveau président libéral, Egbert Lachaert, qui jurait vouloir gouverner avec la N-VA. Et puis, il avait tiré la langue, surtout à Bart De Wever qu’il avait promis de ne pas lâcher, un peu à Paul Magnette qui lui avait donné la passe décisive, et Rrrr De Croo avait marqué son panier.
His Rrrrness
Alexander De Croo, c’est vrai, a de Michael Jordan la certitude de son propre talent, de ces assurances qui viennent avec la naissance ou les combats de l’enfance. Michael Jordan était surnommé « His Airness » , en référence à cette irréelle faculté à rester suspendu dans les airs, encore en extension alors que retombaient, tenaillés par la pesanteur, des adversaires étirés à qui il ne jetait même pas le petit coin d’un regard méprisant. De Michael Jordan, Alexander De Croo a peut-être le talent, mais il n’en a pas l’accent. Alexander De Croo dégage la confiance en lui de Michael Jordan, mais il ne dit pas teamwork comme le dirait Michael Jordan ou un senior advisor du Boston Consulting Group. Il dit « team- worrrrk », Alexander De Croo, il est plutôt His Rrrrness qu’His Airness.
Michael Jordan est l’idole d’Alexander De Croo. Mais il est plutôt His Rrrrness qu’ His Airness.
Alexander De Croo et son équipe terminent ce vendredi leur première saison. Il y aura un an, le 1er octobre, que le championnat a commencé, et His Rrrrness est encore suspendu dans les airs. Mais ce n’est pas l’assurance de bientôt entendre le ballon fouetter le filet qui le maintient si haut. C’est la peur de s’écraser. Il reste en l’air parce qu’il n’y a pas que les adversaires qui veulent le faire tomber par terre, certains de ses partenaires le couvent d’un regard délétère. Parce que si His Rrrrness a peut-être bien le talent de Jordan, le teamworrrrk d’Alexander De Croo est bien plus rouillé que celui que portait son idole. Air Jordan n’avait jamais peur de rien, ni de ses erreurs ni de celles des siens, Rrrr De Croo n’est pas sûr de ses équipiers. MJ restait en l’air pour ne pas se faire attraper, ADC est en suspens pour ne pas se faire avoir.
Le Premier ministre s’est élancé le 1er octobre, il a pris une puissante battue, il a sauté, il est en l’air depuis mais il ne bouge pas.
Il y a un an qu’il place un lay-up immobile.
Le projet de jeu sur un carton de bière
« Talent win games, teamwo(rrr)rk wins championships », disaient Michael Jordan et Alexander De Croo, et ils avaient un programme très simple. Le premier voulait gagner des matches et des championnats. Pour le second, gagner des championnats, c’était faire fonctionner un pays. L’objectif était si peu disputé qu’il ne pouvait qu’y trouver des alliés. Après les échecs de la coalition précédente, dont un des joueurs, le plus flamand, avait laissé toute l’équipe en plan avant le terme de la saison, Alexander De Croo se voyait en pivot d’un effectif dont le seul mérite serait d’en être un. La Belgique avait été une bagarre, elle serait une équipe. Une équipe, onze millions, tous ensemble.
La campagne un peu vide de l’automne 2020, la première opération de communication du jeune gouvernement De Croo, n’était pas qu’un slogan bricolé pour déclarer les Belges « tous unis contre le coronavirus ». Elle ramassait la Vivaldi en son principe, le seul possible en fait pour un équipage de sept compagnons qui n’avaient rien en commun, ni la volonté d’être ensemble ni celle d’y aller sans le plus grand parti flamand, ni les ambitions ni le projet de jeu – on dit beaucoup projet de jeu, dans le journalisme sportif d’aujourd’hui.
Le jeu de la Vivaldi? Ne pas marquer de trois points, mais pas de deux points non plus, et surtout pas de lancers francs non plus.
Il ne restait en fait qu’une chose à dire: on va faire tourner la machine. Elle ne va pas faire d’étincelles, elle n’aura pas de direction, mais elle tournera. Vous n’allez sans doute pas le remarquer, et tant mieux, parce que si vous remarquez quelque chose, c’est que le voyage immobile connaît des turbulences. Les six chapitres de l’accord de gouvernement, édifiants de platitude quoiqu’aux intitulés significativement dysharmonieux annonçaient « un pays solidaire », puis « un pays prospère », puis « un pays durable », puis « un pays en sécurité », puis « un pays de coopération et de respect », puis enfin « la Belgique, une voix forte en Europe et dans le monde » d’ici à la fin de la législature, en 2024.
Le style s’était perdu dans le petit matin du palais d’Egmont, alors que les revendications des uns s’étaient assez brutalement faites annuler par celles des autres. Chacun des partenaires n’avait concédé aux autres qu’une conquête, consignée sur un petit papier, un jour crucial de négociation, à la résidence du chef de la Défense. C’était un plan de jeu sur un carton de bière. Tout tenait en sept lignes, une par parti. Les socialistes s’étaient rabattus sur la hausse des allocations et du budget des soins de santé, les chrétiens-démocrates avaient construit un bunker autour du droit à l’avortement, les écologistes avaient caréné la sortie du nucléaire et tracé les objectifs de réduction des émissions, les libéraux avaient dressé une citadelle autour d’éventuels nouveaux impôts. Après les blocages des législatures précédentes, on allait enfin pouvoir faire tourner la machine, à la condition mutuellement acceptée qu’elle restât au point mort.
Les gens ont changé, pas le système
La force motrice de la Vivaldi serait l’absence d’allant. Le moteur tournant sur lui-même, personne ne bougerait tout en restant en mouvement. Le message d’Alexander De Croo était qu’il allait diriger un gouvernement qui gouverne un pays qui est gouverné, comme si Michael Jordan disait vouloir jouer dans une équipe qui joue.
« Nous voulons prouver que ce pays peut fonctionner », expliquait-il dans toutes ses interviews de l’automne dernier. « Je vois qu’aujourd’hui notre système fonctionne. Au plus haut de la crise sanitaire, on l’a fait fonctionner notamment parce qu’autour de la table, on avait des personnes de bonne volonté », s’était-il courageusement autoévalué, fin juin, se remettant son premier bulletin.
Il y avait de quoi s’autoféliciter car la Belgique, One Team 11 Million, entre-temps, avait connu une deuxième vague épidémique d’une violence déchirante qui avait été contrée, puis une espèce de troisième vague insidieuse mais endiguée, et était engagée dans une vaccination massive dont presque personne en Europe n’a pu égaler la vitesse.
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Rien n’avait changé, sinon qu’Alexander De Croo était devenu Premier ministre après Sophie Wilmès, et que Frank Vandenbroucke était devenu ministre de la Santé après Maggie De Block. Le système n’avait pas bougé, les gens qui le composaient, si, et la machine avait plutôt bien tourné, alors que les gens d’avant disaient que c’était le système qui empêchait la machine de tourner. En ce sens, la deuxième vague aura été pour Alexander De Croo une aubaine. Il n’y a, en effet, rien de mieux que l’urgence pour se donner une contenance. L’imprévu est la plus productive contrainte de celui qui a prévu de ne rien faire. Dans une interview donnée fin décembre 2020 à Sport/Foot Magazine, qui l’invitait à approfondir sa comparaison avec Michael Jordan, Alexander De Croo concédait, du reste, mieux travailler dans l’urgence. « Sans pression, c’est plus difficile pour moi. J’aime les deadlines, j’ai toujours été comme ça », disait-il, et, en effet, la pression mobilisa ses premiers jours au 16, en octobre 2020, et elle serra les coudes de ses partenaires.
Le moteur tournant sur lui-même, personne ne bougerait tout en restant en mouvement.
Mais même sous l’ingérable contrainte du virus, le teamworrrk d’Rrrr De Croo présentait déjà quelques symptômes de grippage. Ils venaient surtout du Mouvement réformateur, au début. Le MR qui avait perdu le 16 au profit d’un libéral, qui avait dû abandonner sept ministères, qui avait dû revenir sur sa préférence pour une coalition avec la N-VA, et qui n’avait pas assez su valoriser comme il l’aurait voulu les dispositions prises sous le gouvernement de Charles Michel.
Georges-Louis, le bad boy
Son président, Georges-Louis Bouchez, avait beaucoup résisté à ses partenaires de négociation qui, en retour l’avaient beaucoup humilié – au point d’avoir fait mine d’envisager de remplacer son parti par le CDH, dans les derniers jours des discussions. Mais il avait réussi à neutraliser, les quelques lignes du plan de jeu sur un carton de bière exceptées, les plus dérangeantes revendications écologistes et socialistes. Il ferait surtout ce que le CD&V fit sur les dossiers éthiques: de la défense à outrance. Celle des Bad Boys des Detroit Pistons, qui furent, avec Dennis Rodman notamment, les plus impitoyables rivaux du premier Michael Jordan, qu’ils battaient tout le temps, celui des années 1980, celui qui portait son talent sans teamwork et qui ne gagnait rien.
En les empêchant d’effacer les mesures les plus emblématiques du gouvernement Michel – du tax shift aux cajoleries aux entreprises, Georges-Louis Bouchez n’avait rien pu obtenir d’autre que les autres n’obtinssent, et c’était quelque chose.
L’accord de gouvernement, en conséquence, ne serait, tout le long de réformes promises dans ses six chapitres, qu’une succession d’incises et de prétéritions, de conditions et de circonlocutions, comme un projet de jeu – on vous a dit que l’expression était très à la mode chez les journalistes sportifs? – qui prônerait de ne surtout pas encaisser tout en ne marquant pas, de ne pas marquer de trois points mais pas de deux points non plus et surtout pas de lancers francs, de ne pas jouer sur les ailes mais pas dans la raquette non plus. Ainsi His Rrrrness De Croo montrera-t-il un pays qui fonctionne et un gouvernement qui teamworrrke: en faisant adopter des réformes qui se remarqueront aussi peu si elles sont adoptées que si elles ne le sont pas.
Travailler plus pour travailler moins
Le programme de réforme fiscale, par exemple, que le jeune ministre Vincent Van Peteghem (CD&V) prépare, et qu’il devrait présenter vers la fin de cette année, doit simultanément favoriser, selon les termes même de l’accord de gouvernement, l’augmentation du taux d’emploi, le soutien aux ambitions climatiques, l’encouragement de l’entrepreneuriat, la stimulation des investissements, la lutte contre la pauvreté et le soutien à la famille tout en simplifiant l’ensemble du système, puisqu’elle doit supprimer les déductions sans augmenter la charge sur le travail, et aussi élargir l’assiette fiscale sans hausser son niveau, et puis aussi sans « introduire aucune taxe nouvelle ». Se soumettre à ces injonctions contradictoires, c’est s’engager dans l’épopée immobile que promet l’heptapartite. Mettre en oeuvre en ne sachant pas si on les met en oeuvre ou pas, c’est se ranger sous le teamworrrk de la Vivaldi. Les collègues de Van Peteghem, tous soumis au même régime, sont en ce sens de fort bons camarades. Comment David Clarinval (MR) et Annelies Verlinden (CD&V) pourraient-ils lui en vouloir, eux qui sont en charge d’une réforme de l’Etat qui, sans majorité des deux tiers et sans articles révisables de la Constitution dans la législature, doit réconcilier centrifuges et centripètes en renforçant aussi bien l’échelon fédéral que le régional.
C’est, bien entendu, impossible, mais pas plus que le boulot de leurs collègues.
Il n’y a rien de mieux que l’urgence pour se donner une contenance.
Pas plus que la réforme du marché du travail que mène Pierre-Yves Dermagne, ministre (PS) de l’Economie, et qui doit faire en sorte que les gens travaillent davantage tout en travaillant moins, ou pas plus que la réforme des pensions qu’a présentée Karine Lalieux (PS), et qui devrait simultanément mettre plus facilement les gens à la retraite tout en retardant leur mise à la retraite.
Pas plus impossible, non plus, que la fin du nucléaire tout en conservant le nucléaire, que la décarbonation de notre énergie tout en construisant des centrales au gaz, que la contention des prix de l’énergie tout en décourageant « le plus possible l’usage des combustibles fossiles via l’instauration d’un instrument fiscal », que le réinvestissement dans le chemin de fer en fermant des guichets de chemin de fer, ou qu’un « projet de loi aérienne équilibré » alors que la question du survol ne peut se résoudre qu’en faveur des uns aux dépens des autres, ou en faveur des autres aux dépens des uns.
Ainsi les équipiers d’Alexander De Croo ne sont peut-être pas les meilleurs amis du monde, et ils auraient bien peu de raisons de l’être, mais leur condition de ministre leur en donne une. Les contraintes qu’ils subissent les rendent solidaires dans le fait de ne rien pouvoir faire, de ne pas le faire ensemble, et, surtout, de lever les bras bien haut pour faire croire qu’ils ont fait quelque chose et qu’ils en sont heureux.
Le sourire du vaincu
« Ma première résolution, c’est de faire en sorte qu’au sein du gouvernement, chacun puisse marquer des points », avait d’ailleurs dit Alexander Rrrr De Croo à nos collègues de Sport/Foot Magazine. Ces promesses d’assists, concrétisées par la validation fort difficile de quelques accords, ont prolongé le lay-up immobile. Les hausses d’allocations immédiates ont soulagé les socialistes mais ont coûté aux libéraux. La « verdurisation » de la fiscalité sur les voitures de société a ravi le patronat flamand et le ministre Van Peteghem, mais les écologistes l’ont encaissée. L’accord réputé équilibré sur la norme salariale a été salué par les libéraux et par les organisations patronales, mais les socialistes l’ont pris dans les dents.
Cette année, sous le protecteur paravent de la pandémie, les coudes se sont serrés. Ils ont aussi cogné quelques mâchoires. Mais une fois le panier marqué, la ponctuelle défaite avalée, chacun s’efforçait d’afficher son plus beau sourire de vainqueur, qu’il fût adressé, vers l’opposition, à une droite qui trouve que ça coûte trop cher ou à une gauche qui estime que ça n’aide pas assez. Il y en aura d’autres dans les semaines qui viennent, pleines de ces deadlines qui activent tant le Premier ministre, sur l’énergie et le nucléaire, sur le climat avant la Cop26, avec toujours ces sourires suspendus, ce lay-up immobile, cet aérien blocage dans lequel Alexander De Croo voyage. Ils sont moins le signe que le pays fonctionne que celui que le gouvernement gouverne. Ils sont les révélateurs d’une discipline. Les points que le teamworrrk fait marquer ne sont peut-être pas nombreux, mais ils sont chèrement défendus. C’est qu’il n’y a pas que la confiance et la pression qui forcent à la discipline, dans l’équipe d’Rrrr De Croo.
Il y a aussi la peur. Cette peur de perdre, celle d’une chute ridicule, anime en fait bien plus cette majorité que l’envie de gagner. Au gouvernement et au Parlement, en tout cas, la peur, souvent, donne une discipline de gagnant.
Quand le Vlaams Belang félicite une écologiste
Pour le premier anniversaire du gouvernement De Croo, Le Vif et Knack avaient pensé faire coter chaque ministre par les cent cinquante parlementaires. Une petite cote anonyme pour vingt membres du gouvernement, des moyennes par parti, de la majorité et de l’opposition, des flamands et des francophones, comme base de travail pour faire le bulletin complet de chaque ministre. C’était une affaire qui roulait. Les députés libéraux, déjà, se réjouissaient de dire du mal des ministres écologistes, les députés socialistes se réjouissaient de dire du mal des ministres libéraux, et les députés écologistes se réjouissaient de dire du bien de tout le monde, « ah mais c’est anonyme? Je vais me lâcher alors, hé, hé, hé… ».
L’ensemble du groupe Vlaams Belang, déjà, avait envoyé ses réponses, virulentes en général, surtout envers les francophones, et spécifiquement envers Sarah Schlitz, dont la moyenne s’élevait à 0/10, mais très généreuses pour Petra De Sutter, qui obtenait des députés nationalistes un respectable 6/10. La vice-Première ministre est pourtant dépourvue de vraies compétences (les entreprises publiques et les télécommunications) et est pourtant membre du seul parti qui, après un an de teamworrrk et de One Team 11 Million, n’ait pas osé encore vraiment contredire les slogans du Michael Jordan du 16 célébrés par des nationalistes flamands: tout ça se promettait d’autant plus intéressant que les députés PTB, eux, avaient plutôt tendance à buser les libéraux, surtout flamands, et à épargner les rouges et les verts, surtout francophones, et en particulier Sarah Schlitz, « toutes ces attaques qu’elle a dû subir, quand même, tu as vu? ».
Quelques parlementaires de l’Open VLD avaient même déjà renvoyé leur bulletin lorsqu’un premier appel, « le VLD n’est pas content », puis un deuxième « enfin tu comprends, nous ça ne nous dérange pas mais si le VLD n’a pas envie… », puis un autre « désolé mais on ne veut plus le faire ». His Rrrness avait interrompu son lay-up immobile pour briser ce qu’il estimait être une contre-attaque. Alexander De Croo, comme le député Lachaert, président de son parti, craignaient que la remise des bulletins ne vire au règlement de compte, passèrent la consigne aux partenaires de la majorité, qui s’exécutèrent. Les parlementaires ne le coteraient pas, et ne coteraient pas non plus les joueurs de son équipe. On ne gagnera jamais de championship si même nos équipiers busent notre talent, aurait pu dire un basketteur à succès devenu penseur inspirant.
Scottie Magnette et Dennis Bouchez
La peur de choir a donc une fois de plus raidi le champion. Lancé dans son lay-up immobile, il est en l’air mais il ne bouge pas. Il a une équipe qui pourrait tenir la distance. Il a des adversaires, surtout, qui lui en laissent la chance. Il veut montrer que la Belgique fonctionne pour qu’elle continue à exister, ils veulent démontrer qu’elle ne fonctionne pas pour qu’elle se termine enfin. Il est sûr d’avoir le talent pour remporter des matchs, mais son teamworrrk l’aidera-t-il à remporter le championnat? Les sept présidents de parti qui soutiennent sa One Team 11 Million ont des raisons de ne pas trop y croire, et certains trouvent même un intérêt à le faire savoir.
Cette année, pendant la pandémie, les coudes se sont serrés. Ils ont aussi cogné quelques mâchoires.
Ceux qui ont pu voir The Last Dance, cette série Netflix qui reconstitue la dernière saison victorieuse des Chicago Bulls de Michael Jordan auront pu voir comment Dennis Rodman, défenseur infranchissable, s’était perdu dans les affres du vedettariat. Ils se rappelleront aussi que le plus proche partenaire de Jordan, Scottie Pippen, celui avec qui il avait coformé cette équipe imbattable, vivait plutôt mal de ne pas recevoir un peu plus de la gloire céleste qu’accaparait His Airness. Alexander De Croo, lui, a bien dû remarquer que Georges-Louis Bouchez aussi avait brillé en défense pendant les négociations, et prenait beaucoup de place dans les journaux pour dire du mal de ses équipiers. Il voit bien que Paul Magnette qui fut son soutien le plus décisif, se venge sur un teamworrrk qu’il ne trouve pas assez socialiste. Il entend Jean-Marc Nollet qui, pourtant, joue au volley, et Rajae Maouane, qui excelle au football, critiquer sa tactique. Mais il doit se maintenir en l’air. Tant que ses équipiers flamands ne le lâchent pas, il pourra continuer de faire semblant qu’il n’a pas peur. Et poursuivre son envolée immobile.
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