Carte blanche
Violences sexistes: les entreprises doivent être des lieux sûrs pour les travailleuses
De Hollywood au Parlement européen, les langues se délient et les témoignages affluent dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Agressions et autres formes de violence à caractère sexiste, comme le harcèlement sexuel; le silence a été brisé d’abord par une actrice, puis par des dizaines d’autres. Depuis, ce sont des milliers d’anonymes qui osent enfin parler. Une déferlante d’histoires personnelles et douloureuses qui se ressemblent au-delà des pays et des milieux sociaux…
Le monde du travail est malheureusement confronté à ce fléau depuis longtemps. Une enquête menée par une de nos centrales dans le secteur du nettoyage a en effet montré que 31,7 % des travailleuses indiquent avoir été un jour victimes de violences sexuelles au travail. Chez 60 % d’entre elles, il était question de violences verbales, allant d’une remarque sexuelle à des menaces sexuelles. Et 37 % des femmes confrontées à la violence parlent d’attouchements non désirés. Toutes n’ont pas la force de réagir ou de dénoncer les faits: une femme sur quatre avoue en effet n’avoir jamais réagi par peur de perdre son emploi, par honte ou parce qu’elle estime que ça ne sert à rien…
La peur de réagir et ainsi, de mettre en péril ses opportunités professionnelles ou ses chances de promotion est encore renforcée par la politique d’austérité. Les économies réalisées sur les allocations sociales (comme les allocations de chômage ou les allocations de garantie de revenu pour les travailleurs à temps partiel) et la limitation des droits sociaux (notamment celle des périodes assimilées) touchent plus particulièrement les femmes, dont elles restreignent l’autonomie financière. Ces politiques aggravent le sort des femmes exposées à la violence domestique ou dans le cadre professionnel. Si vous êtes sans revenus ou que vous avez peur de perdre votre emploi, vous êtes beaucoup moins libre de dire non…
Pour faire face à cette problématique, les organisations syndicales et les employeurs ont mis en place dans l’entreprise des procédures d’accompagnement des travailleuses victimes de harcèlement sexuel. C’est pourquoi nous ne pouvons que les encourager à signaler le problème à leur employeur via leur représentant(e) syndical(e), ou à s’adresser directement à la personne de confiance ou au conseiller en prévention chargé des aspects psycho-sociaux (CPAP).
Lorsque la travailleuse dépose une plainte motivée, le CPAP analyse la situation et en informe l’employeur. Ils tenteront ensemble de mettre en place des mesures pour résoudre le problème. Dans le cas extrême où aucune solution n’est trouvée, le CPAP saisit la direction générale du contrôle du bien-être au travail. Il importe de signaler que la travailleuse bénéficie d’une protection spécifique contre le licenciement dès qu’elle dépose sa plainte motivée; il en va de même pour les éventuels témoins appelés lors de la procédure de conciliation à suivre.
Au niveau juridique, il faut saluer la ratification par la Belgique de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique ainsi que la mise en place du plan d’action national de lutte contre toute forme de violence basée sur le genre 2015-2019. Ce plan devra être poursuivi lors de la prochaine législature.
C’est au niveau international qu’il reste le plus de travail à accomplir. Il faut instaurer de toute urgence une norme stricte qui définisse des mesures de base pour éliminer la violence et le harcèlement au travail. Les syndicats exercent des pressions depuis plusieurs années pour que l’Organisation Internationale du Travail (OIT) signe une convention sur le sujet. Cette question sera débattue lors de la prochaine conférence internationale du travail, en juin 2018. Si elle est adoptée, cette convention sera un signal fort pour rappeler à tous les gouvernements de la planète que la violence n’a pas sa place au travail et que les États et les entreprises doivent prendre des mesures de prévention et de protection à l’égard des victimes et de sanction envers les agresseurs.
Enfin, en tant qu’organisation syndicale, nous invitons les pouvoirs publics à respecter leurs engagements découlant de la Convention du Conseil de l’Europe et à remplir réellement leur rôle dans l’éradication de toutes les formes de violences faites aux femmes et également aux hommes. Nous participerons d’ailleurs à la manifestation contre les violences faites aux femmes ce 25 novembre à Bruxelles. Nous voulons que les entreprises soient des lieux sûrs pour les travailleuses car l’égalité hommes-femmes est la base de l’émancipation que nous revendiquons pour toutes et tous !
Marie-Hélène Ska, secrétaire générale CSC
Robert Vertenueil, secrétaire général FGTB
Olivier Valentin, secrétaire national CGSLB
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