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Vincent De Wolf: « Je ne me retirerai pas… »

Olivier Mouton Journaliste

Le chef de groupe MR à la Région explique longuement pourquoi il est « légitime » qu’il soit candidat à la ministre-présidence bruxelloise. Malgré les ambitions de Didier Reynders. « Je ne céderai pas », nous dit-il.

Malgré le départ du FDF, dans les sondages, les perspectives sont plutôt encourageantes pour le MR à Bruxelles…

Je commence à être un vieux de la vieille, même si je ne suis pas vieux. J’ai trente ans de vie communale et quinze ans de vie parlementaire bruxelloise. A l’époque, j’étais dans la coupole avec le FDF. Lorsque le FDF est parti, j’étais de ceux qui avaient dit que cela pouvait nous faire du bien dans la mesure où cela pouvait clarifier notre discours et que l’on pouvait même redevenir le premier parti sans eux. D’aucuns considéraient que j’étais trop optimiste. Actuellement, on y est, même si tout ça c’est fragile, ce sont des sondages.

Mais oui, depuis le départ du FDF, tous les sondages montrent une stabilisation positive. Cela tient à la clarté du discours: on dit ce qu’on pense, on pense ce qu’on dit. Et je pense que les gens aiment bien ça. A force de tout édulcorer, les contours sont trop flous.

Au moment où la présidence de la régionale s’est renouvelée sur Bruxelles, moi, je m’étais assez naturellement porté candidat. Je n’avais pas du tout imaginé que Didier Reynders se présenterait puisqu’il était ancien président national et vice-Premier, cela me paraissait un peu sous-dimensionné pour lui. Lorsque j’ai appris qu’il se présentait, je ne voulais pas arriver à un clivage dans le parti. Les sections, majoritairement, m’auraient suivi mais en arriver à une dispute pour un poste, ce n’est pas mon style. On s’est vu et on s’est tout de suite accordé sur une répartition des rôles: lui à la Chambre, moi à la Région. Chacun va désormais composer sa liste en concertation avec le président.

Depuis, Didier Reynders a dit qu’il était disponible pour le poste de ministre-président…

Je ne céderai pas. Etant chef de groupe, bourgmestre depuis longtemps, étant Bruxellois et tête de liste à la Région, c’est quand même logique que je revendique ce poste.

Didier Reynders ? C’est une ambition personnelle qui est la sienne, ce n’est pas illégitime. Moi, je pense que les ambitions des hommes passent en second plan, après les résultats électoraux. J’estime que les libéraux doivent rentrer dans le gouvernement. Si on se tape encore cinq ans d’Olivier, Bruxelles va subir des dommages irréversibles. Il y a trop d’erreurs qui sont commises, ce gouvernement a été immobile même s’il a tenté de redorer son blason en allant pêcher la crevette à Ostende.

Je ne suis pas en antagonisme avec Didier Reynders, je ne suis pas en conflit avec lui, mais je suis très ferme sur le fait que j’élabore un projet pour Bruxelles avec les parlementaires bruxellois. On s’est vu, on a fait des groupes de travail, on se réunit selon les thèmes choisi avec des experts, on va aboutir à un premier texte avant les vacances pour ensuite faire le tour des sections. Comme je l’avais promis, nous consulterons la base. Ma volonté est de se baser sur un travail local, ce que j’ai moins connu par le passé. Souvent, les programmes se faisaient un peu en dernière minute et on ne pouvait pas les changer faute de temps.

Donc, premièrement, les électeurs décident. Deuxièmement, on ne rentre pas nécessairement dans un gouvernement même si on fait un bon résultat, comme l’a démontré l’expérience de Didier à Liège. Avant de dire que l’on va présider un gouvernement, il faut y être. Le troisième point, c’est que c’est le président qui décide, c’est dans les statuts du parti.

Mais la candidature de Didier Reynders brouille les cartes, non ?

C’est quelqu’un de qualité. Il connaît très bien les intérêts nationaux, moi je connais bien les questions bruxelloises. Les deux, ensemble, c’est une force. Je ne vis pas ça mal du tout. Mais me retirer, je ne le ferai pas. J’ai les pieds dans Bruxelles, cette ville est dans mes tripes. Si cette possibilité m’est présentée par mon président, ma réponse sera oui. J’ai déjà mis un comité de soutien en place pour ma candidature, pour la liste régionale. J’ai eu des retours très positifs, on fera une réunion un peu breughelienne en septembre. J’essaye aussi que l’on prenne un peu de plaisir à faire ce que l’on fait.

Quels sont les grands enjeux bruxellois, selon vous ?

Il y a tout d’abord ce boom démographique qui n’a pas été anticipé par la majorité. C’est un boom localisé dans certains endroits de Bruxelles, dans une population qui n’est pas nécessairement favorisée. Il faut concevoir un projet de logements moyens, dans un partenariat public/privé. La vérité du marché n’est pas à 3 000 euros/m2. Je ris quand je vois que le gouvernement relance un projet de 5 000 logements alors qu’il n’a pas fait sortir la moitié des 5 000 logements promis par Simonet en 2004. C’est quand même une sorte de méthode Coué.

En matière d’emploi, c’est sans doute l’autre enjeu le plus important puisque l’on a 25 % d’augmentation du chômage depuis que nous avons quitté le gouvernement. On a doublé le taux depuis la création de la Région ! Il y a des quartiers où 40 % des jeunes sont sans emploi. Tout le monde commence aujourd’hui à parler de la formation. Nous, nous en parlons depuis longtemps. Il y a beaucoup de créations d’emploi mais qui ne profitent pas aux Bruxellois ; 70 % d’entre eux ne parlent que le français, n’ont pas de diplôme d’humanités supérieures ni de formation technique. J’ai rencontré la fédération patronale, selon elle, ce qui peut sauver Bruxelles et l’Europe, c’est une réindustrialisation et je suis d’accord avec ça.

Moi, j’ai fait l’effort de garder une école technique et professionnelle dans ma commune. A Auderghem, Didier Gosuin l’a fermée. C’est un peu un apostolat, c’est vrai, mais la solution, c’est celle-là. Nous avons un plan précis pour la formation, avec une budgétisation claire. Sur base du refinancement de Bruxelles, nous avons décidé de mettre le paquet : des dizaines de millions d’euros par an en cinq ans. On peut arriver à des résultats majeurs d’inversion de courbe. J’y crois vraiment.

Le vivre ensemble est un autre enjeu majeur à Bruxelles au vu des tensions qui y existent, non ?

Je suis un ancien de l’équipe de Daniel Ducarme. J’étais très proche de lui, je l’ai accompagné jusqu’au bout. Il avait dit que l’intégration était un échec. Evidemment, ce sont des sujets délicats, on peut facilement diaboliser ce genre de propos. Il ne faut pas être excessif: beaucoup de gens sont intégrés. Mais j’ai rencontré des responsables de différentes communautés et beaucoup sont perdus. Il y a un repli religieux qui est inquiétant. Dans ma commune, Etterbeek, ce problème n’existait plus, il l’est aujourd’hui de plus en plus. Pour nous, c’est simple : il faut distinguer l’interculturalité et la multiculturalité. Chacun est le bienvenu, mais à condition de respecter notre socle hérité des Lumières. Il y a eu deux cent ans de combat pour ça : on a séparé l’Eglise et l’Etat, on a obtenu l’égalité entre l’homme et la femme… C’est un socle imposé, cela ne se discute pas ! Il faut oser le dire. A partir du moment où c’est clair, c’est un enrichissement pour tout le monde et cela se passe bien.

Au MR, vous êtes proche de Charles Michel ?

Oui. J’ai la seule prétention d’être sincère et loyal. J’ai toujours fait mon boulot, je n’ai jamais été dans un clan. Jamais ! J’ai toujours eu une amitié personnelle et une reconnaissance très forte pour Louis Michel parce que quand j’ai démarré par hasard en politique et que d’aucuns ont voulu me flinguer tout de suite parce que je pouvais devenir bourgmestre, Louis a été magnifique. Il m’a soutenu.

Je n’ai jamais été un proche de Didier, mais il a toujours été tout à fait correct avec moi. La seule chose que je lui ai demandée un jour, il l’a fait. Il était président de parti lors de l’élection en 2009. J’ai été un des seuls de la liste à progresser. Je lui ai demandé d’être chef de groupe. C’était difficile en raison du rapport de force au profit du FDF, mais il m’a nommé chef de file des libéraux, chef de groupe adjoint. Je l’ai remercié. Ce n’était pas facile parce que Gosuin est une personnalité un peu impérialiste.

Est né le problème du cumul de Didier Reynders, le schisme au sein du parti… Etant donné ma proximité avec Louis, il m’a été demandé de rejoindre le groupe Renaissance et de signer la fameuse lettre rendue publique. J’ai refusé. Tout simplement parce que mon père était ouvrier et qu’il m’a appris à ne pas cracher dans la main qui vous nourrit. Quelques mois avant, Didier m’avait donné une opportunité. L’autre groupe m’a demandé de signer et j’ai aussi dit non. Je dois avoir été un des seuls dans ce parti. Je me suis dit que je risquais de me retrouver sur le quai. J’ai fait ça, mais cela me donne une grande liberté.

Quand l’élection a été ouverte, alors, il fallait faire un choix et j’ai soutenu Charles à fond. Parce que je l’aime beaucoup, je trouve qu’il apporte un souffle nouveau au parti, il est clair dans ses engagements. Mais ce n’est pas un choix « anti »…

L’arrivée de Didier Reynders à Bruxelles fait grincer quelques dents…

Il a sa personnalité, il faut savoir trouver sa place là-dedans. Je suis un soldat du parti, ce n’était pas bon de me présenter contre lui à la présidence de la régionale. Surtout qu’il n’y a pas d’antagonismes de fond entre nous. Il a une autre envergure internationale.

Sa déclaration concernant la ministre-présidence est venue après notre accord sur la répartition des têtes de liste. Ce n’est pas illégitime qu’il annonce cette ambition-là. Mais c’est encore moins illégitime que je le fasse. Nous en avons parlé depuis, je lui ai dit que ce serait le président qui choisira. C’est viscéralement lié à ce que je suis.

Mais deux candidats ministre-présidents, est-ce tenable ?

Il vaut mieux avoir deux candidats de qualité que de ne pas en avoir. Ce n’est pas une dispute dans le parti, ce n’est pas un éclatement du parti.

Charles Michel fait-il globalement un sans-faute ?

Il a le souffle de la jeunesse. Il est clair, il respecte ses engagements. Il a réussi les élections communales. Son image est bonne, cela se passe bien.

Certains au sein de votre parti lui reprochent que sa popularité peine à décoller, qu’il aurait un peu trop récompensé ses « ennemis » ou encore que Didier Reynders fait « ce qu’il veut ». Que pensez-vous ?

Je ne suis pas d’accord. A l’époque où la presse a beaucoup parlé de notre crise interne, cela a été très chaud. Depuis l’élection, honnêtement, l’ambiance est bonne. Il y a une équipe qui rame dans le même sens. Charles a-t-il été trop large avec d’anciens « ennemis » ? D’abord, le terme est excessif. Ensuite, il y a toujours des déçus en politique. Ceux qui avaient choisi un camp par calcul personnel peuvent être déçus. Mais une fois élu, n’est-ce pas magnifique qu’il n’ait coupé la tête de personne ? Chacun trouve sa place, les résultats sont bons, qu’aurait-on dit s’il y avait eu une chasse aux sorcières ? C’est indéfendable.

Charles a en outre pris le risque de faite éclater le parti et la fédération sur base d’un projet pour permettre au pays de sortir du trou. Nous étions la risée du monde, c’est quand même quand nous sommes arrivés à la table que la chose a été faite. C’est une plume au chapeau de Charles.

Comment cela se passe-t-il désormais avec le FDF ?

Cela ne se passe pas bien. Didier Gosuin est agressif à mon égard, l’antagonisme est fort sur le plan politique.

Quelle coalition privilégiriez-vous pour 2014 ?

Si on pouvait faire dans l’intérêt du pays des majorités miroir, ce serait quand même mieux. Dans ce cas-là, une majorité MR-PS paraît s’imposer… mais il faut être prudent, on doit trouver un vrai commun dénominateur là-dedans.

Nous avons par exemple un point de discorde au niveau du logement. J’avais fait insérer il y a deux ans une présomption selon laquelle une personne physique est présumée occuper son logement même s’il passe une partie de sa vie à l’étranger. L’Olivier a supprimé ça. Aujourd’hui, si vous n’occupez pas assez votre appartement parce que vous ne consommez pas assez d’eau, d’électricité, vous devrez exposer les raisons légitimes pour lesquelles c’est le cas. Mais de quel droit on fait des choses comme ça ? Pour moi, on en arrive pratiquement à du communisme. Est-ce ce que pensent les socialistes ? C’est sans doute le cas des Ecolo et de Groen. Pour certains au CDH, cela doit être plus difficile à assumer. Leur nouvelle ministre, Céline Frémault, doit faire le grand écart dans les salons aristos où elle est reçue.

Olivier Mouton, entretien réalisé le 27 mai 2013

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