Anne-Sophie Bailly
Verdir le parc des voitures de société: éviter le crash test (édito)
Verdir un parc automobile n’apporte aucune avancée en matière de fluidité du trafic, du partage de l’espace, de moyens de transport alternatifs. L’édito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif.
Gestion de la crise sanitaire: en cours. Répartition de l’enveloppe bien-être et augmentation des allocations sociales: fait. Verdir le parc des voitures de société: validé.
L’équipe De Croo a pu rayer une ligne supplémentaire de sa to do list. En effet, un accord a été conclu en comité ministériel restreint sur les voitures de société qui, d’ici à 2026, ne seront plus déductibles à 100% qu’à condition d’être électriques. La mesure a été largement applaudie dans le sens où elle constitue une avancée importante dans la lutte de la Belgique contre le réchauffement climatique avec un parc automobile zéro émission, un recours accru à des ressources vertes et non plus fossiles, tout en laissant aux entreprises et aux employés le temps de s’adapter à cette nouvelle norme.
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Cela étant dit, la liste des tâches du gouvernement De Croo s’est dans la foulée considérablement allongée tant les questions découlant de cette décision sont nombreuses. En premier lieu, comment accorder les moyens aux ambitions?
On sait en effet que le réseau électrique actuel pourrait avoir des difficultés à supporter les pics de recharge qu’impliquera le passage au tout-électrique d’un parc automobile constitué à 85% de voitures de société et qu’il va donc falloir trouver des solutions pour soutenir ce réseau comme pour installer des bornes de rechargement. Seront-elles privées, semi-publiques? Qui paiera pour leur installation et leur raccordement? Comment gérer les pics de consommation? Quel tarif pour cette électricité verte et d’où viendra-t-elle?
Plus globalement encore, comment financer cette mesure et compenser la perte des accises sur le carburant fossile?
Lire à ce sujet notre débat La Belgique a-t-elle les moyens d’électrifier son parc de voiture de société?
A côté de ces considérations pratiques, reste surtout ouverte la question majeure de la gestion de la mobilité dans le pays. Verdir un parc automobile n’apporte aucune avancée en matière de fluidité du trafic, du partage de l’espace, de moyens de transport alternatifs. Que du contraire, il valide le principe du tout à la voiture, avec toujours davantage de véhicules sur la route et d’embouteillages aux heures de pointe. Une tendance qu’à ce jour, seule la pandémie a réussi à freiner.
Néanmoins, aussi complexe qu’il soit, ce chantier doit rester en tête des priorités du gouvernement. Un chantier à mener en parallèle avec celui de la réforme fiscale, singulièrement sur le travail. Car si cet accord consacre le tout à la voiture, il pérennise tout autant le concept de la voiture-salaire, une particularité fiscale belge qui fait le bonheur des travailleurs comme des employeurs mais qui est dénoncée plus souvent qu’à son tour par l’OCDE. Et là, la liste des réformes à mener s’avère autrement plus longue et complexe. Pour preuve, les deux crash tests récents: le flop du « cash for cars » du gouvernement Michel et la tentative avortée de la Région de Bruxelles-Capitale d’instaurer une taxation au kilomètre.
Il faudra pourtant bien s’y attaquer. A mettre donc en gras sur la to do list.
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