Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: prions le Seigneur, en néerlandais de préférence (chronique)
Ce serait péché que de vouloir convertir de force la liturgie au néerlandais et contraindre le croyant à prier ouvertement en flamand.
Elle a le néerlandais pour religion. Elle rêve de multiplier ses pratiquants partout où l’on foule la terre de Flandre. Elle s’épuise à le soutenir à bout de bras en périphérie flamande où son existence est menacée par de redoutables rivaux. Sa dernière croisade la mène jusque dans les centres de vaccination qui fleurissent. Elle ne désespère même pas de lui obtenir droit de cité dans les églises, les mosquées, les temples, lorsqu’on y rend grâce à Dieu.
Nadia Sminate, députée régionale N-VA, est une missionnaire en quête permanente de terres à évangéliser. Au cas où sa réputation ne serait pas encore faite, elle s’en charge elle-même à l’heure d’une énième profession de foi depuis son siège de parlementaire: « Vous aurez peut-être remarqué que l’usage du néerlandais dans toutes les facettes de notre société me tient fort à coeur. » Ce sacerdoce n’a pas échappé à son interlocuteur du jour, Bart Somers (Open VLD), habitué à ses manifestations. Le ministre régional des Affaires intérieures s’est préparé au thème du sermon qui lui est soumis en ce jour de séance au parlement flamand: du bon usage du néerlandais aux offices religieux, contribution à créer du lien au sein de la société flamande. L’élue n’a rien laissé au hasard, c’est à l’ex-militant VU qu’elle adresse sa requête: « Je sais, monsieur le ministre, qu’il y a longtemps, vous étiez un chaud partisan de l’emploi du néerlandais lors des célébrations religieuses. »
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Bien sûr, Nadia Sminate ne croit pas trop au miracle, ne sous-estime pas la difficulté du défi, en connaît les limites juridiques que Bart Somers se fait un devoir de lui rappeler. La législation linguistique s’impose certes aux communautés religieuses reconnues en tant qu’institutions publiques, notamment dans leurs relations avec l’autorité et dans leur communication à l’intention du public ; à ce propos justement, un prochain décret les contraindra à davantage de transparence et les soumettra à un contrôle de leurs obligations. Mais aller plus loin, mon Dieu non, ce serait péché que de vouloir convertir de force la liturgie au néerlandais et contraindre le croyant à prier ouvertement en flamand. Ce serait aller à l’encontre de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et de la liberté de religion, choses sacrées s’il en est. Le ministre le voudrait bien qu’il ne le pourrait point: « Si les catholiques préfèrent participer à une messe en latin, nos concitoyens juifs accomplir leurs rites en hébreu ou si nos concitoyens musulmans demandent à le faire en arabe, le ministre que je suis ne peut guère changer cela. » Mais il veillera à ce que les communautés religieuses n’ambitionnent pas de s’ériger en autant de tours de Babel sur le sol flamand. L’introduction, par le biais du décret en gestation, d’un contrôle de qualité des ministres du culte sera l’occasion de s’assurer de leur connaissance suffisante du néerlandais.
Nadia Sminate a apprécié que Bart Somers n’ait pas renié ses convictions et qu’il s’engage à intercéder en faveur de son combat auprès des communautés religieuses par la voie du dialogue. Au plat pays, la foi seule ne peut suffire à déplacer les montagnes.
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