Pierre Havaux
Vent du nord de Pierre Havaux: Le FDF nouveau est arrivé dans les campagnes flamandes
FDF, trois lettres bien connues en Flandre, assimilées pendant des décennies à la défense des intérêts francophones en périphérie bruxelloise. Aujourd’hui, c’est un nouveau FDF qui commence à faire parler de lui, dans les campagnes cette fois, sous la forme d’un Farmers Defence Force inspiré d’un modèle hollandais et qui entend radicaliser la résistance paysanne flamande aux projets du gouvernement Jambon I de réduire drastiquement les émissions polluantes dégagées par l’agriculture.
“Tôt ou tard, un FDF finit toujours par renaître en Flandre. Tout flamingant qui se respecte, et a beaucoup donné pour que sa cause triomphe, croyait pourtant être débarrassé de l’obsédant trio de lettres maudites. Mais le voilà qui signe son retour, en éternel trouble-fête. Non plus en périphérie bruxelloise, au secours d’insupportables privilèges de fransquillons, à l’état de radicalisme communautaire, mais dans les campagnes, à l’état de radicalisme agraire.
Longue vie au FDF, pour «Farmers Defence Force», né en mai dernier d’une colère paysanne qui se tourne vers la ministre flamande de l’Environnement, Zuhal Demir (N-VA), porteuse du plan gouvernemental «azote» et, à ce titre, décrétée fossoyeuse de l’agriculture, et qui prend plus largement pour cible une N-VA accusée de privilégier les intérêts des gros industriels dans les sacrifices exigés pour un environnement plus sain.
Les campagnes flamandes sont en ébullition, leurs agriculteurs sur pied de guerre. Certains, lassés par des organisations traditionnelles de défense du monde agricole – Boerenbond, Algemeen Boerensyndicaat – trop facilement enclines à courber l’échine à leurs yeux, sont partis chercher l’inspiration aux Pays-Bas voisins où la bronca paysanne à l’encontre des plans de réduction de la pollution agricole se manifeste de manière autrement plus virulente qu’en Flandre. Ils en sont revenus avec, pour modèle de dissidence radicalisée, le Farmers Defence Force batave. Avec trois mille membres actés sur le groupe Facebook, le FDF accommodé à la sauce flamande ne laisse visiblement pas indifférent dans les fermes.
Voici une dizaine de jours, les activistes ont convergé sur Anvers, terre du maïeur et président de la N-VA, Bart De Wever, à quelque trois cents tracteurs, dans le calme, pour une première démonstration de force. Mieux vaut ne pas trop se fier aux apparences si exemple devait être pris sur le grand frère néerlandais, controversé pour ses sautes d’humeur agressives: blocage de routes, mise à feu de fumier et de bottes de paille, action au domicile privé du ministre néerlandais de l’Agriculture. Bart Dickens, producteur limbourgeois de lait et chef de file du FDF flamand, écarte la violence comme solution mais ne peut jurer de rien si les esprits devaient s’échauffer. Avis à «ceux qui ne voudront pas entendre, ils le sentiront». Pas d’ambitions politiques à ce stade, affirme-t-il dans la foulée. D’autres s’en chargent.
Le retentissant succès électoral d’un BoerBurgerBeweging aux Pays-Bas, mouvement agriculteur-citoyen sorti premier parti du pays lors d’un scrutin provincial en mars dernier, suscite en Flandre des vocations qui doivent encore faire leurs preuves: une variante belge du BBB est dans l’air, un Gezond Burger Verstand Vlaanderen, parti paysan, est sur les rails.
La N-VA, rebaptisée «Nieuwe Vlaamse Arrogantie» sur une pancarte brandie dans le cortège organisé à Anvers, n’a pas fini d’en prendre pour son grade, et les prochaines allées et venues de Zuhal Demir risquent fort d’être contrariées, après une première annulation d’une visite ministérielle à des agriculteurs pour des motifs de sécurité, à la mi-mai. Il y a décidément toujours un FDF pour donner du fil à retordre aux nationalistes flamands.”
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