Pierre Havaux
Vent du Nord de Pierre Havaux: d’abord la foi ou la loi? Faites votre choix (chronique)
La réussite du vivre-ensemble tracasse beaucoup et depuis longtemps la Flandre, à l’avant-garde de l’inburgering, le parcours civique d’intégration. Les autorités ne ménagent ni leurs efforts ni les finances publiques pour y parvenir.
Ainsi, l’Agence flamande de l’Intérieur s’emploie-t-elle à toujours mieux quadriller le terrain afin de faire remonter le maximum d’informations. Son souci d’apprécier l’état de la cohabitation harmonieuse entre habitants d’origines belge et étrangère la conduit à lancer un « Barometer Samenleven » d’une précision jusqu’ici jamais atteinte. Par la population sondée: 12 000 personnes de 18 à 85 ans, résidant en Flandre ou à Bruxelles, réparties en cinq strates qui catégorisent la personne d’origine belge / non européenne née en Belgique ou à l’étranger / européenne née en Belgique ou à l’étranger. Par la longueur de la liste des questions à choix multiple: cinquante qui explorent l’existence ou non de réseaux de sociabilité, le sens ou non de la citoyenneté et de la bienveillance, la connaissance ou non du néerlandais. Par la méthode utilisée: un mélange d’invitation écrite à participer et de questionnaire à compléter sur Internet à l’aide d’un code personnel, en néerlandais ou en français pour le volet bruxellois. Par la fréquence de l’exercice: annuelle. Par sa finalité, enfin: il s’agit de cerner au plus près l’ampleur d’un repli sur soi ou le degré d’une ouverture aux autres, de suivre les variations des humeurs et les sources de tracas de populations traditionnellement difficiles à approcher afin de pouvoir adapter au plus vite la réponse politique en fonction de ce que livrera ce tableau de bord actualisé.
De quoi disposer d’un instrument qui repousse les limites des résultats jusqu’ici fournis par les enquêtes flamandes sur la diversité, lesquelles pèchent par une sous-représentation quasi systématique des personnes d’origine étrangère. Il a fallu pour ce faire solliciter et obtenir le concours du Registre national afin qu’il daigne lâcher chaque année, pour une période convenue de dix ans, les précieuses données personnelles indispensables au ciblage. Moyennant les précautions d’usage requises pour garantir le respect de la vie privée: pseudonymisation du traitement des données avant destruction de celles-ci, c’est promis juré.
Mieux vaut en effet que pareille mine de renseignements ne tombe pas entre n’importe quelles mains, au vu de l’une ou l’autre question dont nous avons eu connaissance (la liste complète ne nous a pas été communiquée). « Combien d’amis et de connaissances d’origine belge (NDLR: en gras dans le texte) avez-vous? »: à vous de choisir, du « aucun » à « plus de dix » avec des échelons intermédiaires. Ou encore celle-ci, qui touche à l’intime: « Que pensez-vous de l’affirmation suivante? « Je pense que j’ai le droit d’enfreindre les lois belges si elles ne sont pas compatibles avec les préceptes de ma foi » »: du « pas du tout d’accord » à « entièrement d’accord », plusieurs options possibles, y compris la case « sans objet, car je ne suis pas croyant ».
Et pour inciter les peu emballés à se dévoiler sans crainte, rien de tel qu’une petite récompense à la clé: un chèque-cadeau d’une valeur de dix euros en cas de participation. La première édition est en cours, les missives ont atterri dans les boîtes aux lettres flamandes et bruxelloises. Publication des résultats au printemps.
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