Vandenbroucke ou le retour d’un paria
Grosse surprise: Frank Vandenbroucke fait son grand retour en politique. Et par la grande porte en plus. Il devient vice-premier ministre et ministre de la Santé et des Affaires sociales dans le nouveau gouvernement. Portrait.
Le président du SP.A, Conner Rousseau, avait promis une bombe et il a tenu parole en annonçant le retour d’un vieux guerrier de la politique. Vandenbroucke avait quitté la scène il y a plus de 10 ans, pas vraiment avec les honneurs, mais le voilà de retour. La preuve vivante qu’il ne faut donc jamais dire jamais.
L’homme a été au faite de sa gloire au début des années 2000 lorsqu’il redonne, avec Johan Vande Lanotte, Patrick Janssens et le regretté Steve Stevaert, un nouveau souffle au « socialistische partij » (SP).
Mais, dix ans plus tard, il va quitter, contre son gré, la politique. Il sera en effet poussé vers la sortie après les élections de 2009. Bien qu’ayant obtenu de bons résultats, il n’obtiendra pas une nouvelle place au gouvernement. C’était le choix de la présidente d’alors, Caroline Gennez. Vandenbroucke ne voulait pas tirer la liste européenne et était régulièrement en conflit avec d’autres pontes du parti. Un choix qu’on va longtemps reprocher à Gennez. Son départ forcé et dans la douleur est généralement considéré comme une grande perte pour les socialistes, y compris au sein du parti.
L’homme replonge dans sa carrière scientifique et universitaire. En effet dans la seconde moitié des années 90, Vandenbroucke avait déjà pris un congé pour obtenir un doctorat à Oxford. Et, il y a quatre ans, il est devenu professeur à l’université d’Amsterdam.
Vandenbroucke, spécialiste des pensions et de la sécurité sociale
Tout en poursuivant une carrière académique dans les universités d’Anvers, de Louvain et d’Amsterdam, il était aussi actif comme président du comité national des Pensions, l’organe d’avis et de concertation dans le cadre de la réforme des pensions du gouvernement fédéral.
Ce travailleur acharné n’a jamais cessé de se préoccuper d’une série d’enjeux sociétaux fondamentaux. Comme lorsqu’il a envoyé une proposition ambitieuse de réforme des pensions, dont il a remis le rapport final au ministre des pensions de l’époque, Alexander De Croo et qui restera largement lettre morte au sein du gouvernement Michel.
Cela ne l’a pas empêché ses dernières années d’avoir des contacts occasionnels avec le parti où de donner des conseils en coulisses.
On notera que le choix de Vandenbroucke n’a rien d’un hasard. Il réunit à peu près tout ce dont la social-démocratie en difficulté a besoin dit De Standaard. Il est animé par une éthique du travail presque ascétique et il comprend mieux que quiconque l’importance de la sécurité sociale comme pilier d’une société solidaire. Il en maîtrise aussi toutes les facettes, telles que les soins de santé et les pensions. Des domaines qui ne lui sont pas inconnus puisque dans le premier gouvernement Verhofstadt (1999-2003), il a été chargé du portefeuille des affaires sociales et des pensions. Sa politique était novatrice et ne craignait pas les conflits, mais était toujours fondée sur la science. L’homme possède aussi une autorité et une connaissance qui, à défaut de le rendre sympathique, plaisent aux citoyens en dehors des limites traditionnelles des partis.
Vandenbroucke revient donc aujourd’hui par la grande porte. Il est le poids lourd du sp.a dans le nouveau gouvernement fédéral et dans son super-département. Sa mission ne sera pas simple pour autant puisqu’il doit réaliser les grandes priorités socialistes : une réforme des soins de santé avec un meilleur financement, mais aussi l’augmentation de la pension minimum.
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Et, pour compliquer le tout, il doit le faire au sein d’un gouvernement très hétéroclite et densément peuplé avec pas moins de quatorze ministres et cinq secrétaires d’État. De quoi mettre à l’épreuve son principal défaut. L’homme ne sait que difficilement fonctionner en équipe. Un trait de caractère qui l’a très régulièrement conduit à entrer en conflit avec d’autres membres du gouvernement, comme Onkelinx à l’époque ou même en interne, notamment avec Steve Stevaert. Mais qui sait peut-être que les années l’ont adouci. Après tout il va avoir 65 ans d’ici quelques jours.
Carrière :
– Il a été député de 1985 à 1996
– Il préside le SP de 1989 à 1994, année où il succède à Willy Claes comme ministre des Affaires étrangères. Poste dont il devra démissionner suite au scandale Agusta-Dassault. A l’époque il déclare avoir voulu brûler, lorsqu’il a repris la présidence du parti, » une somme de plusieurs millions de francs belges qu’il avait découverte dans un coffre, en provenance de pots de vin payés par l’avionneur ». Une sortie ubuesque qui va lui couter son poste.
– En 1996, il démissionne de son siège de député pour étudier à Oxford pendant trois ans.
– En 1999, Il revient à la politique belge en tant que ministre des Affaires sociales et ensuite celui de l’Emploi dans le gouvernement arc-en-ciel de Guy Verhofstadt.
– En 2004, il entre dans le gouvernement flamand comme ministre de l’Emploi et de l’Enseignement. Il va mener d’importantes réformes dans ce domaine.
– En 2010, il est encore élu sénateur, mais quitte la politique peu de temps après.
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