Vaccins: « le gouvernement a mené une politique d’annonce inutile »
« On a amplifié le petit contretemps de Pfizer », déclare Caroline Ven, CEO de Pharma.be, l’association belge des entreprises pharmaceutiques au sujet des retards des livraisons de vaccins annoncés par Pfizer.
Comprenez-vous la colère et la frustration au sujet de la livraison retardée de vaccins covid-19 par Pfizer ?
Caroline Ven: Il faut prendre un peu de distance, et revenir quelques mois en arrière. En septembre, la science et la politique disaient qu’on pourrait être contents si on pouvait commencer à vacciner d’ici l’été. Les optimistes disaient ce que ce serait au plus tôt à Pâques. Pfizer a travaillé très dur à la production de capacité. Nous évoquons souvent le personnel soignant, mais ces gens aussi ont travaillé jour et nuit pour finaliser ces vaccins. Le développement et la production de vaccins requièrent des exigences de qualité qui sont tout sauf simples à satisfaire. Soudain, le lancement a été avancé au mois de décembre. Nous ne sommes pas en retard, mais en avance sur le calendrier.
Ce qui choque surtout, c’est que nous payons le prix de notre utilisation précautionneuse des fioles. Si les livraisons sont revues à la baisse, c’est notamment parce que les soignants ont découvert que l’on peut extraire 6, et non 5 doses des fioles.
Au moment où l’Agence européenne des médicaments a donné son feu vert à Pfizer, la société a estimé qu’elle extrairait 5 doses par flacon. Probablement à titre de précaution. Cependant, les contrats parlent de doses, pas de flacons. Lorsqu’il est apparu qu’un flacon pouvait contenir 6 vaccins, le texte a été très vite corrigé dans la notice d’information.
Il y avait aussi une frustration évidente au Parlement jeudi après-midi, y compris de la part des partis de la majorité.
Je le déplore. Les entreprises qui viennent en premier sont les plus exposées, alors qu’elles ont pris tous les risques. Alors qu’il y a eu une coopération vraiment positive. Ne pouvons-nous pas être un peu fiers et heureux ? Le monde pharmaceutique s’est surpassé, tout comme la science et les administrations. Et on trouve nécessaire de grossir un petit contretemps. Je crains qu’à la longue, cette atmosphère négative pousse les gens à ne plus vouloir du vaccin.
Craignez-vous vraiment de ne pas atteindre le taux de vaccination de 70%?
Je ne sais pas à quel point cette peur est réelle. Mais il n’y a pas de pénurie. Le contretemps est surtout dû à des aménagements sur le site de Puurs. Ils ont été réalisés après que Pfizer ait été confronté à une commande supplémentaire de 300 millions de vaccins de la part de l’UE. La production prévue est passée récemment de 1,3 milliard à 2 milliards de vaccins. En outre, les vaccins Moderna arrivent sur le marché. La Belgique a déjà reçu 8 000 doses. AstraZeneca, Johnson&Johnson et CureVac suivront probablement bientôt.
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Pensez-vous que le gouvernement a été naïf de penser que cette sixième dose resterait sans conséquence ?
Je ne pense pas que ce soit de la naïveté, mais du volontarisme. Il y a eu une politique d’annonce inutile. On aurait dû aller moins vite en besogne, et certainement les premières semaines. Je pense que c’est le rôle de la politique de dire : il y a quelques mois, nous n’aurions pas cru possible d’être là où nous en sommes aujourd’hui.
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