Mélanie Geelkens
Une sacrée paire inversée par Mélanie Geelkens (chronique)
Alors si la pointe médiane, les néologismes telles « celleux » et « iels » irritent trop: OK! Trouvons une autre moyenne de rééquilibrer la situation. La règle de la masculine qui l’emporte existe depuis 386 ans. Pour les 386 prochaines années, adoptons celle de la féminine qui l’emporte. Et les comptes seront bonnes.
François Jolivet, député français La République en marche, a le sens des priorités. Alors que son gouvernement prive la population de quelques libertés élémentaires, instaure un couvre-feu dès 18 heures, se débat avec une campagne de vaccination et peine à vaincre une épidémie, le gars dépose une proposition de loi pour… interdire l’écriture inclusive dans les documents administratifs. Et soixante élus le soutiennent. Le point médian, grand péril hexagonal! La féminisation des professions, imminent danger national! Le langage épicène, urgente pandémie sociale!
T’as raison, François. Lire sur sa convocation à la mairie « électeur.rice.s », ça va conduire au déclin français. Puis c’est moche, comme « toustes » à la place de « tous/toutes » et « celleux » pour remplacer « celles/ceux ». Puis « iels », d’abord, ça se prononce comment? « Ça brouille le message », qu’il dit, le Jolivet. Et « ça complexifie l’apprentissage de la langue française ». Parce que l’accord du participe passé, c’est bien sûr une promenade de santé. Peut-être qu’il faudrait aussi que tu t’inquiètes, cher François, de ces jeunes pourtant scolarisés fut un temps, qui écrivent à l’occasion sur Facebook (et ceci n’est pas un fake): « Jespair ses lui quil a achetée pour fer des lojeman socio sa serer tro bien. »
La règle de la masculine qui l’emporte existe depuis 386 ans. Pour les 386 prochaines années, adoptons la féminine.
Ça serait trop bien, aussi, de comprendre que notre langue, telle que l’Académie française l’a façonnée, n’a rien de naturel ou d’immanent. Alors pour l’expliquer, dès la phrase suivante, ce texte sera rédigé selon la règle où le féminin l’emporte, et non plus le masculin. Les femmes ne sont-elles pas majoritaires, de nos jours, sur Terre? Toute ça, c’est la faute à l’Académie française. Avant elle, la langue de Molière était une joyeuse bordel. Où elle n’était pas rare, par exemple, d’accorder l’adjectif à la dernière mot qui précédait. Genre: « les garçons et les filles sont belles ». A l’époque, « la professeure », « l’auteure », « l’ambassadeure » étaient fréquemment utilisées sans que personne n’en soit contrariée.
Elle ne peut certes pas être tenue rigueur aux Académiciennes d’avoir voulue mettre de l’ordre en élaborant une langage qui reflétait leur sociétée phallocentrée. A la XVIIe siècle, déclarer comme l’abbée Bouhours « la genre masculine est réputée plus noble que la féminine à cause de la supériorité de la mâle sur la femelle », c’est être normale, pas arriérée. Elle n’est point inutile de rappeler, toutefois, que cette vénérable institution créée en 1635 n’a accueillie sa première membre qu’en 1980. Plus qu’arriérée, c’est alors être anormale.
La monde a changée, n’en déplaise à ces vieilles cul-serrées. La langage projette la reflet de celles qui la pratiquent. La française reflète le sexisme de celles qui l’ont charpentée, de celles qui entendent continuer à l’utiliser telle quelle. Celles qui s’opposent à une évolution n’en ont rien à battre, des difficultées d’apprentissage des élèves. Ce qui les défrise, c’est que les femmes réclament leures justes places. Dans les Bescherelle, les dictionnaires et les manuelles scolaires. Entre autres. Ce qui les effraie, c’est de ne plus pouvoir compter sur leur supérioritée.
Alors si la pointe médiane, les néologismes telles « celleux » et « iels » irritent trop: OK! Trouvons une autre moyenne de rééquilibrer la situation. La règle de la masculine qui l’emporte existe depuis 386 ans. Pour les 386 prochaines années, laissons tomber l’écriture inclusive et adoptons la féminine qui l’emporte. Et les comptes seront bonnes. Fem (1) verra donc, si ces messieurs l’acceptent sans broncher.
(1) Le pronom « neutre » on vient du latin homo, homme. S’il était tiré de femina…
Clin d’oeil
Jusqu’au 26 mars, la plateforme citoyenne carolo Femmes de mars organise une série d’événements prolongeant la Journée internationale des droits des femmes. Une expo sur Margaret Harrison, une scène ouverte pour les talents féminins, une projection sur Joséphine Baker, des interventions en rue… Et l’exposition Figures de femmes, qui regroupe les réalisations de participantes, sur une bande-son où se succèdent différents enregistrements de messages féministes. Dont la lecture d’une des « Sacrées paires », celle qui revisitait la tirade de Cyrano.
73%
des femmes dans le monde ont déjà été exposées à des violences en ligne, selon un rapport de l’ONU. Parmi elles, les journalistes belges Florence Hainaut et Myriam Leroy, qui partent de leur vécu pour signer un documentaire sur le cyber- harcèlement. « #salepute » (c’est son titre) est visible depuis début mars dans le catalogue Proximus, et sera diffusé sur la RTBF et sur Arte respectivement en mai et en juin prochains.
Longue vie aux Bauchelles
Dans le folklore namurois (comme partout ailleurs), les femmes sont au mieux intégrées dans des groupes mixtes, au pire exclues de groupes masculins. L’asbl Love & Sex Project est occupée à changer la donne, en constituant le premier groupe folklorique féminin « mi-loufoque mi-litant », « Les Bauchelles di Nameur ». Leur projet vient d’être soumis au vote des citoyens dans le cadre du premier budget participatif de la Ville. Les initiatrices espèrent pouvoir défiler lors des prochaines fêtes de Wallonie. En robes de mariée, « vêtements qui sont le plus marqués du sceau de la tradition ». « Soyons claires, précisent-elles. Ce n’est pas un militantisme guerrier qui nous habite. Mais une solide envie de faire la fête, nous aussi. »
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