Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de ppeurs-ra: « Damso, c’est un peu comme du porno: la perpétuation d’un univers répétitif, éculé et masculinocentré » (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Drôle, quand même, comme tout le monde s’en balek, d’un rappeur obsédé par les giclures capillaires, réfractaire à la capote mais favorable à la sodomie présentant les femmes comme des juste bonnes à fourrer.

Désolée pour le retard. Mais y a eu les journées du matrimoine, puis ce sondage idiot sur les collégiennes sans soutifs (pour celles et ceux qui suivent). Ensuite, saluer le courage de Christine Villemin, trente-quatre ans après la mort de son fils Grégory, semblait plus prioritaire que se lamenter sur le nouvel album de Damso, disponible depuis le 18 septembre dernier. Plus de 14,3 millions d’écoutes, qu’il a enregistrés sur Spotify rien que les vingt-quatre premières heures, ce qui fait de lui l’artiste francophone le plus streamé au monde le jour d’une sortie. Trois millions de personnes se le mettent dans les oreilles chaque mois sur cette plateforme ; faut au moins saluer ça.

Damso, c’est un peu comme du porno: la perpétuation d’un univers répétitif, éculé et masculinocentré. Plaisir immédiat, pas très recherché.

Comme il n’articule pas super bien, puis avec tout ce verlan, ce franglais et cet argot, peut-être que ces auditeurs n’ont pas tout tout compris. Comme quand le rappeur chante, sur BXL Zoo, « le mollard est craché/la capote a craqué/sa che-bou est remplie/la petite est gâtée ». Ou, toujours sur le même titre: « t’as de l’ADN de bite sur les lèvres (bitch) », « des chattes incendiées dans le caméscope/quelques salopes dévergondées je fuck (sale) ». De fait.

Comme une obsession orale. Et chevelue. « Que des chiennes sans laisse, me-sper sur les tresses/que je laisse/mon amour est dans c’que tu lèches » ( Coeur en miettes). « J’suis dans sa schneck, j’y vais mollo (…]/J’balance la sauce sur ses tresses/Au point qu’son mec a cru que c’était une colo » ( BruxellesVie). Puis un oedipe mal réglé: « C’est dans ta maman que je performe » ( BPM), « c’est pas demain la veille que j’arrêterai de niquer des mères » ( Mevtr), « j’fais dans le nique ta mère la pute », « si y a bien une chose que je sais faire/c’est niquer des mères » ( BruxellesVie). Pardon pour les répétitions.

Mais no stress, les prudes. Paraît que les nistes-fémi doivent pas s’alarmer. Car sur ce nouvel opus, le Bruxellois fait pour la première fois un duo avec une fille (Lous and the Yakuzas), et même qu’il a écrit un texte sur sa maman adorée qui avait failli mourir. Alors tout est pardonné! Même ce « la biatch me dit qu’elle a mal au cul/j’ai quelques déviances ». Sans déconner.

Drôle, quand même, comme tout le monde s’en balek, d’un rappeur obsédé par les giclures capillaires, réfractaire à la capote mais favorable à la sodomie (peut-être un fantasme prostatique inassouvi), présentant les femmes comme des juste bonnes à fourrer. Ou à avaler. Mais une militante qui dit qu’elle n’a plus envie d’écouter des oeuvres masculines, elle perd son travail, est placée sous protection policière, ramasse menaces et injures comme d’autres, apparemment, des « coups dans leurs sses-fe ».

Ah oui mais c’est de l’art, faut dissocier l’auteur de son oeuvre. Et puis c’est les codes, le rap c’est sale, c’est sexuel, c’est misogyne, c’est comme ça. C’est dommage, surtout. De n’avoir que ça à raconter, des histoires de boules et de moula (1). De n’utiliser son sens de la formule que pour rimer sur les tasses-pé. Doc Gynéco l’avait déjà sortie en 1996, celle-là. Sérieux, rien de plus original? De plus profond? Accessoirement de moins sexiste? A la Nekfeu, à la Orelsan, à la de Pretto, habiles poètes et rappeurs sociologues. Damso, c’est un peu comme du porno: la perpétuation d’un univers répétitif, éculé et masculinocentré. Plaisir immédiat, pas très recherché. Ne pas oublier qu’il existe d’autres formes d’onanisme. Musical, bien sûr.

(1) Terme argotique désignant l’argent, thématique abondamment exploitée par Damso dans cet album QALF.

#iamwithsanna

Sanna Marin, Première ministre finlandaise, a dû affronter un torrent de remarques sexistes après avoir posé habillée d’un blazer à l’encolure plongeante. Trop belle donc incapable, lui reprochent ses détracteurs selon qui elle a autre chose à faire en temps de pandémie que de « jouer au mannequin ». Sur les réseaux sociaux, de nombreuses Finlandaises (et quelques Finlandais) se sont pris en selfie avec des tenues similaires, relayant le hashtag #iamwithsanna, pour dénoncer l’incessant jugement physique et vestimentaire subi par les femmes politiques.

Une sacrée paire de ppeurs-ra:
© J. Lundqvist/A-Lehdet Oy

Parlez-vous Nüshu?

Dans la province chinoise de Hunan (nan, pas celle du Covid, plus au sud-est) existait il y a 3 000 ans une langue secrète, pratiquée uniquement par des femmes. Baptisée « Nüshu », elle se transmettait de mère en fille, probablement pour permettre à ces paysannes de raconter, via des poèmes et des chants, leurs mauvaises expériences et de livrer des conseils aux plus jeunes, à une époque où le patriarcat ne les autorisait pas à livrer leurs états d’âme. Seize ans après le décès de la dernière locutrice, cette langue renaît, selon un reportage de la BBC, grâce à des passionnées qui ont ouvert un musée et lancé des cours en ligne.

La phrase

« Ma prof de sociologie nous dit: « Il n’y a pas de tenues indécentes, il n’y a que des regards déplacés. » Louhanne, étudiante française, sur Twitter, concernant les polémiques sur la manière dont les filles devraient s’habiller pour se rendre à l’école.

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