Mélanie Geelkens
Une sacrée paire de commodités
C’est une distinction qui n’existe que dans les lieux publics. Parce qu’en privé, vessies et intestins se vident dans un pot commun. Quel architecte aurait l’idée de construire une maison familiale comprenant un WC pour maman et un autre pour papa ?
Mais c’est peut-être parce que maman et papa ont déjà vu leurs machins respectifs, ce qui n’est pas nécessairement le cas d’une madame et d’un monsieur se croisant au travail, au spectacle ou au restaurant. Peut-être est-ce par crainte de rendre perceptibles, au détour d’un urinoir, des bouts de ce qui normalement devrait rester à l’abri des braguettes que les inventeurs des toilettes genrées ont développé leur idée.
Faudrait pas manquer la moindre occasion de faire passer le féminisme pour une mouvance hystérique castratrice empêcheuse de pisser en rond qui emmerde tout le monde, avec ses combats de chiottes.
Du coup, gaffe aux yeux, hein, les spectatrices du Théâtre de Liège. Où l’on urine et défèque, désormais, au sein de pièces d’aisance unisexes, par respect pour ceux qui ne se reconnaissent ni dans le pictogramme à la jupe, ni dans celui au pantalon. Peut-être aussi par égard pour cette partie du spectacle que la composante féminine d’un public prend le risque de louper en partant se soulager lors d’un entracte. Car mieux vaut être un homme pour être pris d’un besoin inopiné. Combien de femmes ont taché leur culotte à force de devoir patienter dans d’interminables files sanitaires ? Certains penseront qu’elles n’ont qu’à moins se remaquiller/papoter/traîner pour pouvoir faire pipi avec davantage de célérité. La vérité – moins fantasmée – est que se dénuder à moitié, s’essuyer (et pas seulement se secouer) puis se rhabiller prend plus de temps que simplement se déboutonner l’entrejambe. Deux à trois fois plus de temps, écrit la journaliste anglaise Caroline Criado Perez dans son ouvrage (non traduit en français pour l’instant) Invisible Women. Aussi parce qu’elles doivent parfois remplacer un tampon, changer une serviette ou vider une coupe menstruelle. Parce qu’elles sont plus souvent accompagnées d’un enfant, qui doit lui aussi assouvir une envie pressante. Parce qu’il y a, statistiquement, plus d’handicapées et d’âgées. Parce qu’enceintes, leurs vessies deviennent plus impatientes.
Ça fait pas mal de raisons objectives. Pourtant, aucun architecte n’a jamais eu l’idée de construire des commodités pour femmes plus grandes et mieux fournies en cuvettes. Cinquante- cinquante, parité du mètre carré. Qui se révèle au fond très inégalitaire, selon Caroline Criado Perez, et pas seulement parce que les hommes peuvent, en outre, souvent compter sur des urinoirs complémentaires. Pour l’auteure, il faut voir dans cette histoire très pipi-caca à quel point le monde est fait par les hommes, pour les hommes.
Prière de ne pas s’en offusquer, mesdames. Même en remarquant, comme en décembre dernier à la gare de Brest, que les messieurs sont les seuls à pouvoir pissoter debout gratos (pour vous, en revanche, ça fera 20 centimes, en vous remerciant, il faut bien payer le nettoyage alors que les pissoirs, c’est bien connu, ne requièrent aucun entretien). » Une « association féministe » fait enlever les urinoirs des toilettes pour hommes « , avait alors titré le quotidien local Ouest-France, repris tel quel par d’autres médias. Bon, en fait, c’était juste une meuf qui avait remarqué cette inégalité un jour qu’elle prenait le train et qui avait décidé de tweeter en taggant le compte #PépiteSexiste. Celui-ci avait interpellé la SNCF et la société de transport avait décidé de retirer les pissoirs en question en se disant que c’était plus juste… Bien qu’elle aurait pu choisir de rendre l’accès gratuit pour tout le monde et que ça aurait été encore plus juste. Mais bon ! Faudrait pas manquer la moindre occasion de faire passer le féminisme pour une mouvance hystérique castratrice empêcheuse de pisser en rond qui emmerde tout le monde, avec ses combats de chiottes.
1.0Une sacrée paire est de retour, dans ce premier numéro de l’année du Vif/L’Express et sur le @levif.be !
On parle pipi caca, cette semaine c’est dans les toilettes que ça se passe !
Ou pourquoi le #féminisme passe aussi par le petit coin… #unesacreepaire #levif #chronique #magazine #news #toilettes #sexisme #patriarcat #womenempowerment #femmes #egalite #egalitehommefemme #egalitedesgenres #egalitedessexes #discrimination #carolinacriadoperez #toilettespubliques #wc #feminisme #polémique #feministe #armesegalesunesacreepairehttps://www.instagram.com/unesacreepaire214239090852213301591549459544_21423909085Instagramhttps://www.instagram.comrich658
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Girl Power
Elle n’a pas visé dans le mille, mais dans une zone rouge, sur le dessus de la cible, et ce coup a fait devenir l’Anglaise Fallon Sherrock (25 ans) championne du monde de fléchettes. La première, en fait : jamais personne n’avait battu un homme dans cette discipline lors d’un championnat mondial professionnel. 96 joueurs participaient à cette compétition qui s’est tenue à Londres fin décembre, dont seulement deux femmes. » C’est dingue ! […] Je l’ai fait pour toutes les filles « , a-t-elle tweeté après sa victoire, commentant ensuite être heureuse d’avoir prouvé que » les femmes peuvent jouer contre les hommes et les battre. Alors, croisons les doigts, c’est un pas dans la bonne direction ! »
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femmes sont mortes sous les coups d’un homme, en Belgique, durant 2019. Tuées majoritairement par leurs (ex)-compagnons, selon le recensement effectué par l’association Stop Féminicides. C’est moins qu’en 2018 (37) et qu’en 2017 (41). Mais cela reste toujours vingt-trois de trop…
Des femmes et des briques
C’était le genre de cadeau idéal sous un sapin. De belles images qui font voyager à travers 180 paysages architecturaux. Mais exclusivement féminins, ces paysages : dans son livre Je ne suis pas une femme architecte. Je suis architecte (éd. Phaidon), sorti fin 2019, l’Anglaise Jane Hall (elle-même du métier) a compilé des bâtiments remarquables conçus au fil du siècle dernier par des professionnelles. Dont la maternité a souvent été oubliée, tue ou erronément transformée en paternité. Comme Chandigarh, nouvelle ville indienne conçue dans les années 1950 par Jane Drew, bien que tout le monde l’ait attribué à Le Corbusier. Un bâtiment, pourtant, n’a pas de sexe…
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