Mélanie Geelkens
Une sacrée paire de bonnets : « Pas de bretelle, pas de bonnet, pas de baleine, rien! C’est permis, ça? » (chronique)
Pas de bretelle, pas de bonnet, pas de baleine, rien! « C’est permis, ça? » Les femmes peuvent-elles se promener les roberts à l’air? Suffit de demander à Jeanne, cette étudiante qui voulait visiter le musée d’Orsay à Paris, le 8 septembre dernier. Refoulée à l’entrée: sa robe plongeait trop avant vers sa poitrine.
Le gars regarde sa copine de dos. Puis de front. Puis de dos, comme pour s’assurer qu’il n’a pas rêvé: pas de trace de soutif, en dessous de cette robe moutarde à fleurs bleues échancrée (c’était l’été). Il revient sur le côté pile, tire le décolleté du bout de l’index – vraiment, il fallait en avoir le coeur net – et plonge un oeil moins gourmand qu’interloqué. Pas de bretelle, pas de bonnet, pas de baleine, rien! « C’est permis, ça? »
Même pas ironiquement, qu’il demandait. Il semblait sincèrement curieux de savoir. Les femmes peuvent-elles se promener les roberts à l’air? Pas au vent, s’entend. Juste pendants, ballants, mouvants. Il aurait été tentant de lui répondre qu’elles faisaient ce qu’elles voulaient, les porteuses de seins. Les comprimer, les démailloter… Mais ç’aurait été nier la réalité.
Suffit de demander à Jeanne, cette étudiante qui voulait visiter le musée d’Orsay à Paris, le 8 septembre dernier. Refoulée à l’entrée: sa robe plongeait trop avant vers sa poitrine. Le règlement l’interdisait, paraît. Suffit de demander aux vacancières qui bronzaient pépères (mémères? ) en août à Perpignan, les tétons laissés à l’appréciation du soleil, que deux gendarmes zélés avaient priées de se rhabiller. Ça choquait les enfants, paraît.
Suffit de demander aux gens, en fait. Comme l’institut de sondage Ifop et le magazine Marianne l’ont fait. La question était cruciale et méritait bien de claquer quelques milliers d’euros pour y répondre (la presse va si bien…): que peuvent porter les étudiantes dans les lycées publics? Apparemment pas « un haut sans soutien-gorge au travers duquel la pointe des tétons est visible »: 66% des 2.000 répondants s’y opposent. Pas davantage qu’un « haut avec décolleté plongeant » ; c’est non pour 62%. Ni la blouse qui découvre le nombril et déplaît à 55%. Y a même 22% d’idiots à vouloir interdire les tee-shirts laissant apparaître les bretelles de soutiens-gorge.
Trop le seum qu’on leur dise qu’elles doivent porter « une tenue républicaine » parce sinon, ça déconcentre les garçons.
Alors elles se rebellent, les ados. C’est l’âge. Trop le seum qu’on leur dise qu’elles doivent porter « une tenue républicaine » (tu nous expliques, Jean-Michel Blanquer? ) parce sinon, ça déconcentre les garçons. Toutes en shorts, jupes, crop tops, décolletés, le lundi 14 septembre et le vendredi 2 octobre. Quitte à se faire refouler à l’entrée des écoles. Fuck les règlements sexistes!
Qu’on les laisse s’habiller en paix, les filles. Même celles qui préfèrent garder leur soutif, n’en déplaise aux évangélistes du no bra, qui, sur leurs réseaux sociaux, font croire à celles qui trouvent ça plus confortable, plus soutenant, qu’elles restent de pauvres victimes du patriarcat. Et quand tout le monde leur aura lâché les miches, aux meufs, ça dégagera du temps pour expliquer aux garçons le concept d‘hypersexualisation. Qu’une aréole, même visible sous l’étole, n’est pas une invitation à la gaudriole.
Délivrés, les nénés. Comme les jambes de nos (grands-)mères, qui déambulaient en minijupes pour manifester leur libération sexuelle et religieuse. Sauf qu’aujourd’hui, les révoltées du soutif réclament qu’on cesse de les sexualiser. Mais ce décolleté, ce dos nu, ce nombril n’ont-ils jamais pour ambition de séduire, d’attirer, d’aguicher ce regard masculin tant conspué? Jamais au grand jamais promis juré craché? Parce que si ce n’était qu’une question de confort, de liberté de choix, de fluidité des mouvements, le training ferait sûrement son grand come-back. Donc peut-être faudrait-il aussi leur apprendre, aux filles, qu’il peut être possible de plaire sans forcément se dénuder. Ou alors, à l’assumer.
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Dix femmes sur vingt ministres et secrétaires d’Etat: pour le nouveau gouvernement fédéral, hip hip hip hourra! Des femmes issues de l’immigration, une femme transgenre, des jeunes, des novices… La Vivaldi, en matière de diversité, n’a rien à se reprocher. Tant mieux car, il y a un an, tous les gouvernements régionaux s’en fichaient: le flamand 3 femmes sur 9, le bruxellois 3 sur 8, idem pour le wallon. D’ailleurs, là-bas, ça n’aurait pas trop gêné le président du MR, Georges-Louis Bouchez, de sacrifier une femme (Valérie De Bue) pour recaser un homme (Denis Ducarme), sans même se soucier des règles de représentativité. Si fragile parité.
La phrase
« Je ne lis plus les livres des hommes, je ne regarde plus leurs films, je n’écoute plus leurs musiques. J’essaie, du moins. […] L’art est une extension de l’imaginaire masculin. Ils ont déjà infesté mon esprit. Je me préserve en les évitant. Commençons ainsi. Plus tard, ils pourront revenir. »
La journaliste et élue écolo à la mairie de Paris, Alice Coffin, dans son nouveau livre Le Génie lesbien (Grasset, 240 p.), qui a créé la polémique pour sa vision radicale où les hommes sont présentés comme des assaillants.
Pénystérique
Se dit d’un « mâle névrosé, débordé émotionnellement » qui ne peut s’empêcher de proférer des insultes misogynes ou de harceler les femmes. Définition imaginée par le compte Instagram féministe T’as joui, qui tentait de trouver un équivalent masculin au mot « hystérique », dont l’étymologie renvoie à l’utérus. (Addendum à la chronique « Une sacrée paire de mots » parue dans, pour celles et ceux qui suivent.)
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