Une police capable de « débarrasser nos rues » des narco-terroristes
« Le premier devoir du gouvernement est de protéger le peuple, pas de diriger sa vie », a claironné à la Chambre Alexander de Croo. Effectifs, budget, moyens : les nouvelles sont bonnes pour la police… Sauf au niveau de la revalorisation salariale. Et cela fâche. Les syndicats rencontrent la ministre de l’Intérieur ce matin.
« Un pays qui protège investit aussi dans la sécurité, dans des rues et des villes sûres », a déclaré Alexander De Croo, alors que la Belgique est confrontée à une vague de violences liées au trafic de drogue. « Notre réponse est claire : nous ne nous laisserons pas intimider ».
« Au contraire, a-t-il ajouté, la lutte contre le crime organisé est plus que jamais une priorité. Nous ne laisserons jamais nos rues aux narcoterroristes ».
Le succès de l’opération Sky ECC et la tentative déjouée d’enlèvement du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD), ont fait prendre conscience aux autorités politiques et judiciaires de la menace réelle que représentent les organisations mafieuses et les narcotrafiquants pour la sécurité et la stabilité de l’Etat. Et des moyens colossaux qu’ils ont à leur disposition.
Ces dernières semaines, les appels au refinancement de la police et de la Justice se sont multipliés. La situation actuelle est telle, ont martelé policiers et magistrats, que des dossiers de grand banditisme ne sont tout simplement plus traités, faute de temps ou de moyens. Une faille dont tirent profit les « gros poissons » actifs sur le territoire et qui confortent les trafiquants dans leur sentiment d’impunité.
Il semble cette fois que policiers et magistrats aient été entendus puisque la police judiciaire va bénéficier d’une enveloppe d’un milliard d’euros supplémentaire pour mener à bien ses missions.
« Si la menace évolue, la police et la justice doivent s’adapter. Dans cette optique, le gouvernement lance une nouvelle trajectoire de réforme. Pour que les moyens supplémentaires injectés soient encore plus rentables, qu’ils améliorent la protection du citoyen et le service. Je ne prendrai qu’un exemple : notre pays compte 225 bâtiments judiciaires, les Pays-Bas en comptent 25, soit 200 de moins ! Si nous voulons que les nouveaux investissements soient rentables, nous devons oser rationaliser ».
Autre cheval de bataille des syndicats policiers : le manque d’effectifs. A l’annonce des nouvelles mesures – soit un renfort de 1000 policiers et policières dont 400 à la fédérale – la CGSP-Police est pourtant restée sur sa faim. « Rien qu’au niveau du cadre de la police judiciaire fédérale, il faut récupérer 1000 enquêteurs. Sur l’ensemble du territoire, c’est 3000 à 3500 hommes et femmes qu’il nous manque », évalue Eddy Quaino, délégué permanent.
« Je ne sais pas exactement quelles sont les ambitions du gouvernement mais ce n’est pas avec 400 ETP à la fédérale qu’on va réussir à boucher les trous. Ca nous laisse une impression de décision prise un peu à l’emporte-pièce dans un climat d’épuisement général, soupire Vincent Gilles, président national du SLFP-Police. Evidemment qu’annoncer un renfort de policiers est une bonne chose en soi, le problème c’est que le nombre d’aspirants dans les académies diminue en raison du manque d’attractivité du métier ».
Début 2022, les syndicats policiers et la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), ont conclu, après des mois de négociations, un accord social portant sur une revalorisation salariale structurelle, de 5% en moyenne. Des adaptations de fin de carrière et de meilleures conditions de travail étaient également au menu. « L’accord, qui prévoyait une première phase de valorisation en 2023 et une seconde en janvier 2024, nous semblait déjà peu crédible car l’enveloppe (ndlr, 120 millions) budgétaire mise sur la table nous semblait totalement insuffisante. C’était une fausse promesse puisque cette revalorisation sera finalement échelonnée jusqu’en 2025 », poursuit le permanent CGSP, qui avait refusé de signer l’accord.
Mercredi matin, les quatre syndicats policiers ont demandé à rencontrer la ministre de l’Intérieur pour obtenir des explications sur ce changement de cap. » C’est la déception. Nous avions signé un accord qui comporte plusieurs volets. Nous voulons savoir s’ils sont tous concernés par ce changement de calendrier ou pas. Mais, à mon sens, la plénitude de l’accord n’est nullement remise en cause, rectifie Vincent Gilles. Je pense aussi que, épuisé par toutes ces chamailleries, ces promesses et anti-promesses formulées, le politique est arrivé lundi à la table des négociations avec ce problème qui restait encore à régler. Certains ont alors joué la carte de la pression et ont essayé de prendre Annelies Verlinden (CD&V) en chausse-trape ».
Dans son allocution, Alexander De Croo a enfin plaidé en faveur de davantage de fusions des zones de police. Sujet pour le moins épineux… « Ca reste difficile à mettre en place, souligne Eddy Quaino. Question de mentalité: on a des visions assez différentes en Flandre et en Wallonie. Côté wallon, on est demandeur de plus de mutualisation, côté flamand de plus de fusion. En tout cas il faut laisser la possibilité aux zones de fusionner sur base volontaire et, surtout, de pouvoir garder une police de proximité ».
2% pour la Défense
Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Conseil des ministres avait dévoilé le nouveau plan d’investissement de la Défense. Baptisé « Star », le plan inclut un refinancement de 10 milliards d’euros à l’horizon 2030 (soit 1,54% du PIB). Une enveloppe complémentaire d’un milliard d’euros pour la législature en cours (jusqu’à 2024) avait également été réservée à l’amélioration de l’opérationnalité de l’armée, c’est-à-dire sa capacité à être déployée en opération.
A l’horizon 2035, l’investissement dans la Défense belge devrait donc atteindre les 2% du PIB, conformément à ce que l’Otan demande à ses membres en termes d’effort sur le volet militaire.
Par contre, le grand retour du service militaire, comme le suggérait début octobre le chef de l’état-major, n’est définitivement pas à l’ordre du jour.
Un nouvel organe, le Conseil de Défense industriel, va être créé. Il aura pour vocation de renforcer sa base militaro-industrielle et de resserrer la coopération entre la défense, les entreprises et les centres de recherche belges. « Lorsque nous déciderons dans vingt ans du remplacement des F-35 qui seront livrés à notre pays à partir de l’année prochaine, il doit y avoir sur le marché un chasseur européen qui concurrence les avions américains », a justifié Alexander De Croo. Il est également prévu que le budget du Centre pour la cybersécurité soit revu à la hausse, afin « de mieux gérer les crises », notamment les cyberattaques dont ont récemment été victimes des entreprises, des pouvoirs publics mais aussi des hôpitaux.
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