Une enquête révèle la dure réalité des prostituées bruxelloises
Le meurtre de la jeune prostituée Eunice N. Osayande en juin 2018 aura causé l’émoi et la colère de toute la commune de Schaerbeek, notamment dans le quartier dans lequel elle travaillait. Depuis cet évènement tragique, l’Université de Gant mène une étude portant sur la prostitution subsaharienne dans la commune. Les résultats de cette étude étaient présentés aujourd’hui au sein de la salle des musées de l’Hôtel de Ville.
La conférence de presse débute par un discours de Cécile Jodogne (DéFI), bourgmestre de Schaerbeek. Elle rappelle que la prostitution dans le Quartier des carrées (à la frontière entre Schaerbeek et Saint-Josse) est un enjeu ancien mais un sujet qui reste assez « délicat ».
L’étude, nommée SWIPSER, fut commanditée après l’assassinat de la jeune Eunice poignardée à mort dans son carrée par un mineur. Comme elle, la plupart des femmes prostituées du quartier sont nigériennes et exploitées par un réseau de prostitution.
La volonté de Mme Jodogne à travers cette étude était d’aider « à la gestion des nuisances et de l’insécurité tant pour les travailleurs du sexe que pour les habitants du quartier. Cela nécessite de mieux comprendre le public auquel nous nous adressons, but précis de cette étude, affirme-t-elle.
L’étude, qui débute en 2018, fut réalisée par deux chercheuses de l’Université de Gant, Sarah Adeyinka et Sophie Samyn. Le point de départ : la connaissance d’un réseau de trafic humain de femmes subsahariennes.
Elles ont souhaité se baser sur la réalité vécue de ses femmes, et sont allées sur le terrain. Au total, elles ont suivi 38 femmes dont la majorité vient du Niger et du Ghana.
Elles expliquent que la particularité de ce quartier, et ce qui le rend si sensible et en proie aux tensions, ce sont les différents groupes sociaux qui s’y côtoient: les travailleuses du sexe, les commerçants et le voisinage résidentiel.
Des résultats inquiétants
Au cours de la conférence, les deux chercheuses témoignent d’une réalité difficile pour ces femmes prostituées. Toutes se plaignent de leurs conditions de vie, surtout d’une insécurité grandissante.
Elles subissent de la stigmatisation due à leurs activités, certaines parlent même d’un « impact négatif sur leur dignité ». Elles sont au coeur des tensions. Beaucoup ne se sentent pas en sécurité : elles sont harcelées par les passants, subissent des violences physiques et ne se sentent pas protégées par la police. Certaines sont contraintes de payer des gens pour assurer leur sécurité.
Souvent dans une situation illégale et ne parlant pas la langue, beaucoup sont confrontées à un accès aux soins impossible. Il est également laborieux de porter plainte dans leur situation.
Les débats sur le sujet de la prostitution à Bruxelles sont constants. Pour le bourgmestre de Schaerbeek, une seule solution : la reconnaissance du statut pour les travailleurs du sexe.
Pour UTSOPI, collectif de travailleurs et travailleuses du sexe en Belgique, « l’activité des travailleurs du sexe doit être sortie du droit pénal et nécessite une protection sociale et un accès aux droits fondamentaux ».
Les chercheuses le rappellent : « En raison de la complexité sociale et culturelle du groupe concerné, nous recommandons fortement la mise en place de formations appropriées pour les policiers et les membres des forces de l’ordre, ainsi que le recours à des services de médiateurs/interprètes culturels si nécessaire ».
Les désaccords entre les différents acteurs ont su être mis de côté pour réaliser un geste fort. Pour la toute première fois en Belgique, une rue du nouveau quartier Warf à Bruxelles va prendre le nom d’une prostituée, Eunice N. Osayande.
Lola Buscemi
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