© Charles Monnier

Une échappée alsacienne dans un verre de vin

Sandrine GOEYVAERTS Sommelière, caviste, blogueuse et auteure de Jamais en carafe (à paraître)

Par la grâce d’une bouteille, fermer les yeux, faire appel à ses sens et visiter un coin de France, d’ailleurs… En somme, voyager dans le temps et l’espace, juste le nez dans le verre, la langue pétrie de souvenirs.

Coincer la bulle, faire des ronds dans l’eau, traînasser… Pour rêver qu’on est dimanche, à la campagne, que l’herbe est verte et le ciel dégagé. Pas de champagnes, ici, trop snobs. Pas non plus de crémants, il faut du canaille et du vibrant. La victime est choisie. Presque nue, elle joue de transparences : elle aguiche, forcément. Rangée dans un coin, un peu oubliée parmi ses congénères plus strictes, en deux temps trois mouvements la voilà le cul dans la glace. Refroidir ses ardeurs, doucement jeune fille ! Il ne faudrait pas, par manque de précautions, en perdre une goutte. L’amener à la bonne température, et puis après… Prendre tout le bonheur disponible, surtout qu’il est un peu inattendu.

Domaine Rohrer, Bulles de vie, pétillant naturel (Alsace).
Domaine Rohrer, Bulles de vie, pétillant naturel (Alsace).

Cette rencontre est un heureux hasard, en deux temps : d’abord à l’aveugle, ensuite tout sourires. Le décor ? Une mer de vignes, bosselée, que le soleil ponctue de tâches impressionnistes. Le petit resto, où nous accrochons nos habitudes : c’est devenu un passage obligé, à chaque séjour ici. La cuisine est divine, et les conversations faciles. Quelques verres d’un vin suave, inconnu et l’envie est née de rencontrer le magicien qui nous a joué

ce tour-là. La longue rue principale se remonte en soufflant un peu :

Mittelbergheim, peut-être le plus joli village alsacien, concentre un paquet de sorciers de la vigne et quelques magiciennes aussi : on les repère facilement, aux plaques noires qui ornent les façades. Le nôtre a l’oeil qui pétille et un reste d’accent qui fait sonner les consonnes. Bien vite, les bouteilles se succèdent, les pinots, gris et noir, le riesling…

C’est vite une évidence : les vins ont du bagout, de la santé, et forcément, forcément, ils nous plaisent. Une caisse, deux, puis trois : parmi les adoptées, celle qui va bientôt être ouverte. Pas de chichis : la capsule saute, à peine un pshit léger, juste pour donner l’idée. Dans les verres, c’est une bulle joyeuse, libre et fanfaronne qui s’élance. Sur la langue, elle éclate joliment, offrant des brassées de fleurs, de la pêche, rafraîchit la gorge. Un commentaire plus précis ? Parfois, il suffit d’écrire que le vin a un goût de revenez-y et tout est dit.

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