Nicolas De Decker
Une certaine idée de Nicolas De Decker sur le laxisme (chronique)
« Il faut en finir avec le laxisme » disent-ils. Mais de quel laxisme parlent-ils? La Belgique un pays si laxiste que ses prisons sont pleines.
Elles bourgeonnent, nombreuses, après une émeute comme un verger avec le printemps. Mais parmi toutes ces formules politiques creuses qui menuisent la langue de bois dont on fait les matraques, celle d’un prétendu laxisme avec lequel il faudrait en finir pour que plus jamais de jeunes idiots ne cassent de vitrines ou n’agressent de policiers mériterait, dans le vaste musée de la bien-pensance politiquement correcte, une sorte de salle d’honneur. Cette allégation de laxisme comme cause de ces violences cumule en effet la fausseté du fond et l’illogisme de la forme.
Elle est illogique sur la forme car elle postule que le meilleur moyen de rendre moins violentes les manifestations contre les violences policières serait de rendre plus violente la réponse policière à ces manifestations, comme si l’on pouvait lutter contre une conséquence en en justifiant la cause.
Et elle est surtout fausse sur le fond parce que malgré le confort de l’inanité qu’il procure, ce sot slogan du laxisme ne réfère à aucune réalité concrète.
Il est sans doute difficile de le concevoir tellement c’est répété à chaque ecchymose tavelant un épiderme policier, mais affirmer que police et justice traiteraient tendrement les personnes suspectées de les avoir agressées relève de la plus pure invention.
Est-il laxiste, ce juge bruxellois, par ailleurs militant socialiste affiché, qui condamna à deux ans de prison avec sursis, en juin 2016, le manifestant qui, un mois plus tôt, avait flanqué un terrifiant coup de poing au commissaire Vandersmissen? Est-elle laxiste, cette autorité communale, par ailleurs dirigée par un bourgmestre socialiste, qui a fait condamner ce même manifestant à lui payer plusieurs milliers d’euros de dommages et intérêts?
Sont-ce de flaccides soixante-huitards, ces juges flamands qui, à l’été 2020, ont décidé d’incarcérer pendant plusieurs semaines les types, majeurs, qui s’étaient bagarrés sur la plage de Blankenberge, suscitant alors d’irrépressibles et sempiternels appels à en finir avec ce laxisme imaginaire? Et les juges de la jeunesse qui ont envoyé les mineurs de cette bande de bagarreurs des sables en IPPJ, sont-ce alors autant d’émollients hippies?
Comment, selon les courageux pourfendeurs de laxisme qui noircissent les pages des journaux et enluminent les timelines des réseaux sociaux, aurait dû, dans ces cas-là, réagir une justice idéale, libérée de son surmoi latitudinaire?
Ils ne le disent pas et ils ont leurs raisons.
Réclamer la perpétuité plutôt que deux ans, des millions de dommages et intérêts plutôt que des milliers, le bagne plutôt que l’IPPJ, n’exposerait que trop le ridicule de leurs rodomontades. C’est pourquoi ils ne disent jamais vouloir en finir avec le laxisme qu’au moment où les violences sont commises, et uniquement quand elles sont filmées, jamais lorsqu’elles sont, comme toujours, lourdement sanctionnées.
Car alors ils s’en verraient extirpés de la protection de leur imposture factuelle, celle qui les autorise indécemment à faire de la Belgique un pays si laxiste que ses prisons sont pleines jusqu’à la gueule, et qui empêche de remarquer qu’en réalité l’absence de laxisme des uns n’assure en rien de l’absence de violence des autres.
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