Région wallonne (Willy Borsus, à g.) et Communauté germanophone (Oliver Paasch, à dr.) se sont accordés sur de nouveaux transferts de compétences. © Frederic Sierakowski/belgaimage

Une 4e Région en gestation ?

Pierre Schoffers   Journaliste 

La Wallonie va transférer de nouvelles compétences à la Communauté germanophone. La Belgique en deviendra encore un peu plus régionale alors même que certains veulent refédéraliser.

Merci la Wallonie, pourtant peu aimée sur son territoire germanophone (5 %). Merci aussi à l’article 139 de la Constitution. En vertu de celui-ci, la Communauté germanophone peut exercer dans ses neuf communes, à la place de la Wallonie et avec son accord, des compétences qui n’ont rien de communautaire ni de linguistique. Le mécanisme constitutionnel a déjà servi pour l’emploi, le tourisme et la tutelle sur les communes, notamment. Le 14 septembre dernier, les gouvernements de la Région wallonne et de la Communauté germanophone sont allés plus loin. Les deux exécutifs se sont accordés sur des projets de décrets communs devant organiser le transfert, par la première à la seconde, d’un beau paquet de nouvelles attributions : le logement, l’urbanisme, l’aménagement du territoire et les primes énergétiques. A partir de 2020, la Deutsch-sprachige Gemeinschaft (DG) sera donc seule maître à son bord dans ces matières. Elle recevra une dotation de 6,8 millions d’euros – s’ajoutant à un budget de 427 millions d’euros – et une quinzaine de fonctionnaires. Le montant négocié est faible – de quoi financer une rénovation urbaine par an – et pourrait pousser la DG à réclamer le pouvoir fiscal dont, comme c’est le cas pour la Communauté française, elle ne dispose pas.

L’establishment germanophone jubile et la population semble d’accord à raison d’environ 70 %, selon une enquête d’opinion réalisée par l’ institut de sondage Forsa. Les voix sceptiques parmi les sociaux-chrétiens et les écologistes sont volontiers couvertes par les trémolos autonomistes des partis de la majorité gouvernementale tabouisant comme réactionnaire leur question pourtant pertinente dans le registre de la bonne gouvernance : le territoire de la DG (854 kilomètres carrés, 77 000 habitants) constitue-t-il la bonne échelle pour mener les politiques régionales jusqu’ici wallonnes ? Des menaces sur l’emploi sont même évoquées par le quotidien Grenz-Echo faisant état de pressions patronales : il faudrait simplifier les procédures pour éviter des délocalisations d’entreprises. Selon le ministre-président Oliver Paasch (ProDG), l’autogestion des permis de bâtir et des zonings industriels répondra bientôt à cette préoccupation. Mais la politique industrielle restera wallonne. En 2020, elle sera à peu près le dernier jalon du coq en terre germanophone.

La grande  » générosité  » notamment libérale qui prévaut à l’égard de la 4e Région en gestation accélérée s’inscrit clairement dans une stratégie qui dépasse celle-ci mais qui l’inclut dans une Belgique à quatre. Où est balayée l’aspiration d’une refédéralisation partielle réexprimée, cet été, entre autres, par des libéraux francophones et flamands. L’échelle nationale est plus efficiente pour gérer des matières au moins partiellement régionalisées comme la mobilité, l’énergie, le commerce extérieur et la santé, osent-ils avancer. Mais c’est la Belgique à quatre, aux politiques de plus en plus éparpillées, qui avance encore un peu plus selon un modèle fédéral censé contrer la vision flamande d’une Belgique confédéraliste à deux, cogérant Bruxelles. La 4e Région germanophone sauvegarderait, en quelque sorte, la Région de Bruxelles-Capitale dans la vision d’un hypothétique crépuscule institutionnel.

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