Un Soudanais du Darfour expulsé après le courrier du CGRA aurait été torturé à Khartoum
Comme le révèle Le Soir dans son édition de ce 26 décembre, Dirk Van den Bulck, commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, a envoyé le 24 octobre un courrier au secrétaire d’Etat à l’Immigration et l’Asile, Theo Francken (N-VA), expliquant le cadre de l’examen des demandes d’asile des Soudanais.
Dans ces deux pages, le chef du CGRA (compétent pour l’examen des demandes d’asile) y explique que « la situation générale dans la région du Darfour et la situation générale dans les Etats Sud-Kordofan et Nil Bleu donnent en principe droit à la protection subsidiaire (15c) en raison des conflits dans ces régions (situation de guerre) pour les demandeurs d’asile originaires de ces régions et pour lesquels une fuite interne n’est pas possible… »
La protection subsidiaire permet de protéger un étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié mais à l’égard duquel il y a de sérieux motifs de croire qu’un retour au pays l’exposerait à un risque réel. La « fuite interne » mentionnée est la possibilité de s’installer dans une autre région du pays, région sûre, où la loi est appliquée et où le demandeur peut se rendre sans prendre de risques supplémentaires. C’est au CGRA de prouver cette possibilité de fuite interne.
Dirk Van den Bulck distingue deux grandes catégories ethniques : les non-Arabes et les Arabes. Les personnes de la première catégorie sont reconnues comme réfugiées, les seconds peuvent bénéficier d’une protection subsidiaire s’ils sont originaires du Darfour, du Sud-Kordofan ou du Nil Bleu.
Avant la réception de ce courrier, une personne du Sud Kordofan avait été expulsée. Et deux semaines après avoir reçu ces informations, la Belgique renvoie un Soudanais provenant… du Darfour. Elle aurait pu profiter de la protection de l’Etat belge.
Un deuxième cas
Sans avocat, il est probable que cette personne n’a pas déposé de demande d’asile. Son cas n’aurait donc pas pu être examiné par l’administration centrale de l’Asile, mais comme le rappelle Myria (Centre fédéral Migration), « le principe d’interdiction de torture et de mauvais traitement consacré par l’article 3 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est un principe indérogeable et implique l’obligation de ne pas expulser une personne en question vers un pays à risques », et « cela vaut même si la personne n’a pas demandé l’asile ». L’Office des étrangers ou le cabinet Francken pouvaient-ils connaître l’origine du Soudanais expulsé ? Les observateurs de terrain constate que le peu de confiance des Soudanais envers les autorités rend le dialogue très difficile, mais comme le soulignait la semaine dernière Vanessa Saenen, du HCR (Haut- Commissariat aux Réfugiés) dans De Morgen, « le problème est qu’aucune recherche n’a été faite à l’avance comme dans une procédure normale ».
Ce ressortissant du Darfour avait reçu la visite des autorités soudanaises.
Son cas est-il isolé ? Le 24 novembre, le vol d’un Soudanais est empêché. Il a déposé in extremis une demande d’asile. Selon ses avocats, il provient du Darfour. Robin Bronlet, du cabinet Progress Lawyers Network, l’a visité vendredi dernier en centre fermé. « Il dit être né à deux heures et demi de Nyala (NDLR : capitale du Darfour du Sud). Il m’a montré son dos. Il présente des traces cicatrisées, comme des coups de fouets. » C’est un deuxième cas de Soudanais du Darfour qui était en cours d’expulsion.
Selon l’Institut Tahir, qui a dénoncé la torture et pression sur huit Soudanais renvoyés de Belgique. L’un d’ eux aurait été torturé lors d’un interrogatoire sur ses liens avec l’opposition au Darfour. « Certains des expulsés ont été détenus plus longtemps en fonction de leurs origines. Ceux du Darfour ou des Montagnes Nuba semblaient plus exposés à la violence et à une plus longue détention. » Soit exactement ce que prévoyait l’administration dans son courrier.
Au CGRA à présent d’enquêter sur des faits de torture que son courrier annonçait dès octobre.
Olivier Bailly
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