Pierre Schoffers
Un new deal européen
L’Europe doit faire de l’assainissement monétaire. Elle peut faire de la croissance. Et devenir la championne du monde de l’écologie. Tout en un !
Les avertissements des cassandres de l’euro n’ont peut-être pas été vains. L’effondrement de la monnaie unique ou son autodestruction dans une économie asphyxiée par l’indispensable réduction des dettes publiques et/ou la récession subséquente, n’auront – peut-être - pas lieu. Grâce à une France « hollandiste » qui infléchira la ligne dure de la dame de fer allemande ? La question ne se limite pas à un bras de fer politique intra-européen. La prise de conscience des risques liés aux déséquilibres actuels semble lentement faire évoluer les esprits. Le vent politique, avec la vague Hollande dans les voiles, a l’air de tourner.
Il y a quelques semaines encore, le fils du célèbre économiste américain Galbraith, inspirateur du new deal du président américain Roosevelt, dans les années 1930, pouvait déclarer, un oeil sur la Grèce et l’Espagne, que la « rigueur budgétaire suicidaire et sans fin » lui faisait redouter pour l’Europe « une explosion sociale, avec pour conséquence une nouvelle émigration européenne « . Cette semaine, des appréhensions analogues ont conduit quelques gros bras de l’establishement européen à dépasser la position des prophètes de malheur pour endosser résolument celle des prophètes de salut. Ils appellent l’Europe « à changer de logique » et demandent à la Commission européenne de renforcer sa coopération avec les Trésors nationaux et de développer des investissements dans des projets générateurs de croissance. Comment faire, comment les financer quand il n’y a plus d’argent public ? Jacques Attali, l’ancien collaborateur de François Mitterrand, Pascal Lamy, directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, Romano Prodi ex-n°1 européen et quelques autres deviennent très concrets : il faut faire de la « bonne dette ». Et de celle-ci un outil de croissance. Ah ? On propose aux investisseurs des « projects bonds » dirigés vers des secteurs porteurs et, donc, susceptibles de leur garantir des revenus futurs. Et on les rembourse avec un nouvel impôt. Un impôt fédéral qui prendrait la forme, par exemple, d’une taxe carbone ou d’une taxe sur les transactions financières. Les temps sont-ils mûrs ? Nécessité fait loi ?
C’est un grand tournant que l’Europe est appelée à négocier dès le sommet extraordinaire du 23 mai prochain. En s’engageant dans un plan de relance fédéral et vert, qui dirigerait spécifiquement les investissements à récolter via le mécanisme des « project bonds » vers des filières écologiques et des projets d’efficacité énergétique – pourquoi ne serait-elle pas, par exemple, le continent qui produit les voitures les plus propres de la planète ? – l’Europe pourrait sauver l’euro des 17 et la prospérité ainsi que les systèmes de sécurité sociale qui y sont liés? A-t-elle les ressources de ce new deal ? Saura-t-elle concrétiser « des systèmes d’imposition porteurs de visions à long terme » réclamés cette semaine par le célèbre Club de Rome ? Pour lui, l’indispensable élan politique devra, ni plus ni moins « éviter le naufrage de l’humanité ».
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