Un gouvernement De Croo jeune, féminin, diversifié, dynastique, surprenant et… fragile (analyse)
Le casting du gouvernement De Croo est à l’image du projet de la Vivaldi: conquérant et rafraichissant, mais hétéroclite. Il perpétue les dynasties De Croo et Michel. Le Premier ministre va avoir du boulot.
Le casting du gouvernement De Croo reflète parfaitement cette coalition née dans la douleur, qui veut donner une chance à la Belgique. C’est la composition d’un exécutif conquérant, sans aucun doute, et fidèle à ses convictions : il est paritaire pour la première fois, comporte des personnes d’origine étrangère et une ministre transgenre. Mais il risque de souffrir de tensions entre partenaires et d’une fougue préjudiciable.
Jeune
Plusieurs grands espoirs, plus ou moins neufs, de la politique belge font leur apparition dans ce casting qui n’hésite pas à miser sur le renouveau. Le PS fait ainsi monter Pierre-Yves Dermagne du gouvernement wallon au fédéral, il avait fait ses preuves lors de l’exécutif régional précédent et était appelé à monter en grade : le voilà vice-Premier. Thomas Dermine, qui est à la tête du services d’études du parti, l’institut Emile Vandervelde, devient secrétaire d’Etat à la Relance : ce surdoué s’était fait connaître en coordonnant le plan Catch pour favoriser la relance dans la région de Charleroi après le départ de Caterpillar et est un proche de Paul Magnette.
Le CD&V envoie au poste de vice-Première ( !) la néophyte Annelies Verlinden (42 ans), qui s’est d’abord fait connaître en étant très active dans les mouvements de jeunesse. Sammy Mahdi devrait briller au secrétariat d’Etat à l’asile et à la migration, un poste sensible avec la N-VA et le Vlaams Belang dans l’opposition. Ancien président des Jeunes CD&V, rival déçu du président Joachim Coens à la présidence, c’est une étoile montante en Flandre – avec son chien Pahmuk. On ne citera plus Vincent Van Quickenborne (vice-Premier Open VLD, Justice) parmi les jeunes pousses, mais c’est un puncheur qui a démarré lui aussi de façon précoce. Manque à l’appel : Kristof Calvo, jeune étoile et chef de file de Groen à la Chambre (33 ans), qui n’a pas été retenu après « un long débat » en interne. Dans la même catégorie, même s’il a 49 ans, on peut ranger Georges Gilkinet (Ecolo), vice-Premier Ecolo, omniprésent chef de file sortant à la Chambre.
Féminin
Pour la première fois, un gouvernement fédéral est complètement partiaire entre les hommes et les femmes. C’est aussi la première fois depuis la naissance du pays, constate un diplomate, que nous avons UNE ministre des Affaires étrangères, en la personne de l’ancienne Première ministre Sophie Wilmès (MR). Et pour la première fois aussi à la Défense, en la personne de Ludivine Dedonder (PS).
https://twitter.com/CharlesRandaxhe/status/1311392584770760704Charles Randaxhehttps://twitter.com/CharlesRandaxhe
Pendant 189 ans la Belgique a eu un Ministre des Affaires étrangères. Aujourd’hui notre pays en a une.
🇧🇪@BelgiumMFA— Charles Randaxhe (@CharlesRandaxhe) September 30, 2020
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Absolument tous les partis y contribuent ! Le PS envoie deux femmes (Ludivine Dendonder, donc, et Karine Lalieux aux Pensions et à l’Intégration sociale) sans oublier Eliane Tillieux pour présider la Chambre, le SP.A une (Meryame Kitir, qui s’était fait connaître pour son combat syndicaliste à Ford-Genk), le CD&V une (l’avocate peu connue Annelies Verlinden à l’Intérieur), le MR une (Sophie Wilmès bien sûr), l’Open VLD une en la personne d’Eva De Bleeker au secrétariat au Budget, Ecolo une (Zakia Khattabi) et Groen deux (Petra De Sutter et Tinne Van der Straeten).
Diversifié
Outre son caractère paritaire, le gouvernement est également fidèle à a conviction de cet arc-en-ciel amélioré en terme de diversité. Il y a deux ministres d’origine marocaine (Zakia Khattabi et Meryame Kitir) et un secrétaire d’Etat d’origine irakienne (Sammy Mahdi). Il y a aussi pour la première fois une ministre transgenre, en la personne de la Groen Petra De Sutter, née homme qui a entamé sa transformation en femme en 2004.
https://twitter.com/Himad/status/1311541807180906496Himad Messoudihttps://twitter.com/Himad
Et avec De Croo, Van Peteghem et Schlitz, il y a 3 descendant.e.s de personnalités politiques (via l’indispensable @Dynastiespol)
— Himad Messoudi (@Himad) October 1, 2020
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Dynastique
Le gouvernement De Croo pouruit la tradition dynastique qui s’enracine dans la politique belge. Le Premier ministre Alexander De Croo est le fils d’Herman De Croo. Outre Sophie wilmès et David Clarinval,, le MR envoie Mathieu Michel, fils de Louis et frère de Charles, à un secrétariat d’Etat (digital, numérique, simplification administrative…). Sarah Schlitz (Ecolo) est quant à elle la petite-fille d’un ancien bourgmestre socialiste de Liège (Henri Schlitz).
Surprenant
Deux revenants viennent apporter leur expérience à cette équipe relativement jeune, outre bien sûr le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD). Frank Vandenbroucke (SP.A, vice-Premier en charge de la Santé et des Affaires sociales) revient d’une longue parenthèse de dix ans. Son parcours est singulier : il avait dû démissionné du fédéral en 1995 en raison de l’affaire Agusta, a pris une première parenthèse universitaire à Oxford, est revenu au gouvernement flamand, puis est devenu un expert respecté en matières sociales.
Zakia Khattabi est une autre surprise du chef, même si son arrivée était pressentie depuis quelques jours. L’ancienne coprésidente Ecolo, qui hérite des matières climatiques, est un symbole, aussi : sa nomination à la Cour constitutionnelle avait été bloquée par une campagne haineuse de la N-VA à son égard. Le CD&V choisit aussi le renouveau après les retraits simultanés de Koen Geens et Pieter De Crem, en la personne de la peu connue Annelies Verlinden.
Fragile
Les équilibres entre les partis tiennent globalement compte des sensibilités des partis. Les socialistes, francophones et flamands, héritent de tout le volet social (Economie et Travail, Santé, Affaires sociales, Pensions…) et son président Paul Magnette se félicitait mercredi soir de l’importance de cette dimension dans le programme. Les écologistes misent forcément sur l’enjeu climatique (Mobilité, Climat et Environnement, Energie). Les libéraux reçoivent des fonctions régaliennes et des postes à grande visibilité : outre le Seize, les Affaires étrangères, la Justice et les Affaires institutionnelles. Le CD&V, esseulé, tire très bien son épingle du jeu avec l’Intérieur, les Finances et l’Asile et Migration: il fallait évidemment le convaincre de monter à bord.
Autre déséquilibre potentiel: entre francophones et Flamands. Le Nord du pays obtient les principales fonctions régaliennes (Premier ministre, Intérieur, Finances…) et des portefeuilles lourds, là aussi il s’agissait de compenser le côté minoritaire du gouvernement dans le groupe linguistique néerlandophone.
Si les paquets semblent relativement homogènes, cette composition assez classique risque de donner des bras de fer permanents entre les partis, chacun soucieux de défendre son pré carré dans un contexte budgétaire précaire. Les castings jeunes et parfois inexpérimentés (au CD&V, notamment) risquent aussi de donne lieu à des approximations. Et l’activité frénétique sur les réseaux sociaux de plusieurs ministres pourraient faire le reste.
Alexander De Croo risque d’avoir du boulot.
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