Un big bang politique, vraiment ?
Kris Peeters et Charles Michel préparent-ils » le gouvernement le plus à droite depuis 1830 » ? Certains en sont convaincus. D’autres estiment qu’une rupture radicale est impossible.
« Un gouvernement sans les socialistes, c’est une réforme de l’Etat en soi. » Signée Didier Reynders, la prophétie date de 2007. Elle aura mis sept ans à se réaliser. Mais elle aura fini par arriver. Conséquence : plusieurs dossiers socio-économiques sont appelés à connaître des réformes de taille : fiscalité, pensions, chômage, énergie, index… Sur toutes ces questions, la future coalition « Peeters-Michel » est susceptible de trancher par rapport à celles qui l’ont précédée. « Si on regarde l’histoire politique belge, ce sera indubitablement le gouvernement le plus à droite qu’on ait jamais eu depuis l’indépendance du pays en 1830 », affirme Pascal Delwit, professeur de sciences politiques à l’ULB. Celui-ci pointe deux facteurs décisifs : l’absence du CDH et la faiblesse de l’aile gauche du CD&V (les principaux négociateurs délégués par les chrétiens-démocrates flamands – Kris Peeters, Wouter Beke et Koen Geens – proviennent tous trois de l’aile droite du parti). « Dans les années 1920 et 1930, la Belgique a connu des gouvernements marqués par une forte tonalité à droite, reprend Delwit. Mais à l’époque, leur composante démocrate-chrétienne constituait un important contrepoids. Ce ne sera pas le cas au cours de la prochaine législature. »
Alors, en avant la rupture ? C’est loin d’être acquis. Jusqu’ici, N-VA, MR, CD&V et Open VLD ne semblent guère enclins à déclencher un big bang. Réduire les effectifs dans la fonction publique, diminuer les charges patronales afin de stimuler la croissance économique, rendre le recours aux prépensions moins systématique, renforcer les sanctions contre les délinquants, mener une politique d’immigration plus restrictive… A maints égards, la coalition suédoise s’annonce en fait comme la continuité des gouvernements Leterme, Van Rompuy et Di Rupo. « Rompre, cela voudrait dire abandonner une partie importante des projets développés ces dernières années, analyse un fin connaisseur du monde politique belge. Or je ne suis pas sûr qu’on va détricoter grand-chose. Prenez la baisse des cotisations sociales et l’accent mis sur la compétitivité des entreprises : cela fait belle lurette qu’on s’inscrit dans cette logique-là. A vrai dire, le prochain gouvernement restera dans un cadre éprouvé, avec une probable inflexion à droite, mais sans réelle rupture. »
Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Liège, reconnu pour son indépendance d’esprit, Christian Behrendt relativise lui aussi. « Je ne vois pas de rupture à l’horizon. Tout juste des accents un peu différents sur telle ou telle question. En soi, c’est plutôt rassurant. Si le fait que la N-VA ou le PS soit au gouvernement ne changeait rien, ça voudrait dire qu’on vit dans une technocratie et que les acteurs politiques n’ont aucun impact sur la voie suivie par le pays. Seuls les extrêmes représenteraient encore une alternative. »
Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. :
- 2 virages nets possibles : l’instauration d’un service minimum et le fait d’ôter aux organisations syndicales l’une de leurs principales prérogatives, le versement des allocations de chômage
- – « la rupture », davantage dans le discours que dans les actes ?
- – l’arrivée des indépendantistes flamands au pouvoir fédéral et la faible présence francophone au sein du gouvernement : de quoi allumer le front communautaire, malgré tout ?
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