Un an de gouvernement wallon: bienvenue au pays merveilleux (commentaire)
Après un an d’exercice, le gouvernement Di Rupo vu par Nicolas De Decker.
Il était une fois un pays merveilleux, dont les habitants s’égaillaient dans des jeux infinis, colorés, dessinés d’une ligne claire. C’était un pays si rare qu’il n’en existait presque plus de pareil en Europe. Un pays où la gauche était encore irréductible, où elle rassemblait encore 55 % des suffrages au dernier scrutin, là où, partout ailleurs, l’idéologie de la start-up et les guerres culturelles l’avaient rabougrie. Partout ailleurs la gauche était ridicule, incomprise, ringarde. Mais dans ce pays merveilleux, elle avait gardé un bia bouquet de fierté dans sa longue chevelure indomptable, et elle osait même défier l’ordre mondial qu’imposait le capitalisme triomphant.
Un pays autrefois si prospère qu’on y forgeait presque tout l’acier du monde, et aujourd’hui si ambitieux qu’on voulait y refonder le socialisme démocratique.
Ce pays merveilleux, c’était la Wallonie.
Un pays autrefois si prospère qu’on y forgeait presque tout l’acier du monde, et aujourd’hui si ambitieux qu’on voulait y refonder le socialisme démocratique.
Dans ce pays, lorsqu’une multinationale américaine décidait de faire fermer une usine, mettant trois mille ouvriers au chômage, on ne se laissait pas faire.
Ah ça non.
Les consultants consultèrent
On prenait possession du terrain et de l’usine, qui valaient cent bons millions, et on se promettait de vite remplir cette usine vide de plein d’ouvriers bien payés, au moins trois mille pour qu’on n’y perde rien et surtout pas la dignité.
Et on engageait des consultants, enfin on les payait mais on ne les engageait pas, car il fallait donner une réponse agile qui évite les rigidités contractuelles pour pouvoir doter ce pays si merveilleux d’industries innovantes.
Et pendant quatre ans les consultants consultèrent agilement, si agilement que des Chinois avaient failli venir remplir l’usine vide de plein d’ouvriers bien payés, mais qu’ils n’étaient pas venus, mais ce n’était pas grave, parce que la Wallonie devait opter résolument pour la réindustrialisation et la relocalisation de notre appareil productif, d’ailleurs-la-crise-du-coronavirus-l’a-encore-démontré.
Et alors le courageux gouvernement de ce merveilleux pays lança un plan ambitieux comme on n’en avait jamais vu, qui s’appelait Get Up Wallonia ! et qui consistait à faire les mêmes choses qu’avant mais avec un autre nom anglais qu’avant, et dont il confia la mise en oeuvre à une des quatre plus grandes boîtes de consultance de l’univers, une multinationale anglaise dont le chiffre d’affaires s’élevait à 42 milliards de dollars en 2019 et qui ne voulait que le bien de ce merveilleux pays et de ses irréductibles gauchers.
Plein de grands jouets jaunes
Et pendant ce temps, les consultants continuaient à consulter agilement pour remplir de plein d’ouvriers cette usine vide de ce pays si merveilleux, jusqu’au jour où ils découvrirent un merveilleux trésor. Une multinationale anglaise dont le chiffre d’affaires s’élevait à deux milliards d’euros en 2019 proposait que l’on rase cette usine vide pour y construire à la place tout plein de grands jouets jaunes pour qu’y jouent tout plein de touristes flamands, et peut-être même aussi des français, pour qu’à la place de trois mille ouvriers bien payés, huit cents saisonniers puissent un peu y travailler, en échange de quoi elle ne demandait que deux cents millions d’argent des impôts que payaient les anciens ouvriers, et au fond ce n’était pas si cher payé pour lutter contre le capitalisme triomphant, pour la relocalisation de notre appareil productif et, surtout, pour notre dignité.
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