Transparence des cabinets : de la parole aux actes ?
Rendre la composition des cabinets ministériels plus transparente : certains députés y travaillent, mais se heurtent à des résistances. Inventaire des propositions à suivre.
Les événements tournant autour de Publifin et de Paul Furlan (PS) montrent à quel point la transparence des cabinets ministériels est primordiale en démocratie. C‘était l’objet du dossier de couverture du Vif/L’Express du 13 janvier. Avec Cumuleo.be, nous avions demandé aux ministres des différents niveaux de pouvoir du pays de nous fournir la composition de leur cabinet, y compris les conseillers qui les avaient quittés depuis le début de la législature. Outre le test, le but de la manoeuvre est de pouvoir déceler d’éventuels conflits d’intérêts. Le résultat de notre enquête s’est révélé très disparate, voire plutôt décevant, tant les résistances sont encore nombreuses chez nos ministres lorsqu’il s’agit de scruter leur entourage stratégique.
En Belgique, il existe des obligations légales en matière de transparence, mais elles ne sont pas très contraignantes. La principale consiste, depuis les lois de 1995 et 2004, à déposer une liste de ses mandats et une déclaration de patrimoine auprès de la Cour des comptes. Cela concerne notamment les ministres, leur chef de cabinet et chefs de cabinet adjoints, les parlementaires, les gouverneurs et députés provinciaux, les bourgmestres et échevins, les présidents de CPAS ou encore les administrateurs d’intercommunales. Si la liste des mandats est publiée au Moniteur belge, le patrimoine, lui, ne l’est pas, contrairement à plusieurs pays voisins (France, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Italie, Espagne, pays scandinaves).
Il y a deux ans, Marco Van Hees et Raoul Hedebouw (PTB) ont déposé une proposition de loi visant à rendre publique la déclaration de patrimoine de tous les mandataires visés par la loi de 1995, ainsi que le recommande le Greco, l’organe du Conseil de l’Europe, qui lutte contre la corruption. Actuellement, cette déclaration est remise à la Cour des comptes sous enveloppe scellée qui ne peut être ouverte qu’en cas d’enquête judiciaire. La proposition PTB n’aboutira vraisemblablement pas, vu la mentalité des politiques belges, très susceptibles en matière de respect de la vie privée…
Deux autres textes, déposés à la Chambre, ont davantage de chance d’être adoptés d’ici à la fin de la législature. Il s’agit des propositions du député N-VA Brecht Vermeulen, qui veut élargir l’obligation de déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine à tous les conseillers de cabinet ministériel (donc plus seulement les chefs de cab.), y compris les experts permanents ou chargés d’une mission particulière. L’un des deux textes, déposé en juin 2015, concerne les Régions et Communautés pour lesquelles il faut voter une loi spéciale, avec majorité des deux tiers et de chaque groupe linguistique. Le second texte vise les cabinets fédéraux. Il date du 12 janvier 2017.
Politiquement sensible
Curieux d’avoir attendu si longtemps pour le fédéral, car cette proposition avait déjà été votée au Sénat puis envoyée à la Chambre, sous la précédente législature par des députés N-VA, dont Liesbeth Homans. Mais elle n’avait pu être adoptée à temps par la Chambre et était devenue caduque. » Je ne l’ai pas redéposée plus tôt, expose le député Vermeulen, à cause de l’affaire du chef de cabinet du ministre Van Overtveldt (NDLR : lequel, après avoir quitté le cabinet, avait ouvert un bureau d’avocats pour défendre les multinationales contre l’Etat belge, dans le dossier des excess profit rulings). Je ne voulais pas que l’on croie que ma proposition était liée à cela, car ce n’était pas le cas. » Politiquement sensible, donc. Aujourd’hui, l’élu N-VA se dit persuadé que ses propositions iront jusqu’au bout du processus parlementaire.
Un audit des ministres
Si la déclaration de mandats est une avancée, elle ne règle pas tout. Au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Françoise Bertieaux (MR) l’a bien compris, qui a introduit une proposition de décret, en mai dernier, instaurant la transparence pour la composition des cabinets. L’idée est d’obliger le gouvernement à remettre, chaque année, au parlement un rapport reprenant les noms des membres des cabinets, leur date d’arrivée et de départ éventuel, leur temps de travail, leur fonction, statut (engagé ou détaché) et une description de leurs tâches.
» Jusqu’ici, les partis de la majorité ont fait semblant que cette proposition n’existait pas, mais, avec le scandale Publifin, cela va sans doute changer « , sourit la députée libérale, confiante dans la constitutionnalité de son texte. En effet, le Conseil d’Etat avait recalé une proposition semblable, introduite en 2004 par Marcel Cheron (Ecolo) après l’histoire de la douche de Marie Arena (PS), arguant que le fonctionnement des cabinets était réglé par l’exécutif. » Ici, il s’agit d’un audit par le parlement, souligne Françoise Bertieaux. Cela ne devrait pas poser problème. »
Et à la Région wallonne ? En mai 2015 – in tempore non suspecto donc -, le député Stéphane Hazée (Ecolo) avait interrogé le ministre-président sur la transparence des cabinets, à la suite des propositions formulées en la matière par le Groupe du vendredi (lire Le Vif/L’Express du 13 janvier). » Je trouve regrettable que cela contribue à donner le sentiment que les cabinets sont un monde obscur qui ne serait pas complètement à l’abri des conflits d’intérêts « , avait répondu sérieusement Paul Magnette (PS), en commentant la proposition. Il avait ensuite expliqué que l’exécutif wallon n’avait pas à rougir en matière de transparence, car il existait notamment » un organisme permanent et autonome chargé d’assurer le suivi administratif et budgétaire des cabinets « . A savoir : le Sepac.
Pour tout engagement d’un conseiller, ce secrétariat est chargé, entre autres missions, de fournir une liste des mandats rémunérés publics et privés de l’intéressé au ministre concerné. La procédure est la même au sein de la Fédération. Visiblement, cela n’a pas fonctionné pour Claude Parmentier, le chef de cabinet adjoint démissionnaire de Paul Furlan et administrateur de Publifin. Tout comme pour Philippe Buelen, le chef de cabinet du vice-président du gouvernement wallon Maxime Prévot (CDH), qui a démissionné de plusieurs mandats rémunérés. Quant à l’autonomie du Sepac, lorsque nous l’avons contacté, nous avons été redirigés illico vers le cabinet Magnette, qui le chapeaute…
Le constat est le même pour la cellule de contrôle des mandats qui, dépendant du ministère des Pouvoirs locaux, reçoit et vérifie la liste des mandats et rémunérations des élus locaux. Ici non plus, le contrôle n’a pas fonctionné pour Parmentier. » Cette cellule n’a plus déposé de rapport d’activités au parlement depuis 2010 « , déplore Stéphane Hazée qui rappelle que celle-ci était censée être remplacée par la Commission de déontologie, relevant du parlement et créée par une loi (de janvier 2014) jamais appliquée dans le sud du pays. Quoiqu’en dise Paul Magnette, il reste tout à faire en Wallonie en matière de transparence des cabinets.
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