Transfert de condamnés iraniens : transfèrement d’Assadi bloqué par la justice
La cour d’appel de Bruxelles a provisoirement interdit à l’État belge, par une ordonnance rendue ce vendredi soir, « de faire procéder, par quelque moyen que ce soit, au transfèrement de M. Assadollah Assadi ».
Plusieurs personnes, parmi lesquelles des victimes qui s’étaient constituées partie civile au procès d’Assadollah Assadi, ainsi que le Conseil National de la Résistance Iranienne (CNRI), ont saisi en urgence la justice, immédiatement après le vote à la Chambre, mercredi, du traité belgo-iranien sur l’échange de détenus. Après avoir été déboutés par le tribunal de première instance de Bruxelles jeudi, les demandeurs, représentés notamment par Me Georges-Henri Beauthier et Me François Tulkens, ont obtenu gain de cause vendredi en appel.
La cour « ordonne qu’il soit provisoirement fait interdiction à l’État belge, sous peine d’astreinte de 500.000 euros, de faire procéder, par quelque moyen que ce soit, au transfèrement de M. Assadollah Assadi, né en Iran le 22 décembre 1971 et définitivement condamné le 4 février 2021 par le tribunal correctionnel d’Anvers, depuis la prison belge où il purge une peine de 20 ans de prison, vers quelque État étranger que ce soit, et notamment mais pas exclusivement vers la République islamique d’Iran ».
La cour a notamment relevé que les droits des demandeurs « pourraient être violés de façon irrémédiable en cas de remise de M. Assadi aux autorités iraniennes et ce, sans qu’aucun débat contradictoire ait pu se tenir ». L’interdiction prononcée vaut donc « jusqu’à ce qu’un débat contradictoire puisse se tenir ». Les demandeurs doivent, dans les 24 heures, citer l’État belge à comparaître devant le président du tribunal de première instance francophone de Bruxelles en vue d’un tel débat.
Le traité bloqué ?
Cette décision bloquerait donc le traité belgo-iranien sur le transfèrement de condamnés ratifié par la Chambre mercredi et vivement critiqué. La Chambre a en effet approuvé mercredi en séance plénière le projet de loi portant assentiment à trois traités organisant le transfèrement de personnes condamnées, avec l’Inde, les Émirats arabes unis et l’Iran. Les deux premiers traités ont été adoptés à l’unanimité.
Le troisième, signé le 11 mars dernier, est controversé. Une fois ratifié par les deux parties, le traité ouvrirait la porte à un échange de prisonniers, d‘un côté le diplomate iranien Assadolah Assadi, condamné en 2021 en Belgique à 20 ans de prison pour un projet d’attentat en France, et de l’autre, Olivier Vandecasteele, travailleur humanitaire arrêté en février en Iran pour un motif fallacieux, selon les autorités belges, et emprisonné dans des conditions très difficiles.
L’opposition iranienne manifeste depuis plusieurs semaines à Bruxelles contre ce texte. Mardi, des actions de protestation ont aussi eu lieu devant les ambassades ou consulats de Belgique à Londres, Berlin, Paris, Stockholm, Vienne, Copenhague, Genève, Amsterdam, Washington, Toronto, Ottawa, Vancouver, Sydney ou encore Melbourne, a-t-elle fait savoir.
À la Chambre, dans l’opposition, les Engagés, DéFI, la N-VA et le Vlaams Belang avaient appelé à le rejeter, car son approbation signifierait que la Belgique cède au chantage de l’Iran, adepte de la « diplomatie des otages », et offrirait une forme de refuge en Europe aux agents iraniens. Georges Dallemagne (Les Engagés) a de nouveau critiqué un « texte de libération de terroristes ». « La signature et l’approbation de ce traité sera une erreur, une faute », a renchéri François De Smet (DéFI).
Le texte suscite aussi le malaise chez certains élus de la majorité, y compris au sein du MR, parti qui a nommé la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib. Le député Denis Ducarme n’a pas participé au vote, qu’il a qualifié de contraire à sa conscience. Cette absence est toutefois insuffisante pour faire basculer le résultat final du vote. Le projet de loi portant sur la ratification d’un traité entre la Belgique et l’Iran au sujet de l’échange de détenus, a été approuvé à une large majorité, par 79 voix pour, 41 contre, et onze abstentions, mercredi soir à la Chambre. Les Engagés, DéFI, la N-VA et le Vlaams Belang ont voté contre. Le PTB s’est abstenu.
Défendu par le gouvernement
Défendu par le gouvernement, qui l’a présenté comme le seul moyen de faire libérer un travailleur humanitaire belge, otage en Iran depuis cinq mois, le texte avait déjà été approuvé en commission parlementaire le 6 juillet.
Lors de la discussion générale mardi, Mme Lahbib a elle aussi défendu le texte. Les services de renseignement soutiennent la ratification de ce traité car il favorisera, selon eux, la sécurité des Belges dans la région, a-t-elle indiqué. Dans les négociations qui ont mené à la conclusion du traité, il n’a toutefois jamais été question de cas individuels, a-t-elle encore assuré.
L’ambassadeur d’Iran en Belgique a été convoqué pas moins de cinq fois -une première dans l’histoire de la diplomatie belge-, l’ambassade belge à Téhéran a accompli des démarches à sept reprises à l’égard des autorités iraniennes, le Premier ministre, Alexander De Croo, et la prédécesseure de Mme Lahbib, Sophie Wilmès, ont eu des entretiens avec leurs homologues et réclamé la libération du citoyen belge et l’amélioration de ses conditions de détention. « On pourrait hausser le ton mais ce serait un peu crier dans le désert », a fait remarquer Mme Lahbib.
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