Pierre Havaux

Tout n’est pas bon dans le Jambon

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Il a fait fort,  » sterke Jan  » Jambon. Il en avait une bien bonne à raconter : il était une fois une famille de demandeurs d’asile qui pouvait se payer en Flandre une maison grâce aux allocations familiales perçues rétroactivement lorsque leur fut octroyé le statut de réfugiés.

Plus conte de Noël que ça, tu meurs. Tellement beau pour être vrai que le ténor N-VA avait tenu à le partager au hasard de l’une ou l’autre de ses récentes sorties. Voyez-vous ça : des migrants font leur beurre sur le dos de la sécu financée par d’hardwerkende Vlamingen. Et si c’est le chef du gouvernement flamand qui le dit, c’est encore mieux.

Sauf que dévoilé par le quotidien De Tijd à l’heure de boucler 2019, le ouï-dire, vérification faite, a viré au cas de figure extrêmement peu probable et donc à la simple allégation. Soit, a rétorqué le colporteur de cette histoire, mais tout n’est que question de principe. Et le principe veut qu’il soit mis fin à la rétroactivité, réelle celle-là, des allocations familiales, à cet accès de générosité introduit en Flandre par la suédoise à la flamande (N-VA – Open VLD – CD&V) que dirigeait le N-VA Geert Bourgeois et qu’entend supprimer la nouvelle suédoise à la flamande présidée par le N-VA Jan Jambon.

A quel triste niveau avons-nous atterri en Flandre pour que son ministre-pru0026#xE9;sident contribue avec insouciance u0026#xE0; l’image de migrants profiteurs ?

Tout de même, balancer pour la cause une infox sur un air de force tranquille… Diablement effi- cace pour frapper les esprits, captiver les réseaux sociaux et faire couler l’encre des journaux. Idéal pour alimenter défiance et xénophobie. Culotté s’il s’agit de conforter l’image d’un fauteur de troubles placé à la tête d’un gouvernement et de plomber l’ambiance au sein de sa majorité. C’est le partenaire libéral qui a le moins apprécié le racontar, ravalé par sa présidente Gwendolyn Rutten au rang de  » légende urbaine d’extrême droite  » avec, à la clé, ce message bien senti :  » Si la N-VA veut former un gouvernement minoritaire avec le Vlaams Belang, qu’elle le fasse.  » Ce n’est pas l’envie qui manque, s’il faut en croire l’intarissable Jan Jambon confessant, en prime, qu’entamer des négociations gouvernementales avec le Vlaams Belang et son président Tom Van Grieken,  » un-homme-avec-qui-on-peut-parler « , lui aurait bien plu.

Aux médias qui ne le lâchent plus, le toujours  » sterke Jan  » ne va pas jusqu’à s’excuser (de quoi ? ) mais appelle à un nouveau départ. Conscient que l’incident risque de le poursuivre, que le clash avec l’Open VLD laissera des traces (jusqu’au fédéral ? ), qu’il va falloir beaucoup bosser pour faire oublier la mise en jambe chaotique de ce que le politologue en vue Carl Devos (UGent) réduit à une coalition de  » losers « . Qu’il va aussi falloir dissiper le lourd soupçon qui a saisi l’éditorialiste du Standaard, tiraillé entre l’hypothèse de l’erreur de casting N-VA aux manettes du gouvernement flamand et le scénario du fidèle exécutant d’un plan machiavélique qui tablerait sur une croissance du Vlaams Belang pour peu qu’elle ne se fasse pas trop aux dépens de la N-VA, afin d’ accoucher d’une droite assez puissante en Flandre pour bloquer la Belgique.  » Rien de ce que Jan Jambon dit ou fait ne contredit cette dernière possibilité « , constatait Bart Sturtewagen, affligé par la morale de cette histoire :  » A quel triste niveau avons-nous atterri en Flandre pour que son ministre-président contribue avec insouciance à l’image de migrants profiteurs ?  » Au niveau requis pour que l’extrême droite puisse décoller, pardi.

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