Test Achats met la grande distribution sous pression
L’association de défense des consommateurs vient de sommer Colruyt, Delhaize et Carrefour de respecter enfin la législation sur l’étiquetage du pays d’origine des fruits et légumes. Les enseignes sont priées de cesser leurs promesses « non vérifiables » ou « inexactes ».
« Au moment où le consommateur souhaite consommer plus local, favoriser les circuits courts et de proximité, soutenir les producteurs locaux, il n’est pas acceptable de faire des promesses soit non vérifiables (information non disponible) soit inexactes, au risque de se livrer à du greenwashing. »
L’étude de Pierre Ozer (ULiège), dévoilée par Le Vif le 25 mars, a suscité l’ire de Test Achats, qui vient d’envoyer un courrier salé aux leaders de la grande distribution en Belgique. L’association de défense des consommateurs réclame, depuis quatre ans déjà – et en vain -, que la législation sur l’étiquetage des aliments soit enfin respectée par Colruyt, Delhaize et Carrefour, en particulier sur leurs sites de vente en ligne.
Pour rappel, l’étude du chercheur liégeois réalisée entre septembre 2020 et mars 2021 s’est penchée sur l’origine de la viande (boeuf, porc, veau, agneau) et des fruits et légumes non transformés, vendus par les trois géants sur leur plateforme d’e-commerce. L’origine est-elle déclarée, comme la législation l’exige? Et, si oui, ces produits sont-ils belges, comme annoncé? Delhaize, par exemple, ne déclare aucune information sur l’origine des fruits et légumes et Colruyt seulement dans 30% des cas. Côté viande, Carrefour se distingue en labellisant « belge » du boeuf irlandais, du porc espagnol et de l’agneau britannique ou néo-zélandais.
A défaut de mise en ordre sous quinze jours, nous envisagerons d’autres types d’actions pour les contraindre à respecter leurs obligations légales.
« Déjà en avril 2017, nous vous adressions un courrier officiel pour vous faire part de nos constats préoccupants quant à l’absence de liste d’ingrédients consultable pour une série de produits mis en vente sur votre e-shop, écrivent Julie Frère et Jean-Philippe Ducart aux trois distributeurs. Force est de constater que, près de quatre ans plus tard, vous ne remplissez toujours pas vos obligations générales d’information sur votre plateforme d’e-commerce. » D’autant que les achats en ligne ont explosé depuis le début de la pandémie. « Fournir une information correcte et complète au consommateur […] est dès lors plus important que jamais », insistent les porte-parole de Test Achats. Qui en rajoutent une couche pour Delhaize et Carrefour: « L’étude met en lumière un deuxième aspect problématique: la discordance entre vos propos quant à l’origine des produits que vous vendez et celle réellement relevée par M. Ozer. »
En effet, dans sa communication, l’enseigne au lion annonce qu’au moins 90% de la viande vendue par Delhaize est d’origine belge, or seuls 65,5% du boeuf et 80,5% du porc proposés en ligne le sont. Idem chez Carrefour, dont la campagne « Act for Food » indique que 95% de son boeuf est d’origine belge, alors que ce ne sont en réalité que 55,8%. Julie Frère, porte-parole de l’association, nous fait part de sa détermination: « Test Achats a toujours privilégié le dialogue lorsque les législations qui protègent les consommateurs ne sont pas respectées. Ces lettres adressées aux trois distributeurs réclament un planning de mise en ordre sous quinze jours, à défaut de quoi nous envisagerons d’autres types d’actions pour les contraindre à respecter leurs obligations légales. » Ces « autres types d’actions » pourraient être, par exemple, des mises en demeure envoyées par un avocat, des plaintes formelles auprès du SPF Economie, voire des actions judiciaires. En Allemagne, le Test Achats local (VZBV) a gagné en justice, en 2018, contre le détaillant en ligne Bringmeister pour non-respect de l’étiquetage obligatoire et, l’an dernier, l’association Foodwatch a fait plier le géant Amazon Fresh précisément sur la non-mention du pays d’origine des fruits et légumes frais.
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Au SPF Economie, on rappelle que « cette problématique est bien connue et fait l’objet d’une attention particulière de la part de l’Inspection économique. De nombreux contrôles sont réalisés chaque année – et le seront encore – et des sanctions sont régulièrement infligées. Elles peuvent aller d’un avertissement avec demande de mise en règle jusqu’à une amende de 80 000 euros ». Le secteur de l’affichage en matière de fruits et légumes constitue près de 40% des PV qui ont été dressés en 2019 par l’Inspection économique. Qui demande aux consommateurs de signaler les pratiques potentiellement trompeuses via le site pointdecontact.belgique.be. Chez Pierre-Yves Dermagne (PS), vice-Premier et ministre de l’Economie et du Travail, on nous dit préparer un guide à destination des entreprises souhaitant communiquer de manière correcte et loyale sur les impacts environnementaux de leurs produits: « Nous souhaitons lutter activement contre le greenwashing afin de donner aux consommateurs les moyens de faire des choix durables pour l’environnement », insiste son porte-parole.
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