Peter Mertens
« Suite au ‘tax shift’, l’énergie en Belgique sera plus chère que dans tous les pays voisins »
« Il était essentiel de protéger le pouvoir d’achat des citoyens au moment où le coût de l’énergie constitue une lourde charge financière dans le budget des ménages », écrivait Charles Michel en 2013.
Sous la forte pression d’en bas, et juste avant les élections, le gouvernement avait alors décidé de baisser le taux de TVA sur l’électricité de 21 à 6%. Charles Michel, président du MR, avait alors fait poster un visuel sur les médias sociaux. À côté de son propre portrait figurait en toutes lettres : « La TVA sur l’électricité baisse de 21 % à 6 %. Promesse tenue ! » C’était donc en 2013.
On pouvait se dire qu’il n’y avait aucune raison que cela change puisque, à l’issue des élections de 2014, c’est ce même Charles Michel qui est devenu Premier ministre du pays. En outre, son principal partenaire de coalition, la N-VA, n’avait rien prétendu d’autre durant la campagne électorale : « Il n’y aura pas d’augmentation de la TVA », avait promis Bart De Wever lors de chaque débat électoral. Mais voilà, pas même un an plus tard, toutes ces promesses ont volé à la poubelle. La TVA sur l’électricité repasse à 21%, et ce sont les citoyens qui doivent décaisser. Et, aujourd’hui, on apprend que les libéraux et les nationalistes n’avaient jamais eu l’intention de faire autrement… « Avec 21 % de TVA sur l’électricité, nous réparons une grossière erreur du passé », a osé déclarer sans rougir Hendrik Vuye, chef de groupe N-VA à la Chambre.
Le tax lift : de 716 euros à au moins 833 euros d’électricité
Quatre Belges sur cinq sont opposés à l’augmentation de la TVA sur l’électricité, révèle une enquête de Profacts. Et il y a de quoi, l’augmentation de la TVA à 21 % va coûter 117 euros en plus par ménage. La facture passera de 716 euros à 833 euros. En Flandre, viennent même s’ajouter 62 euros de « taxe Turtelboom » (voir plus loin), 101 euros vu la suppression de la part d’électricité gratuite, 15 euros de la prise en compte de l’impôt sur les sociétés des fournisseurs, … Un ménage flamand qui, aujourd’hui, paie une facture d’électricité de 716 euros va devoir d’ici peu débourser 1 012 euros pour la même consommation.
C’était compter sans les tours de passe-passe de nos ministres. « Le tax shift se mue en tax cut (réduction de taxe) », tweetait le ministre des Finances Van Overtveldt (N-VA) après l’accord sur le tax shift, fin juillet. Faire passer une hausse de prix de 40% pour un tax cut, qui dit mieux ? Le ministre Koen Geens (CD&V) ! Lui, il a tweeté : « Accord sur un tax shift équitable qui augmente le pouvoir d’achat. » Présenter une hausse de prix de 40% comme une mesure équitable et qui accroît le pouvoir d’achat ! Qui dit mieux encore ? Le ministre Didier Reynders (MR) ! Lui, il a annoncé sur Tweeter : « Nous voulons préserver le pouvoir d’achat des revenus les plus modestes. » Alors que dans le monde réel, la pauvreté énergétique augmente de jour en jour !
L’énergie en Belgique, plus chère que dans tous les pays voisins
La ministre flamande de l’Énergie prétendait récemment que les hausses de prix prévues pour les ménages étaient « applicables et gérables » au mieux, en raison des prix « historiquement bas » de l’énergie. Quels prix historiquement bas de l’énergie ? Une récente étude de la CREG, l’organisme officiel de contrôle de l’énergie, montre que, depuis la libéralisation, le prix moyen de l’électricité pour les ménages belges a augmenté d’un quart. Dans la période 2007-2014, ils ont augmenté de 26,5 %, pour les ménages, soit en moyenne 114 euros de plus par an. Les prix un peu plus bas de l’énergie et la diminution de la TVA de 2013 ont été complètement balayés par le doublement des tarifs de distribution et autres coûts de l’énergie verte.
Aujourd’hui, à ces 26,5 % des années précédentes, vient donc encore s’ajouter une augmentation de prix « applicable et gérable » d’au moins 40%. La ministre flamande de l’Énergie Turtelboom donne l’exemple elle-même avec une nouvelle taxe sur l’énergie, déjà baptisée en Flandre la « Turteltaks ». La ministre peut certes prétendre que « l’impact sur les ménages est limité », mais c’est en réalité tout le contraire. Avec l’augmentation de la TVA et les autres hausses prévues, l’énergie en Belgique devient plus chère que dans tous nos pays voisins. Plus chère même que la championne des prix, l’Allemagne.
Une campagne de six années et 225 000 signatures pour une baisse de la TVA
En juin 2008, nous lancions notre campagne pour ramener la TVA sur le gaz et l’électricité de 21 à 6 %. Une campagne de longue haleine, avec des milliers et des milliers de discussions menées sur les marchés, dans les cafeterias des clubs de foot et autres lieux. Autant le soutien de la base a été impressionnant, autant celui de la classe politique a été minime. Le CD&V a toujours été opposé à cette réduction de la TVA. Mais il a également aussi fallu convaincre Johan Vande Lanotte (sp.a)- à l’époque ministre de l’Energie – de la faisabilité de la mesure. Cela s’est effectué via 12 000 mails de militants qui ont envoyé au ministre un extrait de la législation européenne sur la TVA, qui stipulait qu’une baisse de la TVA était bel et bien autorisée par l’Europe. Selon Groen, 6 % de TVA était même « pervers » et « absurde ». Mais nous avons persévéré ; nous avons manifesté devant le quartier général d’Electrabel, nous avons inondé de mails les présidents de partis, nous sommes allés au 16 rue de la Loi, à l’heure du café, remettre nos pétitions à un Premier ministre Leterme glacial, nous avons même projeté au coeur de la nuit le message lumineux des 6 % sur les tours de refroidissement de plusieurs centrales nucléaires. De plus, Test-Achats, le Boerenbond, le KWB (pendant néerlandophone du MOC, NdlR) et les syndicats se sont rangés derrière cette revendication. Nous avons collecté pas moins de 225 000 signatures.
Finalement, le gouvernement n’a plus pu faire la sourde oreille et, en 2013, il a dû ramener à 6 % la TVA sur l’électricité. Mais le gouvernement actuel a mis fin à cela cet été, en raison de son soi-disant « glissement fiscal », le tax shift – qui n’est en fait rien d’autre qu’un « tax lift » pour les simples ménages.
21% de TVA sur l’électricité, soit le même tarif que celui du caviar
Il faut ne faut pas l’oublier : 21% de TVA est le taux appliqué aux produits et luxe et 6% est celui appliqué aux produits de première nécessité, ceux considérés comme « besoins vitaux ». Il est absurde que ce gouvernement applique au chauffage et à l’éclairage le taux réservé aux produits de luxe, soit le même tarif que celui du caviar, par exemple.
En outre, l’électricité pèse bien plus lourd sur le budget des familles pauvres que sur celui des familles riches. Les chiffres du SPF Économie montrent que les ménages les plus riches dépensent à peine 5% de leur budget pour leur facture d’énergie, alors que chez les ménages les plus pauvres, cela va jusqu’à 19%, c’est-à-dire qu’un cinquième du revenu est consacré à l’énergie. La facture d’énergie est de ce fait une lourde charge mensuelle, et le nombre de fermetures de compteurs pour factures impayées ne cesse d’augmenter. Il ressort de la grande Enquête sur les budgets des ménage de 2010 que, dans notre pays, environ 750 000 ménages (soit environ 1 sur 7) doivent faire face à la pauvreté énergétique – c’est-à-dire qu’ils ont des difficultés à chauffer correctement leur habitation. Et cela, c’était il y a quatre ans.
Il n’y a cependant pas que les familles les plus pauvres qui vont sentir passer l’augmentation de 40%. Tous les ménages de travailleurs la ressentiront également. Par ailleurs, les hausses de prix auront une fois de plus des répercussions sur toute l’économie. En d’autres termes, sabrer dans le pouvoir d’achat des ménages aura des conséquences pour tout le monde. C’est également une très mauvaise chose pour les indépendants et les petites entreprises, qui connaissent déjà tant de difficultés actuellement.
Ce n’est pas une impression : les gros ont bel et bien empoché leurs cadeaux, et ce sont les travailleurs qui vont payer la facture
Le gouvernement fédéral promet à tout le monde 100 euros par mois. Endéans les trois ans. Juste avant les élections. Peut-être. Et peut-être pas. Et certainement pas pour tout le monde. L’homme qui fait cette promesse n’inspire pas non plus trop confiance. C’est le même qui, en 2013, qualifiait de « progrès » la réduction de la TVA sur l’électricité à 6% et qui, aujourd’hui, fait précisément le contraire. C’est le même qui, avant les élections, promettait qu’il n’y aurait pas de saut d’index et qui, ensuite, a fait le contraire aussi. C’est le même qui affirmait qu’il n’y aurait pas de relèvement de l’âge de la pension à 67 ans et qui l’a quand même appliqué. Cet homme, c’est notre Premier ministre, Charles Michel.
Alain Mouton, qu’on ne peut absolument pas soupçonner de sympathie pour la gauche, écrivait cette semaine dans Trends/Tendances : « Les promesses que le gouvernement a faites aux employeurs ont été respectées : en même temps que les réductions de charges déjà annoncées et que le saut d’index, la cotisation de l’employeur sur le travail a été ramenée de 33 à 25%. Mais, en ce qui concerne les 100 euros de renforcement du pouvoir d’achat, on peut se poser des questions. (…) Le gouvernement doit rapidement faire la clarté à ce propos. Sinon naîtra le sentiment que les patrons ont déjà reçu leur cadeau, alors que les travailleurs, eux, restent sur leur faim. » Eh bien, ce n’est pas une impression du tout. Les gros ont bel et bien empoché leurs cadeaux, et ce sont les travailleurs qui vont payer la facture.
Rien qu’avec l’augmentation de la TVA sur l’électricité et l’augmentation des accises, un ménage avec deux enfants va devoir se priver de 600 euros. Par an. Ces 600 euros viennent s’ajouter à ces autres 1200 euros supprimés par le saut d’index. Moins d’impôts, moins d’impôts, moins d’impôts ! ont tous scandé les libéraux et les nationalistes. Et qu’avons-nous reçu ? Plus de taxes, plus de taxes, plus de taxes et moins de services. A bas ce tax shift gouvernemental, vive la taxe des millionnaires ! Notre rendez-vous est le 7 octobre, à la grande manifestation à Bruxelles.
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