En 2011, huit partis s'étaient entendus pour conclure une réforme de l'Etat avec le soutien des verts. Avant la mise en place d'un gouvernement tripartite classique. Un modèle pour aborder la priorité climatique en 2019 ? © THIERRY ROGE/BELGAIMAGE

Suédoise bis, olivier francophone, confédéralisme… 9 scénarios de coalitions après les élections du 26 mai

Olivier Mouton Journaliste

Votre vote est décisif pour l’avenir du pays. Après le 26 mai, bien des formules sont possibles, du blocage à l’union nationale en passant par un Michel II compliqué à mettre en oeuvre. Voici les pronostics du Vif/L’Express, classés par ordre de probabilité. En toute subjectivité.

Ce dimanche 26 mai, le résultat du match électoral sera connu. Les rapports de force au fédéral et dans les Régions baliseront les négociations pour former les nouvelles équipes gouvernementales, dans toutes les divisions. Une compétition rondement menée ? Tel est le voeu formulé par la plupart des sélectionneurs potentiels. Mais les équipes ne seront pas forcément faciles à composer. Voici les scénarios probables, classés de façon subjective, par degré de probabilité. En imaginant vos votes et en tenant compte des tactiques des partis. Le titre risque d’être aussi disputé que la dernière Premier League anglaise, décidée lors de l’ultime journée entre Manchester City et Liverpool. Un bras de fer final entre bleus et rouges : était-ce là un signe annonciateur ? Avec les jaunes et les verts en guise d’arbitres.

Ce fossé communautaire risque d’induire une crise de longue durée.

Scénario 1 : le catenaccio italien

PS-Ecolo en Wallonie, PS-Ecolo-DéFI à Bruxelles, N-VA- SP.A (ou CD&V)-Open VLD en Flandre, blocage au fédéral.

Probabilité : 8/10.

Les résultats sont diamétralement opposés au nord et au sud du pays. La N-VA reste nummer één, maître du jeu en Flandre, et premier parti à la Chambre. Bart De Wever compose au gouvernement flamand une coalition avec les socialistes et les libéraux, inspirée par la  » bourguignonne  » mise en place à Anvers après le scrutin communal. Il devient ministre- président et compte bien utiliser cette équipe comme levier pour négocier le confédéralisme. Du côté francophone, le choix de l’électeur est sans équivoque : le PS reste premier et Ecolo progresse fortement. Leurs ténors privilégient une coalition à deux, permettant de faire moins de compromis, et forment ensemble la  » majorité la plus progressiste possible  » qu’ils appelaient de leurs voeux lors de la campagne. Ce fossé communautaire induit une tactique du catenaccio. Comme en football, il s’agit de s’asseoir sur une organisation défensive sans faille au départ de laquelle on peut aller de l’avant. Résultat probable : un blocage de longue durée et une crise belgo-belge sous forme de match nul. Avec, in fine, un nouveau round communautaire pour sortir le pays de l’ornière. Le record de 541 jours, celui de la crise de 2010-2011 après le blocage sur l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), pourrait-il être battu ? C’est un risque réel, pas forcément une fatalité.

Scénario 2 : la suédoise bis

N-VA- CD&V-Open VLD en Flandre, avec le MR et le CDH au fédéral, PS-Ecolo en Wallonie, PS-Ecolo-DéFI à Bruxelles.

Probabilité : 6/10.

On prend les mêmes et on recommence au fédéral. Mais sans doute après une longue période de temporisation, en raison des coalitions régionales et des scores des uns et des autres (progression du Vlaams Belang et d’Ecolo, notamment). La N-VA, première en Flandre et premier parti à la Chambre, reste incontournable et dicte le jeu. Elle impose une coalition suédoise bis au fédéral. L’axe renouvelé entre Charles Michel (MR) et Wouter Beke (CD&V) soutient l’initiative. Le MR ne se fait pas prier, lui qui a été rapidement écarté des majorités régionales formées par le PS, premier francophone, et Ecolo en Wallonie, avec le soutien de DéFI à Bruxelles. Affaibli lors du scrutin, le MR est renforcé au fédéral par le CDH du côté francophone. Maxime Prévot renoue, par la même occasion, le lien familial avec le CD&V de Wouter Beke. La N-VA veut imposer Jan Jambon comme Premier ministre, mais un consensus se dégage finalement, soit sur un nouveau gouvernement Michel, soit autour du nom de Gwendolyn Rutten (Open VLD) – enfin une femme au Seize… Le communautaire est encore au frigo, pour mieux revenir sur la table en 2024. Deux obstacles de taille, toutefois. Un : selon les derniers sondages, cette formule ne disposerait pas de la majorité à la Chambre. Deux : la N-VA a irrité ses partenaires en fin de législature et le parti nationaliste risque de se radicaliser lors des négociations après la progression du Vlaams Belang. En fin de campagne, le président du CDH a affirmé que son parti ne  » voulait pas contribuer  » à la mise en place d’une suédoise bis. Si l’on devait malgré tout essayer un Michel II, élargi aux humanistes, il est probable que son échec renvoie au scénario 1.

Isabelle Durant (Ecolo) et Guy Verhofstadt (Open VLD) au début des années 2000.
Isabelle Durant (Ecolo) et Guy Verhofstadt (Open VLD) au début des années 2000.© HERWIG VERGULT/BELGAIMAGE

Scénario 3 : l’union belge (quadripartite ou tripartite)

Libéraux, sociaux-chrétiens, socialistes et écologistes à tous les niveaux. Ou les mêmes, sans les écologistes. Avec, éventuellement, la N-VA au pouvoir en Flandre.

Probabilité : 6/10.

La N-VA régresse légèrement en Flandre, tandis que le Vlaams Belang progresse : le parti de Bart De Wever se radicalise et fait de l’abandon du Pacte migratoire de Marrakech, qui a provoqué la chute du gouvernement Michel l’hiver dernier, une condition sine qua non pour participer au pouvoir fédéral. Le blocage est inévitable. Dans ce cas, après de longues semaines de crise, les quatre principales familles politiques du pays pourraient s’unir, contourner les nationalistes au fédéral,  » faire barrage aux populistes  » (dixit Zakia Khattabi – Ecolo) et s’entendre sur un vaste pacte économique, social et environnemental pour les vingt prochaines années. Du côté francophone, tout laisse à penser que PS, Ecolo, CDH et DéFI souhaitent mettre en place un gouvernement fédéral sans la N-VA. Pour y arriver, ils auront besoin d’un MR qui a veillé à consolider ses liens avec le CD&V et l’Open VLD en Flandre. Alternative : les trois familles traditionnelles (socialistes, libéraux et sociaux-chrétiens) prendraient leurs responsabilités pour gouverner. Ecolo et Groen participeraient à la confection d’un grand pacte environnemental, mais préfèreraient surveiller son application de l’extérieur, sans soutenir les autres politiques. C’est ce qui était arrivé en 2011, quand ils avaient soutenu la réforme de l’Etat de l’extérieur. Une telle grande coalition pourrait s’imposer, aussi, en raison de l’éparpillement des voix attendu au soir du 26 mai. Notons encore que cette forme d’union pourrait être contrainte de composer avec un gouvernement flamand dirigé par la N-VA et présidé par Bart De Wever.

Scénario 4 : l’olivier francophone

PS-Ecolo-CDH en Wallonie, PS-Ecolo-DéFI à Bruxelles, CD&V-Groen-SP.A en Flandre, les mêmes au fédéral pour composer un gouvernement minoritaire en Flandre.

Probabilité : 5/10.

Le PS reste le premier parti francophone. Ecolo-Groen, alliés, forment le premier groupe à la Chambre. Les deux familles se marient, forment un bloc compact par-delà la frontière linguistique et négocient conjointement toutes les majorités du pays. En s’alliant avec les sociaux-chrétiens en Flandre et en Wallonie. Pas à Bruxelles : le CDH s’est écrasé et le PS respecte un préaccord avec le parti d’Olivier Maingain. Elio Di Rupo, Paul Magnette et Zakia Khattabi se répartissent les postes de Premier ministre et de ministres-présidents du côté francophone ; Kristof Calvo (Groen) est vice-Premier, Hilde Crevits (CD&V) devient ministre-présidente flamande. Les partis francophones s’inspirent de la précédente législature et rendent la monnaie de sa pièce au  » gouvernement MR- N-VA  » : le gouvernement fédéral est, cette fois, minoritaire en Flandre. Audacieux. Une condition indispensable à ce scénario, qui est loin d’être gagnée : la N-VA doit être contournable en Flandre, en tenant compte aussi du score du Vlaams Belang.

Scénario 5 : la jamaïcaine

Libéraux, écologistes et sociaux-chrétiens à tous niveaux de pouvoir.

Probabilité : 4/10.

Coalition résolument novatrice, contournant la N-VA et le PS. Elle s’ancrerait dans l’harmonie existant en Flandre entre Groen et Open VLD, symbolisée par l’excellente collaboration malinoise entre le libéral Bart Somers et l’écologiste Kristof Calvo. Elle s’inspirerait par ailleurs, au sud, de l’expérience namuroise, menée en tant que bourgmestre par l’humaniste Maxime Prévot à la tête d’une coalition très symbolique, sans le PS depuis 2012. Devenu président de son parti, il exporterait l’idée aux autres niveaux de pouvoir. Une vague verte pourrait donner du crédit à la jamaïcaine. Mais le recul annoncé du MR, les affrontements entre libéraux et écologistes du côté francophone, ainsi que l’hégémonie probable du duo PS-N-VA devraient réduire ses chances d’obtenir la majorité nécessaire.

Le dialogue Di Rupo - De Wever avait mené à une impasse, en 2010.
Le dialogue Di Rupo – De Wever avait mené à une impasse, en 2010.© ERIC LALMAND/BELGAIMAGE

Scénario 6 : l’arc-en-ciel

Socialistes, écologistes et libéraux à tous les niveaux de pouvoir.

Probabilité : 4/10.

Mathématiquement, si l’on en croit le dernier baromètre Le Soir/RTL/Ipsos, publié le vendredi 17 mai, la formule pourrait décrocher une majorité au fédéral et du côté francophone – pas en Flandre. Ce serait un revival du début des années 2000, quand le libéral flamand Guy Verhofstadt avait emmené une coalition de ce type, après quarante années de présence in- interrompue des sociaux-chrétiens au pouvoir. L’enjeu était d’amorcer un grand virage éthique dans le pays. Cette fois, il s’agirait de programmer la transition économique et écologique. Mais cet arc-en-ciel manquerait d’assise en Flandre, faute de majorité et en raison du poids de la N-VA.

Scénario 7 : la confédérale laïque

PS – MR ensemble du côté francophone, N-VA – SP.A – Open VLD du côté flamand, les mêmes au fédéral.

Probabilité : 3/10.

Du côté francophone, une coalition à deux, privilégiée si elle s’avère possible, ne serait pas forcément un duo PS-Ecolo. Une alliance PS-MR reste possible. Elle a les faveurs du PS liégeois, des régionalistes des deux camps et séduit la frange des libéraux laïco-pragmatiques. Elle reposerait sur la réticence des deux partis à répondre aux exigences écologistes en matière de gouvernance ou de lutte contre le réchauffement climatique. En Flandre, la N-VA a exprimé une même réticence à gouverner avec Groen, qu’elle juge pratiquement aussi à gauche que le PTB. Bart De Wever est tenté de reproduire à l’échelon régional la coalition nouée à Anvers avec les libéraux et les socialistes. Un axe commun de cet ensemble hétéroclite pourrait s’allier au fédéral sur une volonté d’ancrer la laïcité dans la Constitution. Mais le PS a annoncé que ce serait  » sans la N-VA avec nous ou avec la N-VA sans nous  » et la question communautaire serait inévitablement au menu d’une telle coalition confédérale, fût-elle laïque.

Scénario 8 : la confédérale pure

Deux coalitions régionales asymétriques N-VA-SP.A-Open VLD et PS-CDH-Ecolo se retrouvent au gouvernement fédéral.

Probabilité : 2/10.

Des coalitions rapidement installées dans les Régions, et forcément différentes, pourraient finir par se conglomérer au fédéral et y composer un ensemble hétéroclite, dont le seul trait commun serait la famille socialiste. Hypothèse peu probable, parce que le programme d’un tel attelage serait peu cohérent et que les écologistes du nord et du sud ont annoncé qu’ils lieraient leur sort au fédéral : ensemble dedans ou ensemble dehors.

Scénario 9 : la confédérale repoussoir

Deux coalitions asymétriques N-VA-Vlaams Belang en Flandre et PS-Ecolo-PTB en Wallonie qui se neutralisent au fédéral et mènent à l’éclatement du pays.

Probabilité : 0,5/10.

C’est le scénario Bye Bye Belgium. Cette perspective suscite l’épouvante : elle mènerait le pays au bord du chaos et de l’éclatement. Imaginons… Au soir du 26 mai, la N-VA reste premier parti en Flandre, mais ne peut faire l’impasse sur le retour en force du Vlaams Belang. Le cordon sanitaire saute, les deux formations s’entendent sur une ligne migratoire ultradure, reniant le pacte onusien de Marrakech, et utilisent les institutions flamandes pour réclamer l’indépendance. Au sud, le PS domine et met en place la majorité  » la plus progressiste possible « , radicale en réalité, avec Ecolo et le PTB. Le pays est ingérable. La Région bruxelloise est paralysée. C’est la coalition épouvantail par excellence, celle que chaque camp brandit pour faire peur à l’autre.

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