Guido Fonteyn
Strépy-Thieu ou Bart De Wever ?
UN ASCENSEUR À BATEAUX – CELUI DE STRÉPY-THIEU, sur le canal du Centre – peut-il prendre sa revanche sur un homme politique (Bart De Wever) ?
Tout porte à le croire. Voici une dizaine d’années, Bart De Wever (N-VA) se rendait à La Louvière, à la tête d’une noria de véhicules. Là se trouve, sur le canal du Centre, qui, dans cette région, permet de relier les bassins de l’Escaut et du Rhin, le plus grand ascenseur à bateaux de Belgique et l’un des plus gros du monde. De ses quatre-vingts mètres de hauteur il domine le paysage environnant. De Wever y menait, avec des faux billets d’euro, la manifestation contre l’argent jeté par les fenêtres, symbolisé par ledit ascenseur à bateaux. Le message sous-jacent était on ne peut plus clair : les Wallons vivaient aux dépens des Flamands en se permettant de faire de folles et inutiles dépenses, sans scrupules. Je me souviens surtout de l’étonnement, voire de l’admiration que certains manifestants vouaient à une construction monumentale et fantastique qu’aucun d’eux n’avait jamais vue de sa vie.
Certes, les premières années furent laborieuses. Le canal du Centre fut, à l’origine, une voie d’eau servant au transport du charbon, mais celui-ci s’était fait rare après la fermeture, au Pays noir, de toutes les mines, sans exception. En plus, le transport routier avait largement pris le dessus sur la navigation fluviale. Longtemps, il a semblé que Strépy-Thieu fût tout juste une attraction touristique. Or les choses ont changé depuis.
Strépy-Thieu fait partie du Paco (Port autonome du Centre et de l’Ouest), un énorme ensemble logistique mis en place avec des fonds européens et wallons, s’étendant de La Louvière jusqu’à Tournai (et se poursuivant jusqu’à Courtrai). Le Paco a traité pour la première fois, en 2011, plus de 6 millions de tonnes, et l’ascenseur à bateaux de Strépy-Thieu, son premier million de tonnes. Je sais fort bien que ces chiffres font sourire à Anvers, mais il n’empêche que le Paco est prêt à soutenir la comparaison avec le port fluvial de Strasbourg. D’ailleurs, plus personne n’en sous-estime plus la portée stratégique. Une nouvelle ambition s’est révélée en Wallonie et elle est appelée à prendre de l’ampleur. Elle ne se fonde pas sur des chimères, mais sur des données concrètes. La Flandre aurait intérêt à en prendre conscience et à se rendre, un jour ouvrable, à Strépy-Thieu. Avec de la vraie monnaie, cette fois-ci.
Guido Fonteyn, journaliste indépendant et essayiste
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