Stéphane Moreau et André Gilles à l’origine du scandale Publifin
Jean-Claude Marcourt et Willy Demeyer ont déclaré que Stéphane Moreau n’était « pas concerné » par le scandale Publifin puisqu’il a quitté l’intercommunale en 2012. Le Vif publie un document de 2010 qui indique sans ambiguïté que Stéphane Moreau et André Gilles ont mis en place le premier comité de secteur « gaz » et jeté les bases des comités à l’origine du scandale.
Jeudi 19 janvier. La cheffe de groupe PS à la Chambre, Laurette Onkelinx, demande à Stéphane Moreau de faire « un pas de côté »: quitter son mayorat à Ans ou son poste de CEO de Nethys. Très vite, le ministre PS wallon de l’Economie, le très principautaire Jean-Claude Marcourt, réagit: « La sortie de Laurette Onkelinx est inappropriée en ce sens que ce n’est pas Moreau qui est à la manoeuvre chez Publifin », déclare-t-il à nos confrères de Sudpresse. Interrogé dimanche dernier sur le plateau d’À votre avis (RTBF), le bourgmestre PS de Liège Willy Demeyer ne dit pas autre chose: « Stéphane Moreau, depuis 2012, n’était plus dans cette structure [NDLR: Publifin] et n’avait pas la responsabilité… Nethys, c’est la société opérationnelle qui réalise les opérations industrielles, la filiale privée, et Publifin c’est autre chose. Donc lui n’est pas concerné par cela. »
Ces déclarations sont vraies si l’on ne considère que les trois comités de secteur créés en juin 2013, dénoncés par l’échevin des Finances d’Olne Cédric Halin le 20 décembre dernier, et liquidés deux jours plus tard par Publifin. Le problème, c’est que ces trois comités ne sont que les « enfants », prévus dès 2010, du comité de secteur « gaz », le tout premier comité de ce genre créé fin décembre 2010 par Tecteo, futur Publifin. À l’époque, le bureau exécutif de Tecteo – émanation du CA qui concentre le pouvoir au jour le jour – est dirigé par André Gilles et Stéphane Moreau. Le premier est président du CA depuis 1990. Le second, directeur général depuis 2005.
Demeyer à la table des négociations
Courant 2010, Gilles et Moreau vont négocier, plusieurs mois durant, au nom du bureau exécutif de Tecteo, les conditions de l’absorption de l’Association liégeoise du gaz (ALG). En face d’eux? Leurs homologues du bureau exécutif de l’ALG: le directeur général Gilbert Van Bouchaute et le président… Willy Demeyer, membre – comme Gilles et Moreau – du fameux « club des cinq », ligue informelle (avec Alain Mathot et Jean-Claude Marcourt) qui fait la pluie et le beau temps au sein du PS liégeois. Les négociations ne sont pas simples, l’ALG résiste. L’idée de créer un comité « de suivi » post-absorption vient sur la table à la demande des communes actionnaires de l’ALG.
Bref, le bourgmestre et président de la Fédération liégeoise du PS Willy Demeyer semble avoir eu la mémoire bien courte lorsqu’il s’est exprimé dimanche à la RTBF… Le 17 septembre 2010, Claudy Klenkenberg, bourgmestre PS de Welkenraedt, remplace Demeyer appelé à d’autres fonctions. Deux mois plus tard, un document signé par Stéphane Moreau et André Gilles, pour Tecteo, montre sans ambiguïté que les deux hommes ont mis en place le premier comité de secteur « gaz », pour atteindre leur objectif.
Un « geste » pour engloutir l’ALG
Datée du 23 novembre 2010 et envoyée aux communes actionnaires de l’ALG, cette lettre de trois pages reprend les « engagements de Tecteo dans le cadre de l’opération de fusion par absorption de l’ALG par Tecteo ». On peut notamment y lire: « En ce qui concerne l’après-fusion, il a été décidé de créer, comme le prévoient les statuts de Tecteo, un comité de secteur afin que ce dernier perpétue la gestion de l’activité de distribution gazière au sein de Tecteo. Cela signifie que les instances actuelles de I’ALG seront maintenues au sein de ce Comité de secteur « gaz » jusqu’à la fin de l’actuelle législature, soit juin 2013. »
Un proche du dossier décode: « Pour convaincre les membres du bureau exécutif de l’ALG de se faire hara-kiri en votant la fusion avec Tecteo, il a bien fallu leur offrir une compensation. Et cette compensation, c’est la prolongation de leur mandat rémunéré, au sein du comité de secteur « gaz » de Tecteo. Stéphane Moreau et André Gilles ont fait un « geste » pour arriver à leurs fins: engloutir l’ALG. » Ce « geste » sera-t-il qualifié d’abus de biens sociaux par la justice liégeoise qui a ouvert une information judiciaire le 26 décembre dernier, six jours seulement après les révélations du Vif? À voir.
Les comités de 2013 prévus dès 2010
Revenons-en à la lettre. La suite du courrier a de quoi surprendre puisqu’il prévoit déjà les… futurs comités de secteur post-juin 2013. Oui, vous avez bien lu, ceux dénoncés par Cédric Halin: « Au-delà de cette date [juin 2013, NDLR], il conviendra aux quatre fédérations politiques provinciales d’envisager les suites à donner aux instances de Tecteo: maintien d’un comité de secteur gaz, création d’un comité de secteur télécoms ou élargissement du Conseil d’Administration de Tecteo? Dans l’état actuel des choses, la question est ouverte et peut être débattue. »
La suite, on la connaît: le 21 juin 2013 le comité de secteur « gaz » est dissous et illico remplacé par trois autres comités (« énergie », « Liège-ville » et « télécom »). A noter que le comité de sous-secteur « Liège-ville » est mis en place pour exactement les mêmes raisons que celles qui avaient justifié la création du comité de secteur « gaz » fin 2010: compenser la perte de mandats au sein d’une intercommunale absorbée par Tecteo. En l’occurrence Intermosane, dont Tecteo a mis le grappin sur les réseaux électriques du centre-ville de Liège au printemps 2013. Bref, entre le comité de 2010 et ceux de 2013, la boucle est bouclée.
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