Sortie du nucléaire: Premier acte d’une discussion sous haute tension
La ministre fédérale de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, doit remettre ce mardi à ses collègues un rapport sur la sécurité d’approvisionnement énergétique du pays et le prix de l’énergie après la sortie du nucléaire. Une première réunion en comité ministériel restreint sur le sujet est attendue vendredi.
Avec ce rapport de la ministre écologiste, la Vivaldi aborde l’un des chantiers les plus compliqués de la législature. Ce rapport doit en principe permettre au gouvernement d‘entériner la fin définitive des centrales nucléaires en 2025, conformément à une loi de 2003 confirmée en 2015. Il suit les résultats des enchères réalisées dans le cadre du Mécanisme de Rémunération de Capacité, le « CRM » qui vise à garantir à la Belgique une capacité énergétique suffisante. « Ce rapport analysera notamment la sécurité d’approvisionnement et l’impact sur le prix de l’électricité. Si ce monitoring montre qu’il y a un problème inattendu de sécurité d’approvisionnement, le gouvernement prendra des mesures adéquates comme l’ajustement du calendrier légal pour une capacité pouvant aller jusqu’à 2 GW », dit l’accord de gouvernement. En d’autres termes, l’exécutif pourrait le cas échéant décider de prolonger les deux réacteurs les plus récents, Doel 4 et Tihange 3.
Dans la coalition, le MR s’est déjà prononcé en faveur de ce scénario. Aux yeux des libéraux, qui ont pourtant soutenu les lois de 2003 et de 2015, la prolongation des deux réacteurs permettrait à la Belgique de limiter ses émissions de gaz à effet de serre et la protégerait en partie d’un marché du gaz aujourd’hui très tendu. Les écologistes, directement visés, se montrent jusqu’à présent prudents. Ils s’en tiennent à l’accord de gouvernement mais affichent leur optimisme: à leurs yeux, les signaux sont au vert pour quitter le nucléaire.
Le PS estime quant à lui que le débat est tranché avec la mise en oeuvre du CRM: les sept réacteurs vont fermer.
La N-VA joue les trouble-fêtes. Les nationalistes flamands défendent le nucléaire. Ils sont dans l’opposition au fédéral mais en majorité en Flandre et la ministre de l’Environnement, Zuhal Demir (N-VA), a refusé le permis de l’un des nouveaux projets retenus dans le cadre du CRM – la centrale au gaz de Vilvorde – au nom de la pollution qu’elle engendrerait.
La solution de la prolongation est toutefois loin d’être évidente à exécuter. Engie a dit et répété qu’il avait tourné la page du nucléaire en Belgique. À l’entendre, le délai est passé pour obtenir à temps les permis nécessaires et procéder aux différentes opérations pratiques requises.
Qui plus est, des problèmes pourraient également se poser avec l’Europe puisque l’approbation du CRM par la Commission européenne a été conditionnée à la sortie du nucléaire.
Le Premier ministre Alexander De Croo s’efforce quant à lui d’aborder le débat d’un point de vue de long terme. À ses yeux, le gouvernement jettera les bases de la politique énergétique de la Belgique pour les 30 à 40 années à venir. La question ne peut donc se résumer à la prolongation temporaire de deux centrales, qui n’est qu’une partie d’un tout où l’énergie durable sera centrale. Le chef du gouvernement a dit sa foi dans la technologie pour mener à bien la transition énergétique. Et à long terme, les libéraux francophones et néerlandophones ainsi que le CD&V ont déjà indiqué qu’il faudrait investir dans le nucléaire de nouvelle génération, comme le font d’autres pays européens.
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