8 Belges sur 10 veulent un impôt sur les grandes fortunes (sondage Le Vif/CNCD-11.11.11)
Une majorité de plus en plus éclatante de Belges sont favorables à l’impôt sur les grosses fortunes. Mais pas la majorité politique. Le constat du dernier sondage CNCD-11.11.11/Le Vif est édifiant sur le grand décalage entre le politique et la population en matière de justice fiscale.
« Soit il est vraiment déconnecté de ce que pensent réellement les gens, soit il a son propre agenda. Lequel est dicté par les idéologies de chaque parti et les programmes qui traduisent cette idéologie». Le directeur du Centre de recherche et d’information sociopolitiques (Crisp) n’y va pas par quatre chemins, dans son analyse du dernier sondage réalisé par le CNCD en collaboration avec Le Vif. « Il », c’est, on l’aura compris, le monde politique. Et la vision qu’offre celui-ci sur des sujets aussi essentiels que la fiscalité ou la migration est en décalage manifeste avec la majorité des opinions révélées par le sondage. « La discordance est énorme, appuie Jean Faniel. Bien sûr, on n’attend pas du politique qu’il soit le reflet de toutes les enquêtes d’opinion. Mais, ici, on est vraiment très loin du vox populi, vox dei. »
L’exemple le plus frappant du sondage est l’impôt sur les grandes fortunes. Cette année, 80 % des sondés se disent favorables à un impôt spécifique sur les patrimoines supérieurs à 1 million d’euro (hors résidence principale). C’est bien davantage qu’en 2022 (74 %) et surtout qu’en 2021 (64 %). Huit belges sur dix désormais, ce n’est plus une majorité mais un plébiscite.
Abolir les paradis fiscaux
Soulignons que ce sont les Flamands (81 %) et les Belges les plus aisés (82 %) qui soutiennent le plus la mesure. On sait pourtant que les chances de voir un consensus politique émerger autour d’un tel impôt sont quasi nulles. Il suffit de se souvenir de la récente tentative du ministre CD&V des Finances de réformer la fiscalité du patrimoine. Avec notamment l’instauration d’une légère taxe sur les plus-values d’action au-delà de 6 000 euros par an. Un coup dans l’eau… Vincent Van Peteghem avait alors déploré, visant les libéraux : « Certains ne regardent pas l’avantage pour les citoyens. Ils ont écouté leurs partisans et les lobbys. »
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Une grande majorité de Belges (81 %) se dit également favorable au durcissement des mesures visant à abolir les paradis fiscaux. C’est d’autant plus interpellant pour le politique au vu du récent rapport de l’Observatoire européen de la fiscalité : celui-ci établit qu’une quantité persistante de bénéfices des multinationales continue à être délocalisée dans places offshore, soit environ 1 000 milliards de dollars.
Justement les sondés jugent positivement (74 %) la décision de l’OCDE d’instaurer un impôt minimum mondial sur les bénéfices des multinationales. Et près de 60 % pensent que cet impôt fixé à 15 % est trop peu élevé.
Pour une taxe sur le kérosène
En matière de justice fiscale, notre sondage montre aussi un soutien de plus en plus clair à l’instauration de nouvelles taxes européennes pour financer les politiques climatiques du Green Deal. 74 % se disent pour un impôt UE sur les grands patrimoines. 53 % pour une taxe sur le kérosène et les billets d’avion. 61 % pour la taxe sur les déchets plastiques. 56 % pour un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Europe, 52 % pour une taxe européenne sur les transactions financières. « Même les patrimoines tendanciellement les plus favorisés sont d’accord avec ces mesures fiscales internationales », remarque Jean Faniel
Par contre, la taxe sur les services numériques a de moins en moins les faveurs des Belges. A peine 27 % y sont favorables, contre 44 % en 2022. Les GAFAM peuvent donc dormir tranquille. Comme les deux années précédentes, les + de 55 ans se montrent plus enclins que les 18-34 ans à soutenir ces taxes. « Sans doute, les jeunes sont-ils moins conscients de l’importance de la fiscalité, avance Jean Faniel. Il y a visiblement du travail d’information à faire auprès d’eux. »
Le sondage élaboré par le CNCD et Le Vif a été réalisé, via Internet, par la société Dedicated, entre le 2 et le 10 octobre 2023, sur un échantillon de 1505 Belges, dans les trois régions du pays et selon trois groupes sociaux (inférieur, intermédiaire et supérieur). La marge d’erreur est faible, soit 2,3 %.
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