La CGSP lance une chasse aux sources du Vif: « Un usage abusif du RGPD »
Depuis ce lundi, la CGSP analyse son réseau et son matériel informatiques pour tenter d’identifier qui a transmis au Vif des captures d’écran d’une base de données interne. Cet « usage abusif » du RGPD constitue une « violation caractérisée » du secret des sources journalistiques, selon la Fédération européenne des journalistes.
Notre enquête sur les pratiques déontologiquement douteuses de certains délégués syndicaux de la Centrale générale des services publics (CGSP) a suscité de nombreux remous au sein du syndicat. Pour rappel, Le Vif révélait, jeudi dernier, documents à l’appui, que certains syndicalistes qui appellent leurs affiliés à la grève ne se sont pas déclarés eux-mêmes en grève, pendant des années, afin de toucher leur salaire complet. Une pratique désastreuse pour l’image du syndicalisme que le bureau exécutif fédéral de la CGSP voudrait voir disparaître en adoptant, avant Noël, une nouvelle procédure… qui ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect.
Des données « hautement sensibles », selon la CGSP
Ce lundi en fin de matinée, un courriel signé par le président du syndicat, envoyé à toute l’organisation, annonce le lancement d’une enquête interne visant à identifier les sources du Vif. Michel Meyer déplore « que des données à caractère personnel sensibles concernant certains de nos affiliés ont été extraites du programme de gestion des membres. » Il s’agit pour lui d’une « violation grave » du RGPD, le règlement européen sur la protection des données personnelles.
« Les données liées à l’appartenance syndicale sont classées comme hautement sensibles par le RGPD », ajoute-t-il dans son courriel. « La CGSP doit donc investiguer en vue de découvrir d’où peut provenir cette fuite de données. » Il s’agit, poursuit-il, d’une obligation légale au regard du RGPD « en vue de protéger les intérêts de la CGSP ». Le syndicat a donc lancé une analyse de son réseau et de son matériel informatique pour tenter d’identifier qui a transmis au Vif des captures d’écran de la base de données interne Alka, à l’origine de nos révélations.
« Il est clair que l’on fait face ici à un usage abusif du RGPD en vue d’identifier des sources journalistiques »
Ricardo Gutiérrez, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ)
Violation « indigne » du secret des sources
Recourir au RGPD pour identifier les sources des journalistes, alors que les informations publiées sont d’intérêt général, est-ce bien légal ou légitime ? « Il est clair que l’on fait face ici à un usage abusif du RGPD en vue d’identifier des sources journalistiques », tonne Ricardo Gutiérrez, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ). « C’est une violation caractérisée des standards juridiques européens de protection des sources. Il est indigne qu’un syndicat, supposé défendre l’intérêt public, se livre à de telles pratiques. » La réaction est d’autant plus cinglante quand on sait que Ricardo Gutiérrez siège également dans les instances dirigeantes de la Confédération européenne des syndicats (CES), dont la CGSP est membre à travers la FGTB.
Ce n’est pas la première fois que la FEJ constate que le RGPD est « détourné de sa fonction première et légitime » pour se transformer « en outil de censure ou de répression des journalistes d’investigation ». Le syndicat européen des journalistes a identifié de tels cas au Royaume-Uni, en Hongrie, en Grèce, à Malte, en Croatie et en Roumanie. « Nous avons dénoncé ces pratiques au Conseil de l’Europe et auprès de la vice-présidente de la Commission européenne, Vera Jourova, qui nous a assuré qu’elle veillerait à réprimer tout usage abusif du Règlement », conclut Ricardo Gutiérrez.
David Leloup, avec Salomé Chable, Anass Dridelli, Laura Maestre Mendez et Eléonore Malmendier (Imp4ct)
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