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Des préavis de grève tous azimuts sur le rail: pourquoi la bisbille intersyndicale risque «d’épuiser les troupes»
Faute d’action coordonnée, les syndicats ferroviaires multiplient les préavis de grève sur le rail. La CGSP appelle les cheminots à unir leurs forces et à développer une stratégie commune.
Qui frappera le plus fort? Depuis mi-février, les organisations syndicales représentant les cheminots se livrent à une surenchère d’actions éparses pour témoigner de leur colère face aux projets de l’Arizona. Dernier cri d’alarme en date: celui du Syndicat pour la mobilité et le transport intermodal des services publics (METISP), qui a annoncé jeudi soir le dépôt d’un préavis de grève durant tout le mois de mars. Si le projet a été recalé par HR Rail, d’autres promesses de débrayage se concrétiseront dans les semaines à venir, dans une sorte de cacophonie désorganisée.
Le premier mouvement de grève débute ce vendredi à partir de 22 heures, à l’initiative du Syndicat indépendant cheminots (SIC). Durant neuf jours, le réseau ferroviaire sera ainsi sujet à d’importantes perturbations (3 trains IC sur 5 circuleront samedi), avec des pics de désagréments attendus en semaine. Dès dimanche soir, le Syndicat autonome des conducteurs de train (SACT) se ralliera également à la grogne pour une période de cinq jours (jusqu’au 28 février inclus).
Un sprint ou un marathon?
Des actions auxquelles ne participeront pas les principaux syndicats ferroviaires, à savoir la CGSP Cheminots (représentant trois quarts du personnel) et la CSC-Transcom, et, dans une moindre mesure, le SLFP Cheminots (environ 3% du personnel). Le syndicat libre, au départ solidaire du mouvement, a finalement décidé de «mettre en suspens» son préavis à l’issue d’une réunion avec la direction de la SNCB. «Les instances dirigeantes doivent s’entretenir prochainement avec le ministre (NDLR: Jean-Luc Crucke, en charge de la Mobilité), donc on a estimé qu’il était préférable d’attendre de voir ce qui ressortirait de cette concertation avant de débrayer, justifie Joël Robbens, secrétaire fédéral du SLFP Cheminots. Certains agents ont été déçus de notre désolidarisation, donc on a quand même décidé de les couvrir pendant deux jours s’ils souhaitent se joindre à la contestation.»
De son côté, la CGSP préfère ne pas se livrer à des actions prématurées, auxquelles elle n’a d’ailleurs pas été conviée. «Il n’y a eu aucun contact entre ces organisations et la nôtre», déplore Pierre Lejeune, président du syndicat socialiste, qui s’interroge sur la pertinence du mouvement initié par ses collègues. «Faut-il vraiment développer un plan d’actions d’une telle ampleur maintenant, sans connaître les tenants et les aboutissants des mesures qui nous attendent? Rien ne sert de partir pour un sprint alors que l’épreuve s’apparentera plutôt à un marathon.»
Un plan d’actions «progressif»
Si le syndicat socialiste temporise, c’est surtout car il a eu le privilège d’être invité à la table du ministre fédéral, aux côtés de la CSC. Après une première rencontre le 13 février dernier, une nouvelle entrevue est planifiée la semaine prochaine. «Je veux laisser une chance à la négociation et au dialogue social, assure Pierre Lejeune. Même si j’ai des doutes quant à la marge de manœuvre réelle du ministre sur les dossiers qui nous préoccupent…»
Prudentes, mais lucides, la CGSP Cheminots et la CSC-Transcom ont tout de même défini un calendrier d’actions commun, qui doit s’échelonner de mars à juillet, à raison de deux jours de mobilisation par mois. «C’est un plan progressif et reconductible, clarifie Pierre Lejeune. Si on voit que le gouvernement n’accorde pas une part suffisante aux négociations, on déclenchera des actions plus importantes.»
La main tendue de la CGSP
Un mouvement auquel sont également invitées les autres organisations. «On espère rassembler toutes les forces disponibles et développer ensemble une stratégie commune, insiste le président de la CGSP Cheminots. Au contraire, les actions éparses risquent d’épuiser les troupes et d’affaiblir notre capacité de mobilisation pour le futur. Je pense que tout le monde a intérêt à ce que les organisations principales reprennent la main sur les dossiers pour éviter que ça parte dans tous les sens.»
Faut-il vraiment développer un plan d’actions d’une telle ampleur maintenant, sans connaître les tenants et les aboutissants des mesures qui nous attendent? Rien ne sert de partir pour un sprint alors que l’épreuve s’apparentera plutôt à un marathon.
Pierre Lejeune
Président de la CGSP Cheminots
Une première action en front commun devrait se tenir le 31 mars, à l’occasion de la grève nationale. Le SLFP Cheminots doit confirmer sa participation aux côtés des organisations socialiste et chrétienne dans les jours à venir.
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